Restée gravée dans la mémoire des Burkinabè, cette journée du 16 septembre 2015 rappelle à des citoyens des moments de résistance contre un coup de force du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Quatre ans après ces événements, quels sont les souvenirs que les citoyens gardent de cette date ? Lefaso.net est allé à la rencontre de Burkinabè qui reviennent sur les événements du 16 septembre 2015 et évoquent leurs souvenirs.

Olivier Guy Ouédraogo, secrétaire général de la Confédération syndicale burkinabè : « La date du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 me rappelle le sursaut patriotique de notre peuple face à l’imposition que voulait faire effectivement le général Gilbert Diendéré d’un régime au peuple burkinabè. C’est la défense de la démocratie que nous avons eue comme cheval de bataille.

C’est ce qui me revient à l’idée. Et j’appelle effectivement tous les Burkinabè à toujours défendre la démocratie comme le disait Winston Churchill, « la démocratie, c’est le pire des systèmes en dehors des autres ». Donc je me rappelle surtout de la défense de la démocratie. »

Olivier Guy Ouédraogo, secrétaire général de la confédération syndicale Burkinabè

François Ouédraogo, responsable syndical : « Le 16 septembre 2015, j’ai été envoyé par ma centrale syndicale, la CGTB, au niveau du Conseil économique et social (CES) qui tenait donc sa session. Et c’est pendant qu’on était en train de vouloir terminer la session que les rumeurs ont commencé à circuler sur ce qui se passait à Ouaga 2000.

C’est dire que nous avons vécu quasiment en temps réel ces évènements d’autant plus que la clôture de l’activité n’a pu avoir lieu selon les règles de l’art parce que tout le monde était presque dans la débandade, notamment les représentants des provinces et des régions. On se posait pas mal de questions, on se demandait de quoi demain serait fait.

Mais nous avons été très agréablement surpris par l’esprit de résistance qui a été développé par notre peuple qui a su résister contre vents et marées contre le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) car à l’époque ne défiait pas le RSP qui voulait. Ce jour a été pour moi, un véritable signe des temps et un tournant décisif au niveau donc du pays. À cette occasion, je voudrais féliciter le peuple pour cette résistance et qui en même temps a constitué une nouvelle direction pour l’ensemble du pays ».

Dominique Yaméogo :« Je me souviens de ce jour où les populations se sont mobilisées et ont pu faire échec à coup d’Etat. La jeunesse s’est investie en barrant pratiquement tous les carrefours au niveau des voies bitumées pour faire avorter ce coup d’Etat.

Ainsi différentes forces, y compris au sein de l’armée se sont données la main pour dire que les coups d’Etat font reculer le pays. C’est le souvenir que j’ai. L’évènement a été amer et sanglant mais c’était nécessaire de résister aux RSP afin qu’il ne nous impose pas encore un régime autoritaire.

A l’approche de la date de cet évènement, il y a deux aspects tristes : c’est l’écœurement pour les morts, les assassinats qu’il y a eus et tout récemment avec le procès du putsch. Quand on voit que personne ne veut assumer en réalité la paternité de ces assassinats, ça fait mal. Ainsi, les gens ont fui leurs responsabilités d’assumer alors que nous avons eu des morts suite à ce coup de force. Or nous savons que ce n’est pas le ciel et le vent qui les ont assassinés, ce sont des gens au niveau du RSP. Vraiment c’est triste.

L’autre aspect, c’est le sentiment d’apaisement parce que le peuple a réussi à faire échec au coup d’Etat et que désormais « plus rien ne sera comme avant ». À cet anniversaire, je suis d’avis avec ceux qui disent qu’il faut commémorer cette date pour se souvenir, rendre un hommage aux victimes et à la jeunesse tout en les invitant à rester debout ».

Jean-Baptiste Badolo

Jean-Baptiste Badolo : « La date du 16 septembre 2015 me rappelle la résistance héroïque du peuple contre le coup d’Etat de type fasciste du général Gilbert Diendéré. A l’approche de cette date, je revois encore le peuple dans toutes ses composante debout pour barrer à des hors-la-loi.

Ainsi le peuple a refusé de courber l’échine et interpelle à ceux qui sont aux commandes aujourd’hui de savoir qui n’eût été cette résistance farouche du peuple, ils ne pouvaient pas prétendre diriger ce pays. Mais à eux à leur tour, ils ont décidé de criminaliser l’insurrection et de bâillonner le peuple. Mais le peuple refusera de se laisser faire. C’est pourquoi le 16 septembre 2019, le peuple sera encore sur les barricades pour dire non à l’arbitraire, non au terrorisme, non à la fragilisation du pouvoir pour une indépendance véritable ».

Nicolas Ouédraogo du CGT-B

Nicolas Ouédraogo de la CGT-B : « Quatre ans après le coup d’Etat manqué et la résistance héroïque de la population, on peut constater que c’est la désolation dans le rang du peuple qui constate que malgré ce sang versé qui a permis à certains acteurs d’arriver au pouvoir, on ne sent pas un comportement de leur part qui récompense un peu notre peuple face cet héroïsme. Et cela est un regret vis-à-vis de ceux qui dirigent le pouvoir. Je pense que le peuple saura en tirer des leçons.

Et on remarque même qu’il y a une manifestation prévue pour commémorer en quelque sorte cette date historique marquée par un coup d’Etat et une résistance héroïque. Les autorités travaillent dans le sens d’empêcher la réussite de cette activité. Je pense que ce n’est pas le comportement voulu par les résistants à ce putsch-là. On aurait voulu mieux voir un pouvoir qui allait prendre en compte leurs préoccupations. Mais malheureusement, on a en face de nous, un pouvoir qui travaille à contre-courant des aspirations populaires, incapable donc de garantir la sécurité et c’est la même gabegie, la même mal gouvernance alors que ce n’est pas pour rester dans cette même situation que le peuple a accepté de verser son sang ».

Conomba Traoré, SG de la fédération nationale des boulangers et pâtisserie :« Selon moi, quatre années après le coup d’Etat de septembre, c’est un sentiment de révolte qui m’anime, parce que nous constatons que les raisons pour lesquelles nous nous sommes battus ont été récupérées. Car aujourd’hui tous les acquis qu’on avait comme la liberté syndicale, de manifester, d’expression et j’en passe, tout est remis en cause et tous les engagements qui avaient été pris ne sont pas respectés.

Si je prends l’exemple des boulangers, nous avons signé une convention collective sur la table de négociation et les différentes parties avaient pris des engagements pour que son application soit efficace et rapide. Malheureusement, deux ans et demi après, rien n’est fait. Par conséquent j’invite tout le peuple burkinabè à se mobiliser non seulement pour commémorer l’anniversaire mais aussi à défendre chèrement tous les acquis qu’ils avaient engrangés ».

Sharaph Coulibaly, citoyen burkinabè « Quatre ans après le putsch manqué du général Diendéré et avec le procès qui vient de se terminer, je pense ça apaise maintenant les douleurs des familles et des victimes. Et ceux qui ont perdu la vie dans cette histoire aussi doivent mieux reposer en paix. Sinon au-delà de cela, c’est un souvenir qui fera toujours partie de l’histoire du Burkina Faso et on ne souhaite plus revivre une telle situation.

Il faut être donc beaucoup plus soudé maintenant pour avancer. Parce que, l’année prochaine, on sera dans une année électorale et beaucoup de décisions devront être prises par le Président du Faso pour que les Burkinabè puissent s’asseoir, se regarder, se parler et se pardonner pour qu’au sortir des élections de 2020, il n’y ait plus de distanciation sociale, ni trop de revendications sociales .

Tout enfant du Burkina Faso doit œuvrer à son niveau pour que le pays puisse avancer. Car, il y a déjà des terroristes qui ne nous laissent pas et si nous-mêmes, nous n’arrivons pas à parler d’une même voix et faire avancer notre pays, ce sera du temps perdu et une désolation pour la future génération ».

Propos recueillis par Issoufou Ouédraogo et Yvette Zongo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net