La dégradation des sols constitue aujourd’hui une préoccupation au Burkina Faso. Elle influe négativement sur les rendements agricoles, compromettant ainsi l’activité de plus de 80% de la population. Pour restaurer ces sols dégradés, le comité villageois « Nerwaya » de Wavoussé, village situé dans la commune rurale de Loumbila, région du Plateau central, s’est lancé depuis 2017 dans la production de compost enrichi au trichoderma. Une initiative locale digne d’intérêt.

Ils ont reporté le rendez-vous à trois reprises, à cause de la pluie. Finalement, en ce lundi 22 août, ils sont là avec des pelles, brouettes, charrettes et dabas sur le site de l’unité de compostage. Eux, ce sont les membres du comité villageois « Nerwaya » de Wavoussé. Objectif de ce rendez-vous : retirer des fosses, le compost pour la phase de séchage, après plus de trois semaines de décomposition complète. Ce compost est charrié du site au lieu de séchage au moyen d’un tricycle. Sur le site, l’ambiance est joviale. Çà et là, on échange sur divers sujets, chacun attendant le tour de convoyage du compost de sa fosse.

Ils sont treize, ces hommes et femmes qui ont fait de la production du compost enrichi au trichoderma (champignon améliorant la qualité du compost), un engagement écologique afin de lutter contre l’appauvrissement des sols dans leur localité. Ces écologistes, comme on peut les appeler, s’investissent pendant toute la saison sèche dans la restauration des sols avec le compost. Pour organiser au mieux cette lutte contre la dégradation des sols, ils ont créé un comité dénommé « Nerwaya » (en langue locale : le bonheur est là), avec la mise en place d’une unité pour produire le compost. Cette unité de compostage est implantée à Wavoussé, l’un des 30 villages que compte la commune rurale de Loumbila, dans la région du Plateau central, province de l’Oubritenga. Wavoussé est un village de plus de 800 âmes, situé à une quinzaine de kilomètres du chef-lieu de ladite commune et à environ 45 km de Ouagadougou.

Une production naturelle et artisanale, mais aux résultats édifiants

« Nous avons décidé de produire du compost, parce que nous nous sommes rendu compte que nos sols ne cessent de s’appauvrir. Et les produits chimiques que nous utilisons n’apportent pas réellement de solution. Car, lorsqu’on utilise les produits chimiques et qu’on arrête de les utiliser, on remarque que nos sols deviennent plus pauvres. C’est de là donc qu’est née l’idée de la production du compost ; ce produit naturel utilisé dans le passé par nos parents et grands-parents pour restaurer les sols et qui était une solution très efficace pour eux, parce qu’ils ont cultivé sur ces mêmes sols pendant des années et les sols étaient toujours riches », racontent Safieta Ilboudo et Issaka Tapsoba, tous deux membres de l’unité de production. Ils expliquent que « c’est d’ailleurs ce qui nous a poussés à nous dire pourquoi ne pas revenir à une telle pratique qui a la même équivalence que les produits chimiques utilisés, mais en l’améliorant ».

Safieta Ilboudo, membre de l’unité de production du compost

Ils expliquent le processus de production en ces termes : « Pour fabriquer notre compost enrichi, nous utilisons de la cendre, de la paille, des déjections animales, de l’herbe ; on laisse décomposer le mélange pendant 35 à 45 jours. Après vérification, si la décomposition est complète, on le retire des fosses en le faisant sécher ».

Issaka Tapsoba précise que tout le travail de la production se fait de façon artisanale à la main, avec les moyens de bord. « Nous nous battons pour éradiquer les engrais chimiques, nuisibles à nos sols, en les remplaçant par ce compost naturel à 100% bio », souligne l’interlocuteur. Comme quoi, on n’est pas obligé d’avoir de gros moyens pour mettre en pratique une bonne idée ; il suffit d’avoir la volonté. « Notre compost n’est pas seulement produit pour l’utilisation, mais aussi pour être commercialisé », révèle-t-il.

(crédit photo, AM (association Manegdbzanga))

Une activité génératrice de revenus

Depuis le lancement officiel de l’unité de production du compost en 2017, les populations paysannes ont montré leur intérêt pour le produit. Du moins, celles des villages environnants, à en croire Rasmané Konseiga, agent technique de l’AM (Association Manegdbzanga). C’est pourquoi, au-delà de l’utilisation, le comité en a fait une activité génératrice de revenus. En effet, depuis la création de l’unité de compostage, ce sont des dizaines de tonnes qui ont été déjà produites par le comité Nerwaya, souligne-t-il, précisant qu’à chaque production, le compost est séché et directement mis dans des sacs de 50 kg et vendus à 5 000 FCFA le sac.

Du compost plutôt que des produits chimiques !

« Cela fait maintenant près de deux ans que j’utilise ce compost pour la culture maraîchère et après plusieurs saisons d’utilisation, je peux dire qu’il est bon ; parce qu’il fertilise le sol et permet d’avoir des légumes et des produits de qualité. Avec le produit chimique, vous produisez en grande quantité certes, mais les produits ne peuvent pas être conservés, parce qu’ils pourrissent très vite », témoigne Ramata Soré, maraîchère de Ramitenga, une des clientes du compost de Nerwaya.

Depuis qu’il a découvert le compost, Seydou Tiemtoré, un autre maraîcher de Ramitenga, n’utilise plus l’engrais chimique, à en croire son témoignage : « Avec ce produit naturel, le compost, je gagne moins que ce que je gagnais avec l’engrais chimique, mais je suis fier d’avoir des légumes qui peuvent être conservées ».

Adama Bonkoungou, présidente de l’unité de compostage enlevant son compost pour le séchage

Pour le secrétaire du comité Sidwaya de Ramitenga, Adama Tiemtoré, les sols cultivables sont de plus en plus pauvres et ont besoin d’être régénérés. C’est pourquoi, ce produit est le bienvenu dans la mesure où le coût est accessible à tous les paysans, apprécie-t-il.

De quoi renforcer l’aura de ce compost enrichi au trichoderma, un produit prisé au-delà de la commune de Loumbila. Selon le chef de zone d’appui technique en agriculture de Loumbila, Arsène Sibiri, le compost est un produit à promouvoir, parce qu’il est une solution de restitution des sols. Au Burkina Faso et plus particulièrement dans la commune de Loumbila, les sols sont de plus en plus pauvres à cause du type d’agriculture qui y est pratiqué, du changement climatique, auxquels s’ajoute l’accroissement rapide de la population avec son corollaire de pression foncière. « Devant une telle situation, il y a lieu de restituer et de restaurer les sols, de sorte à permettre aux populations paysannes, représentant les 80%, de pouvoir se nourrir », recommande Arsène Sibiri.

Toute cette activité a été rendu possible grâce à la formation et à l’accompagnement reçus de l’Association Manegdbzanga avec le soutien technique de BioProtect.

Yvette ZONGO

Lefaso.net

Source: LeFaso.net