Les plaidoiries du procès du putsch de septembre 2015 ont pris fin ce vendredi, 23 août 2019 avec les avocats de Me Hermann Yaméogo et Léonce Koné. L’audience reprend lundi, 26 août 2019 avec la « la divulgation de la liste des questions du Tribunal » ; c’est-à-dire qu’il s’agira pour les juges de réagir à des questions dont les réponses vont impliquer la culpabilité ou non de chaque accusé.
A la reprise de l’audience en cette matinée, Me Yérim Thiam et Me Antoinette Ouédraogo ont plaidé l’acquittement de Léonce Koné (cadre de l’ex-parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès, CDP) et de Me Hermann Yaméogo (président de l’Union nationale pour le développement et la démocratie, UNDD). Pour les conseils, à aucun moment, il n’est ressorti que ces deux personnalités politiques sont mêlées aux évènements du 16 septembre 2015.
L’ex-bâtonnier sénégalais, Yérim Thiam, en tentant de déconstruire l’argumentaire du Parquet militaire, a fait remarquer que les charges ont été montées de toutes pièces. « Si je montre le Code pénal du Burkina et l’accusation du Parquet à Gohou Michel (comédien ivoirien, ndlr), il dira que le Parquet a tapé poteau (échoué, ndlr). (…). Le parquet doit apporter la preuve, parce que la preuve repose sur ses épaules », a contre-attaqué l’avocat.
Selon Me Thiam, le Parquet militaire n’a pas joué franc jeu dans ce procès. « Il nous a cachés des pièces et a refusé de donner des copies aux parties. Vous l’avez constaté », s’est-il plaint auprès du tribunal, soulevant le « caractère nul » de ces pièces. L’avocat a souligné que les acteurs de la Transition, notamment le Premier ministre, Isaac Yacouba Zida, se sont enrichis, ont enrichi leurs avocats et créé la pomme de la discorde en faisant voter la loi qui excluait certains hommes politiques des élections de novembre 2015. « Même notre Cour commune, celle de la CEDEAO, a rejeté la loi », a martelé le bâtonnier sénégalais.
Même trompette pour l’ex-bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina, Me Antoinette Ouédraogo, pour qui, les arguments du Parquet ne tiennent à aucune critique sérieuse ; l’instruction ayant été faite, selon elle, avec « légèreté ».
Pour les conseils, les deux charges retenues contre leurs clients, attentat à la sûreté de l’Etat et meurtres, coups et blessures volontaires, ne sont pas constituées ; aucune preuve n’existant, selon eux. Ils estiment que l’accointance sur laquelle, l’on veut se focaliser pour condamner leurs clients n’est pas un crime. Ils trouvent anormal que le Procureur veuille s’appuyer également sur les conversations téléphoniques pour condamner Me Hermann Yaméogo et Léonce Koné. « 60% des messages attribués à Léonce Koné et Hermann Yaméogo s’apparentent à des messages particuliers », ont-ils dénoncé.
C’est sur ces propos que ces deux avocats ont terminé leurs plaidoiries, faisant ainsi place aux accusés pour leur « mot de fin ».
Ainsi, Léonce Koné est revenu sur le « caractère politique » du procès. Il a, de ce fait, restitué le contexte des évènements du 16 septembre 2015. Il a longuement parlé du rôle joué par Isaac Yacouba Zida, alors Premier ministre, et Auguste Denise Barry, « chef de la police de la transition » (ministre de la sécurité), contre les hommes politiques restés proches de l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré, au moment de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.
« Il considérait la survivance des partis de l’ancienne majorité présidentielle et leur prétention à continuer à exercer comme une offense à sa personne », a confié l’accusé, parlant du colonel Auguste Denise Barry, qui a suspendu pendant un moment, le CDP et des partis alliés.
Pour l’ancien ministre du commerce, Léonce Koné, ce procès est simplement politique. Il dit donc compter sur le tribunal pour ne pas faire le jeu des politiques. L’accusé a, enfin, exprimé une pensée envers les victimes des évènements et souhaité que l’on travaille à éviter la pratique de la chasse aux sorcières.
« Il y a des avocats de la partie civile qui sont venus pour beaucoup plus dénigrer l’histoire, faire prévaloir d’autres, que de défendre leurs clients », a, pour sa part, campé Me Hermann Yaméogo. Il remercie ensuite tous ceux qui ont été, durant ce temps, au tribunal pour suivre les audiences ; en tant que témoins de l’histoire, soutiens des accusés ou des victimes. Pour lui, c’est une forme de solidarité qui s’est ainsi exprimée et il souhaiterait que cette fibre se manifeste entre Burkinabè en ces moments difficiles pour le pays.
« Nous ne serions pas ici, s’il n’y avait pas eu la transition. Cette transition illégale, illégitime, faussaire. C’est cette transition qui a été à la base des évènements », relève Me Yaméogo. « Tout ce procès repose sur des contre-vérités. Je n’ai jamais vu cela de ma vie », exprime le fils de l’ancien Président, Maurice Yaméogo. Il est d’ailleurs revenu sur cette époque qui a concerné la gestion de son père, demandant de ne pas falsifier l’histoire.
Pour lui, tous les régimes ont eu leur mérite, mais également leur insuffisance. Comme ce fut le cas du règne de son père. « Thomas Sankara a apporté le courage, la volonté de nous sortir par nous-mêmes », tient-il en exemple avant de souligner que le pouvoir Sankara a aussi eu des crimes de sang. L’accusé rappelle donc qu’un peuple qui oublie son histoire se condamne à la revivre.
Revenant sur les infractions qui pèsent sur lui, Hermann Yaméogo se demande en quoi peut-il être poursuivi pour attentat à la sûreté de l’Etat. Il dit avoir appris le coup d’Etat à la radio, comme tout le monde. Il ne se voit pas non plus en train de donner des coups à des gens, pour être accusé de meurtres, coups et blessures volontaires.
L’accusé a, en outre, demandé la clémence du tribunal pour les accusés Diendéré et Bassolé. Pour lui, la place de ces généraux n’est pas à la MACA (Maison d’arrêt et de correction des Armées). Il souhaite les voir plutôt sur le théâtre des opérations contre les terroristes. Le président de l’UNDD a, enfin, renouvelé sa foi à la réconciliation nationale.
C’est la fin donc des plaidoiries. L’audience reprend lundi, 26 août 2019, cette fois-ci, avec la « divulgation de la liste des questions du Tribunal » ; c’est-à-dire qu’il s’agira pour les juges de réagir à des questions dont les réponses vont impliquer la culpabilité ou non des accusés. Une étape qui annonce le verdict de ce procès, entamé il y a maintenant 18 mois.
OL/JTB
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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