L’Organisation démocratique de la jeunesse (ODJ), le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) et le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) ont, ce vendredi, 16 août 2019 à Ouagadougou, co-animé une conférence de presse pour appeler non seulement à la manifestation de la justice sur des dossiers pendants, mais également sonner l’alerte, une fois de plus, sur le risque social lié aux exécutions sommaires. Marche silencieuse, meeting et panel sont annoncés pour les jours à venir.

Il s’agit, par cette sortie conjointe, d’informer l’opinion publique nationale et internationale du « refus manifeste de l’autopsie » des corps de Fahadou Cissé et Hama Balima, deux responsables de l’ODJ, assassinés le 31 mai 2019 à Sebba (région du sahel) et celle des corps de Saliou Diakité, mort le 23 mai 2019 entre les mains de la gendarmerie et de Abdoul Karim Diallo, mort à l’hôpital Yalgado après y avoir été transféré par la gendarmerie de Barsalgho (région du Centre-nord). Ces organisations de défense de droits humains dénoncent la lenteur des procédures judiciaires, les menaces comme la stigmatisation de groupes sociaux et responsables d’organisations de lutte et de défense de droits humains.

« Fahadou Cissé et Hama Balima ont été criblés de balles ; Fahadou Cissé a eu les yeux crevés et les lieux du crime ont soigneusement été nettoyés », ont expliqué les conférenciers, pour qui, tout laisse croire que c’est un plan savamment orchestré contre ces « camarades » qui se rendaient à une rencontre au haut-commissariat avec des autorités locales. « Ils se rendaient à une audience qu’ils ont obtenue au haut-commissariat. Ils meurent en cours de route et jusqu’à ce matin, on n’a jamais entendu un seul communiqué du haut-commissariat », explique le président de l’ODJ, Gabin Korbéogo, pour qui ce mutisme est intrigant.

Pis, disent les conférenciers, il n’y a aucune volonté des autorités de faire la lumière sur ces assassinats. Ce d’autant que, poursuivent les conférenciers, Fahadou Cissé a, auparavant, échappé à des tentatives d’assassinat. Le président du MBDHP révèle que la dernière fois qu’il a rencontré Fahadou Cissé, c’était en janvier 2019 à une activité à Fada N’Gourma. « Nous savons que nous sommes dans leur ligne de mire, mais nous nous battons et nous nous battrons », rapporte Chrysogone Zougmoré des propos de Fahadou Cissé en cette journée de janvier 2019.

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« Pour les demandes d’autopsie, dans le cas des deux militants de l’ODJ, après avoir réalisé les examens scanographiques, le médecin légiste a déclaré que l’opération ne pouvait pas se réaliser ; parce que les corps ont été manipulés et formolés tandis que pour les deux cas demandés par le CISC, aucun acte n’a été posé sur les corps jusqu’à leur inhumation le 28 juillet 2019 par les familles respectives suite à des pressions multiformes exercées par la gendarmerie notamment. Quant aux procédures judiciaires relatives à ces assassinats ciblés et celles relatives aux assassinats de masse de Bahn, Kaïn, Yirgou et Ziniaré, les familles des victimes et nos organisations attendent impatiemment que la lumière soit faite afin que leurs proches et compagnons de lutte puissent organiser des obsèques dignes, pour honorer leur mémoire. Aussi, les auteurs et commanditaires de ces différents crimes odieux doivent-ils être identifiés et punis à la hauteur de leur forfaiture », lit-on dans la déclaration liminaire.

Gabin Korbéogo (milieu) avec à sa gauche, Chyrsogone Zougmoré et à sa droite, Daouda-Diallo (CISC)

« Ça n’arrive pas qu’aux autres … »

Pour les responsables de ces organisations, la lutte contre le terrorisme ne doit pas servir de prétexte pour museler les défenseurs des droits humains. « Nous sommes en droit de nous demander légitimement : à qui profitent ces assassinats ? En tout cas, le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) et ses alliés qui gèrent l’appareil politico-judiciaire et militaire, jouent sur le temps et la lassitude des parents et compagnons de lutte des victimes. Ils mettent les démocrates, progressistes et révolutionnaires à l’épreuve, avec le secret espoir que le temps érode leur moral et leur détermination. En outre, ils tentent de contenir et d’étouffer les aspirations profondes des masses à la liberté, la justice sociale et au bien-être, à travers la répression, la criminalisation des luttes populaires et les assassinats ciblés et de masse », scrutent les conférenciers, qui notent dans le même ordre d’idée que la relecture du Code pénal est une volonté de musellement des organisations de la société civile, de la presse et des défendeurs des droits humains.

Face à la situation, ces organisations ont décidé de multiplier les initiatives et actions, en attendant, confient les responsables, d’être rejointes, incessamment, par d’autres organisations nationales et internationales. D’où l’invite lancée aux Burkinabè à une mobilisation populaire pour la manifestation de la vérité, la justice et pour que cessent les dérives, susceptibles d’ouvrir la voie à une guerre civile.

« Les exécutions sommaires ouvrent la voie à toutes les dérives possibles. Si cela ne cesse pas, ce sont les germes d’une guerre civile qui sont en train d’être semées », avertit le président du MBDHP, M. Zougmoré, réaffirmant la détermination et la fermeté des organisations dans cette bataille pour la vérité et la justice sur ces dossiers. « C’est un début de bataille que nous avons lancée aujourd’hui et nous allons aller jusqu’au bout », déclare-t-il.

Ainsi, dès samedi, 17 août 2019, une marche silencieuse est organisée par la section ODJ de Bogodogo (actuels arrondissements N°5 et 11 de Ouagadougou) sur l’hôpital communément appelé CMA du secteur 30 pour exiger l’autopsie des corps sus-mentionnés. Cette sortie sera suivie le 31 août 2019 d’un meeting organisé à Ouagadougou par l’OJD et d’un panel dans l’après-midi, initié par le CISC.

OHL

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