Le lundi 6 juin 2016, la justice burkinabè annonçait l’annulation du mandat d’arrêt contre le président de l’Assemblé nationale ivoirienne, Guillaume Soro pour vice de forme. Elle va demander à la Côte d’Ivoire de juger son citoyen. Face à cette décision, des Organisations de la société civile n’ont pas hésité à réagir. Le Syndicat autonome des magistrats Burkinabè, par contre, a refusé de se prononcer pour des raisons de principe. « Nous ne réagissons pas sur les décisions prises par nos collègues » a indiqué S. Antoine Kaboré lorsque nous l’avons joint au téléphone.

Siaka Coulibaly, Activiste de la démocratie, des droits humains et de l’environnement

« La justice aurait dû clôturer définitivement le dossier Guillaume Soro au regard de la légèreté des pièces à conviction réunies jusque-là »

La décision de changement de procédure est logique en raison des difficultés que présentait celle du mandat d’arrêt international qui implique l’accord et la collaboration d’acteurs qui ne sont pas sous le contrôle de la justice Burkinabè (Etat ivoirien, Interpol, etc.). Devant l’incompréhension probable de certains Burkinabè et la réactivité d’une catégorie d’activistes, et en vue de ne pas laisser le cas Guillaume Soro dans l’impasse, la justice militaire burkinabè a cru bon de faire une option « de précaution ». Elle aurait dû clôturer définitivement le dossier Guillaume Soro au regard de la légèreté des pièces à conviction réunies jusque-là. A la connaissance du grand public, seule l’écoute téléphonique aux origines et à l’authenticité douteuses semble être la seule pièce à conviction de la culpabilité supposée de Guillaume Soro. La justice, en optant pour la procédure de dénonciation, laisse à la charge de quiconque détient assez de preuves contre l’intéressé, d’engager une action contre lui. Cette option lui permet de dégager sa responsabilité de la poursuite, de gagner du temps, avant de fermer le dossier par un non-lieu. En effet, si la justice avec tous les moyens dont elle dispose n’a pas trouvé, en huit mois, de preuves pour étayer le dossier, qui pourrait valablement le faire maintenant ? C’est là où l’on voit qu’entre suspicion et culpabilité, il y a un fossé. Une décision similaire dans le cas du Général Djibril Bassolé, dans les jours à venir, ne serait pas du tout une surprise.

Fréderic Zoungrana, coordonnateur du Mouvement soyons sérieux

« La question des écoutes téléphoniques entre Guillaume Soro et les généraux putschistes reste toujours un mystère qu’il faut éclaircir »


C’est sans surprise que nous avons appris finalement que la justice a été contrainte à donner sa suprématie à la diplomatie. Les déclarations en son temps du Président Rock Kaboré de faire prévaloir la voie judiciaire dans le règlement de ce litige ne devraient que nous donner ce résultat. C’est vraiment regrettable parce que nous aurions souhaité que la justice puisse quand même éclairer la lanterne de l’opinion nationale et internationale sur cette affaire d’implication ou de supposée intrusion du président de l’Assemblée nationale ivoirienne dans le cadre de la tentative du putsch manqué du 16 septembre 2015. A mon avis, le dossier Guillaume Soro sera classé définitivement parce je ne vois pas comment cette procédure de dénonciation pourrait avoir un aboutissement sur le territoire ivoirien. Dans la mesure où en tant que deuxième personnalité de la Côte d’Ivoire, nous ne pensons pas que la justice ivoirienne va se fourvoyer en mettant en branle le dispositif judiciaire pour que le président de l’Assemblée ivoirienne réponde aux accusations qui lui sont portées par rapport à ce mandat d’arrêt. C’est véritablement un affront de la justice burkinabè qui, nous le savons, est en train de prôner une indépendance et voir une séparation entre lui en tant que pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif.

Smockey, membre du Balai Citoyen

« Nous devrions rester vigilants »


S’il subsistait un quelconque doute sur le fait que la diplomatie s’ingère dans les affaires juridiques, maintenant c’est suffisamment clair. C’est quand même désobligeant et dommage que le peuple doive encore subir ceci, parce que ce gouvernement a été élu sur la base d’un programme qui réaffirmait sans doute la séparation des pouvoirs et l’acquisition de la justice. Nous voyons que ce gouvernement est en train d’essayer de nous faire prendre des décisions pour des lanternes. Et dont l’objectif était d’embrouiller les cartes pour pouvoir finalement faire ce qu’il veut. Nous prenons acte et nous pensons que forcement l’opinion publique doit se rassembler afin d’être de plus en plus fort pour barrer toute stratégie de gommage de la vraie justice au Burkina Faso.

Pascal Zaïda, secrétaire exécutif national du « Mouvement populaire des jeunes »

« La justice a rendu son verdict et on doit s’en tenir à cela »


Le président du Faso en son temps avait effectivement dit qu’il allait user de toute sa diplomatie pour régler cette affaire sans la magistrature. Aujourd’hui, la loi a été dite. La justice a rendu son verdict, alors on s’en tient à la décision donnée par le parquet. Et je pense qu’aucun burkinabè ne peut se mettre au dessus de cette décision. Nous prenons acte de la décision. Ce qui est encourageant d’autre part, c’est que véritablement c’est un signe d’apaisement et un signe de garantie qui fortifient davantage les liens entre les deux peuples. Nous sommes dans un pays où les idées sont diverses et on ne peut empêcher les uns et les autres de critiquer, mais au-delà de l’opinion personnelle, il y a la réalité.

Propos recueillis par Aïssata Laure G. Sidibé

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Source: LeFaso.net