Fahrat Bouazza, l’ambassadeur du Maroc au Burkina Faso, est bientôt en fin de mission, après huit années de service au pays des Hommes intègres. Le doyen des ambassadeurs et missions diplomatiques quitte le Burkina Faso pour jouir de sa retraite, après 42 ans de bons et loyaux services. Avant son départ, il a tenu à rendre une visite de courtoisie au journal Lefaso.net, le 18 juin 2019, pour des adieux. Ce fut également pour lui l’occasion, au cours d’une interview accordée à notre média, d’analyser la politique étrangère de son pays (dont les relations avec le Burkina) et d’aborder sans langue de bois, les questions liées à l’immigration, au Sahara occidental et à la sécurité au Sahel.
Lefaso.net : Bientôt vous allez quitter le Burkina Faso pour une autre destination ; quelle image du pays vous reste en mémoire après tant de temps passées au Faso ?
Fahrat Bouazza (F.B) : Passer huit années dans un pays en tant qu’ambassadeur constitue une énorme richesse. J’ai vécu tant de transformations profondes. Du Burkina Faso, je garde une excellente image au nom de toutes les amitiés et les contacts que j’ai pu nouer. Je garde également une image relativement assez triste avec toutes les attaques terroristes dans une desquelles un ressortissant marocain a trouvé la mort au Capuccino. Je pense à tous ces hommes, à toutes ces femmes et à toutes ces forces de défense et de sécurité qui sont tombés, suite aux différentes attaques terroristes. Mais comme je le dis souvent, les Burkinabè sont d’une telle résistance remarquable qu’ils s’en sortent toujours vainqueurs.
Lefaso.net : Un souvenir amer du Burkina Faso qui vous vient à l’esprit ?
F.B : Naturellement, j’ai de bons et de mauvais souvenirs qui s’entrechoquent. Mais dans l’ensemble, j’ai connu un séjour assez agréable, marqué par la chaleur des gens et l’hospitalité du pays.
Lefaso.net : En venant au Burkina Faso pour assumer votre fonction de diplomate, quelles étaient vos attentes ?
F.B : Mes attentes étaient celles de tout bon diplomate, qu’il soit marocain ou d’un autre pays, c’est-à-dire améliorer, renforcer et élargir les relations bilatérales qui existent entre deux pays. Ma position a été facilitée énormément par l’accueil qui m’a été réservé par les autorités à tous les niveaux ; ce qui m’a facilité la tâche et m’a permis de réussir.
Lefaso.net : Ces attentes ont-elles été comblées ?
F.B : Naturellement, comme je suis un peu gourmand en matière de résultats, je crois qu’on aurait pu faire mieux en termes de chiffres, dans certains domaines. Mais globalement, je suis satisfait des résultats de mes huit années passées au Burkina Faso.
Lefaso.net : M. l’ambassadeur, en tant que doyen des ambassadeurs en fonction au Burkina Faso, quelles expériences avez-vous en partage en matière de diplomatie ?
F.B : J’ai été très honoré d’être à la tête de l’ensemble des diplomates accrédités au Burkina Faso. Certes, c’est une tâche honorifique, mais très délicate. Au-delà de la trentaine des représentations diplomatiques, ces pays représentés ne sont pas forcément tous des amis ; de ce fait, il faut faire attention afin d’être le doyen de tout le monde. C’est ainsi que dans mes discours, je fais attention en tant que doyen à ne pas citer un pays particulier, je m’adresse à eux en tant que corps et non en tant qu’individu.
- Dr Cyriaque Paré, fondateur de Lefaso.net s’entretenant avec l’Ambassadeur du Maroc
Lefaso.net : Selon vous, que peut-on déceler comme faiblesses et forces de la diplomatie burkinabè ?
F.B : Bien entendu, en tant que diplomate, je suis astreint à un devoir de réserve. Mais ceci dit, le Burkina Faso n’est pas un pays puissant sur le plan militaire, ni riche, mais a un impact diplomatique extrêmement élevé par rapport à son poids réel. Tout comme le Maroc, le Burkina Faso a un impact international qui dépasse sa force réelle en termes de superficie. Ce qui handicape la diplomatie burkinabè, ce n’est pas le facteur humain, mais le facteur matériel et financier dans la mesure où les consulats et les ambassades coûtent cher.
Plus d’implantation d’ambassades lui donnerait une plus forte frappe diplomatique, mais comme le pays est confronté pour le moment aux menaces terroristes, cela reste une question. Mais le nombre actuel des ambassades du Burkina Faso sur le plan régional et international n’est pas négligeable, tout comme l’implantation d’autres ambassades au Burkina Faso à la lumière de l’Italie, de l’Inde, de la grande Chine et des Pays-Bas. Cela revêt une importance capitale en fonction du rayonnement diplomatique exercé conventionnellement par le chef de l’Etat et le ministère des Affaires étrangères. Mais, le soft power du Burkina Faso traduit par le SIAO et le FESPACO démontre si bien cette force diplomatique du pays, comme centre de toute l’Afrique en termes de culture, d’économie et d’artisanat.
Lefaso.net : Avez-vous le sentiment de la mission bien accomplie au Burkina Faso du point de vue de la gestion des relations entre le Burkina Faso et le Royaume du Maroc ?
F.B : C’est un sentiment extrêmement positif. Quand je suis arrivé, il y avait un gouvernement qui était en place et les relations étaient extrêmement bonnes. Puis, avec l’insurrection et la transition, les relations ont continué à être bonnes. Quand nous sommes passés aux élections, avec le nouveau gouvernement, les relations sont restées toujours bonnes, avec une bonne volonté de collaboration. Je n’ai jamais senti un affaiblissement, mais plutôt un renforcement et je ne peux que dire ma satisfaction.
Lefaso.net : Qu’est-ce qui fait la spécificité du Burkina Faso, en comparaison des autres pays où vous avez servi en tant qu’ambassadeur ?
F.B : Il y a une spécificité certaine. J’ai fait quatre pays avant le Burkina Faso que sont la France, l’Algérie, l’Allemagne et la Belgique. En Algérie et l’Europe, mon idée était de défendre les intérêts de mon pays. Ma mission au Burkina Faso n’est pas du tout pareille. Outre défendre l’intérêt marocain, je participe à la normalisation des relations, au renforcement de la coopération bilatérale. Très souvent sur certains dossiers, je me fais l’avocat du Burkina Faso au Maroc.
Lefaso.net : Quel sera votre point de chute après le Burkina Faso ?
F.B : Je pars pour la retraite après 66 ans. Mon point de chute, ce sera chez moi. Après 42 ans de service, je pense prendre une retraite bien méritée et je ne suis pas malheureux.
Lefaso.net : Avez-vous une idée de la personnalité de votre successeur ?
F.B : Je le connais bien. Il dirige actuellement le département de l’Afrique de l’Ouest au Ministère des affaires étrangères du Maroc. Il connaît l’Afrique et le Burkina Faso. C’est un diplomate chevronné et je crois qu’il contribuera énormément au renforcement des relations entre les deux Etats.
Lefaso.net : Au cours de votre mission au Burkina Faso, sur quels aspects et domaines avez-vous le plus mis l’accent ?
F.B : Au début, je ratissais large. J’essayais de travailler sur tous les sujets, surtout là où je pensais qu’il y avait quelque chose à faire en termes de coopération, tel que l’habitat, l’industrie, le textile, la pharmacie. Je peux dire que j’ai toujours eu un penchant pour le coté culturel et social. A travers les volets politiques et diplomatiques, on travaille avec l’élite. Mais, quand on s’investit dans le volet sportif ou social, on travaille avec le peuple burkinabè, et cela nous permet de connaitre et de vivre avec le peuple. C’est pourquoi, j’ai aimé aussi le volet musical et le volet théâtral, ce qui a pu apporter du sourire en ces temps de crise sécuritaire.
Lefaso.net : Un chantier comme l’opération Saaga n’a pas beaucoup prospéré. Qu’est-ce qui explique cela ; et est-elle rangée dans les oubliettes ?
F.B : Dans le cas de l’opération Saaga, il s’agissait d’un transfert de compétence. On a formé des experts burkinabè qui sont devenus des experts de tout le continent en matière d’ensemencement des nuages. C’est une technique qui demande la présence des nuages. C’est une technique qui est toujours d’actualité, qui est considérée comme emblématique en termes de coopération entre nos deux pays.
- Fahrat Bouazza en compagnie du Dr Cyriaque Paré, directeur de publication à gauche, et 1er à droite , Sita Tarbagdo, conseiller éditorial , enfin du directeur de redaction, Mahourou Kanazoé
Lefaso.net : Le Burkina Faso est aujourd’hui en proie aux attaques terroristes quasi quotidiennes. Quelles sont les formes d’appui de votre pays à l’effort de lutte du Burkina Faso contre ce fléau ?
F.B : Nous avons une bonne coopération en termes sécuritaires avec le Burkina Faso. Le Maroc forme des officiers burkinabè et il y a une collaboration entre les ministères de la sécurité. Le Maroc est disposé depuis le début, à soutenir le G5 Sahel.
Lefaso.net : Dans cette lutte contre le terrorisme, le Burkina Faso est engagé dans la force du G5 Sahel. Quelles contributions et soutiens attendre du Royaume du Maroc ?
F.B : Cela se traduit à deux niveaux, d’abord une coopération et un soutien étatique. Tous les pays qui composent le G5 Sahel sont des pays amis du Maroc, avec lesquels nous avons des coopérations militaires et sécuritaires. Au niveau global, nous faisons bénéficier soit des formations, soit d’expériences que le Maroc a acquises en la matière.
Lefaso.net : Outre la question sécuritaire, le Burkina Faso est confronté à une fronde sociale sans précédent. Quels conseils avez-vous pour l’aider à sortir de cette zone de turbulences ?
F.B : En tant que diplomate, je ne peux pas m’immiscer dans les affaires intérieures du Burkina Faso. J’ai appris le lendemain de l’insurrection d’octobre 2014, une merveilleuse chose des Burkinabè. On s’était retrouvé en conclave, l’ancienne majorité, l’ancienne opposition et la société civile, et tout ce monde avait réussi à se mettre d’accord pour la gestion de la transition. C’était miraculeux, en ce moment délicat. Aujourd’hui, je peux dire que les Burkinabè arrivent toujours à s’entendre et à gérer l’essentiel.
Lefaso.net : En quittant le Burkina Faso, quel appel à la réflexion nourrissez-vous pour les Burkinabè ?
F.B : Le Burkina est le pays des hommes Intègres. C’est cela la qualité du peuple du Burkina Faso. Je n’ai pas de leçon à donner aux Burkinabè, mais plutôt à recevoir au terme de mon séjour au Burkina Faso.
- L’ambassadeur Fahrat Bouazza explique la politique étrangère du Maroc
Lefaso.net : En termes chiffrés, quel bilan pouvez-vous faire des relations de coopération et d’amitié entre le Burkina Faso et le Royaume du Maroc ?
F.B : Je ne vais pas rentrer dans des chiffres très précis et complexes. Mais je peux vous dire que le nombre de bourses d’études a triplé. Les investissements ont doublé. Le nombre d’accords signés avec nos deux pays ont quasiment quadruplés. Donc, ces trois aspects de la coopération sont significatifs, depuis ces huit années.
Lefaso.net : Si vous aviez des suggestions à faire à votre successeur, sur quels secteurs et priorités doit-il axer son action ?
F.B : C’est un diplomate de carrière qui sait ce qui doit être fait. Il a des centres d’intérêts qui ne sont pas forcément les miens. Mon attrait était culturel et artistique, mais lui pourrait s’intéresser aux domaines académiques ou autres choses. Mais cela ne veut pas dire qu’il est meilleur ou je ne suis pas meilleur, mais c’est juste faire beaucoup de choses tout en conservant l’essentiel.
Lefaso.net : Quelles sont les lignes directrices de la diplomatie marocaine dans le monde, en particulier avec les pays africains frères ?
F.B : Dans le monde, le Maroc a toujours voulu garder son indépendance tout en veillant aux bonnes relations internationales, notamment avec la Russie, la Chine, les Etats Unis et les autres pays. Pour l’Afrique, c’est notre continent ; avec l’arrivée du roi Mohammed VI au pouvoir, depuis 20 ans, il a montré qu’il avait un intérêt particulier avec le continent africain. Il l’a démontré à travers ses voyages sur le continent. On va continuer à faire ce qu’on faisait au niveau bilatéral, en renforçant les coopérations ; en étant de l’intérieur, nous allons contribuer à l’élargissement du marché continental.
Lefaso.net : 2020 est une année électorale pour le Burkina Faso. Très souvent en Afrique, les périodes électorales sont des périodes de tensions politiques voire sociales. Que souhaitez-vous pour ces élections au Burkina Faso ?
F.B : Je souhaite que ces élections se déroulent dans de bonnes conditions que celles de 2015, dans la mesure où c’était des élections apaisées qui ont conduit aux résultats consensuels. On a vu le chef de l’opposition aller féliciter le président élu en 2015 de vive voix. Ce qui était une image positive pour le Burkina et tout le continent.
- L’Ambassadeur du Maroc répondant aux questions du journaliste.
Lefaso.net : Quel est le profil d’un bon diplomate, surtout en termes d’aptitudes ?
F.B : C’est l’adaptation, l’ouverture et la curiosité intellectuelles. Il faut chercher à savoir des gens avec lesquels on travaille, qu’est-ce qui fait qu’ils sont, ce qu’ils sont. Il faut s’intéresser à tout ce qu’ils font, à savoir leurs langues, leurs musiques et leurs cultures.
Lefaso.net : En ce qui vous concerne, vous avez une liberté de parole qui ne s’encombre pas très souvent des convenances diplomatiques. Mais, y a-t-il des limites à ne pas franchir ?
F.B : Bien sûr, un diplomate doit observer le droit de réserve. Il ne doit pas dire n’importe quoi. Il doit être dans la retenue pour des questions susceptibles de créer des problèmes.
Lefaso.net : Avec votre expérience acquise en diplomatie, prévoyez-vous vous investir dans l’écriture d’ouvrages ou de vos mémoires sur la question ?
F.B : C’est une possibilité dans la mesure où c’est ce que mon père avait fait après sa retraite diplomatique, en écrivant « Mon expérience de diplomate ». J’aimerais envisager un ouvrage qui pourrait être « Mon expérience de diplomate, tome 2 »
Lefaso.net : Après tant d’années passées au Burkina Faso, vous avez certainement côtoyé les médias burkinabè et quelques journalistes. Qu’est-ce que ces contacts suscitent en vous comme commentaires et appréciations ?
F.B : A mon arrivée au Burkina Faso, j’étais frappé par la liberté de presse qui existait même à l’époque de l’ancien régime. Au Burkina Faso, les médias sont libres, ce qui n’est pas le cas pour certains pays. La plupart des médias que je connais, les journalistes sont libres de défendre leurs opinions, de façon disparate. C’est une chose pour laquelle les Burkinabè doivent être fiers.
Lefaso.net : La question du Sahara occidental préoccupe certes le Maroc, et au plus haut niveau l’ONU. Quel commentaire faites-vous de ce dossier ?
F.B : Très souvent quand on parle de la question du Sahara marocain, on a l’impression que la question est née en 1975, pour des gens qui ne connaissent pas les dessous de cette question. Ce n’est pas avec les accords de Madrid que le Sahara est né. En fait, le Maroc est devenu indépendant depuis 1956, immédiatement après, il a intégré l’ONU et il a émis une réserve pour dire que le Maroc n’a toujours pas recouvré l’intégralité de son territoire.
En 1963, avec la création de l’OUA à laquelle le Maroc était membre fondateur, le Maroc sur le principe de l’intangibilité des territoires hérités du colonialisme, avait émis des réserves de n’avoir pas recouvré l’intégralité de son territoire. En 1959, le Maroc avait récupéré la ville de Faya qui se trouvait dans le territoire du Sahara marocain, et en 1969, le Maroc recouvrait Sibrifi. A l’époque, il n’y a eu aucune réaction pour dire que ces territoires n’étaient pas du Maroc. C’était le grand retour à la mère patrie, avec, la puissance colonialiste espagnole qui était au Nord du Maroc. Personne ne disait attention, ce territoire n’était pas marocain.
Tout le monde pensait que c’était le Maroc, même pas de réserve d’un pays à travers le monde. Ce n’est qu’en 1975, que le problème est né. Aujourd’hui, le Maroc est disposé à ce que le problème soit réglé, qu’une solution politique définitive soit trouvée. Appuyé par les différentes résolutions des Nations unies, notamment la résolution 2468, en avril 2007, le Maroc avait fait une proposition de sortie de ce problème, à travers une proposition d’autonomie élargie de ce territoire. Nous discutons toujours de ce problème, afin de permettre à l’Afrique du Nord de pouvoir avoir une meilleure intégration que celle d’aujourd’hui.
Lefaso.net : A quel niveau se trouvent aujourd’hui les relations entre le Maroc et son voisin algérien dont la question du Sahara avait créé un certain froid ?
F.B : Les relations bilatérales sont stables, dans la mesure où c’est le statu quo qui prévaut. Mais les hommes d’affaires du Maroc et de l’Algérie, les universitaires et les chercheurs font des affaires entre eux. Les familles échangent entres elles, nous ne sommes pas dans une posture de rupture et les discussions politiques continuent pour le bien du Maghreb.
- L’Ambassadeur du Maroc signant le Livre d’or de Lefaso.net
Lefaso.net : Que pensez-vous de la situation sociopolitique qui prévaut en Algérie ?
F.B : Un communiqué du ministère des Affaires étrangères dit que le Maroc considère ce qui se passe en Algérie comme une affaire intérieure à l’Algérie, et qu’il s’interdit de s’immiscer dans ce qui se passe en Algérie.
Lefaso.net : Il est souvent fait cas de maltraitance de migrants africains au Maroc. Qu’en dites-vous ?
F.B : C’est ce qu’on peut voir parfois dans la presse. Mais par exemple, au Burkina Faso, plusieurs officiers ont été formés au Maroc. Il y a également une association des anciens étudiants burkinabè du Maroc, et c’est à eux qu’il faut poser la question. Il faut voir comment ces gens ont un grand amour pour le Maroc. Cet amour n’est pas forcé. S’ils avaient été maltraités, ils n’allaient jamais créer une association pour le Maroc.
Il y a une association d’étudiants burkinabè au Maroc qui avait organisé l’an dernier un salon pour encourager les étudiants burkinabè à venir s’inscrire au Maroc. Cette année dans le mois de Juillet, il y aura un autre salon. Vous imaginez que s’ils avaient été maltraités, il y aurait une association de ce type ? C’est possible qu’il y ait des cas individuels, mais ce n’est pas totalement vrai, puisque le Maroc est un des rares pays à régulariser la situation de milliers d’immigrés subsahariens.
Lefaso.net : Où en est le processus de suppression des visas entre le Maroc et le Burkina ?
F.B : C’est très avancé dans la mesure où le document est fin prêt. Nous attendons un moment solennel pour le signer des deux côtés. Cela pourrait intervenir dans les prochains jours, afin que les Burkinabè et les Marocains se déplacent facilement.
Lefaso.net : Avec la prise de l’ONATEL par une société marocaine, on s’attendait à un lourd investissement de sa part. Mais tel ne semble pas être le cas. On assisterait plutôt à un rapatriement de capitaux. Quelle en est la réalité ?
F.B : Ce sont des questions qu’on a l’impression d’avoir des réponses, mais dont on n’a pas les chiffres. On avance des choses, sans les chiffres. Maroc Telecom a émis pour la 4G, 120 millions de dollars, ce qui est un investissement énorme. Il s’agit du transfert de technologie et de compétence.
Lefaso.net : Qu’est-ce qui sous-tend l’offensive diplomatique du Maroc en Afrique (d’aucuns y voient la recherche effrénée du profit au détriment d’une coopération gagnant-gagnant)
F.B : On a l’impression qu’à chaque fois, il y a une certaine forme d’agressivité qui n’a pas lieu d’être. Le Maroc cherche à renforcer sa coopération avec l’ensemble des pays du continent. Quand vous voyez le Maroc se rapprocher du Nigeria et de l’Ethiopie qui sont des pays émergents, c’est pour des coopérations de types nouveaux. Les investissements sont de tous les côtés. Les Burkinabè peuvent investir au Maroc. J’encourage les Burkinabè à venir au Maroc, c’est un bon milieu d’affaires. Les Burkinabè qui ont investi au Maroc ne le regrettent pas.
Lefaso.net : A quelle motivation répond le besoin d’adhésion du Maroc à la CEDEAO ? A quelle étape est le dossier ?
F.B : C’est la même motivation. Les gens pensent que c’est à cause de la question du Sahara, mais cette question est une question conjoncturelle. Nous investissons des millions d’euros, ce n’est pas pour cinq ans, ni pour dix ans, c’est pour longtemps. Pour ce qui est de la CEDEAO, c’est un ensemble ouest -africain qui marche bien, et le Maroc pense qu’il a quelque chose à apporter pour ses pays membres. Une commission au sein de cette institution est mise en place pour étudier la question de l’adhésion du Maroc. Mais pour l’instant, officiellement les 15 pays ont donné leurs accords par écrits. Personne ne peut dire aujourd’hui que le Maroc n’est pas le pays le plus à l’ouest de l’Afrique après le Sénégal.
- Photo de famille entre l’Ambassadeur du Maroc, la direction de la rédaction et les journalistes
Lefaso.net : Avez-vous l’impression d’avoir tout achevé de vos projets ?
F.B : J’ai entamé la construction d’un complexe diplomatique qui est très représentatif de l’art architectural du royaume du Maroc et qui n’est pas encore achevé. Mon regret c’est de partir avant l’achèvement des travaux. J’aurais souhaité l’inaugurer avant mon départ. Après huit ans de vie passée dans un endroit, on regrette souvent de quitter ceux qui ont été vos amis et frères. Mais mon plus grand regret c’est de ne pas avoir inauguré ce grand complexe que j’ai suivi depuis le premier coup de pioche jusqu’à presque son achèvement. J’aurais voulu être présent. Mais étant à la retraite, si on me demande, je viendrai à son inauguration.
Lefaso.net : Quels pourraient être les nouveaux domaines à explorer au Burkina Faso ?
F.B : Le secteur de la santé fait partie de la présence du Maroc au Burkina Faso. A l’hôpital de Bogodogo, il y a une collaboration entre les médecins marocains et burkinabè. Plusieurs conventions lient les ministères de la santé des deux pays, dans le domaine de la santé. Mais on pourrait également renforcer le textile, la filature, l’énergie.
Lefaso.net : Quel rôle a joué le Maroc durant le putsch de 2015 ?
F.B : Le Maroc avait soutenu la transition. Le Maroc était le premier pays à condamner le putsch de 2015, le soir même. D’ailleurs, le premier ministre Isaac Zida avait été reçu au Maroc. Plusieurs conventions ont été signées durant la transition.
Lefaso.net : Quel est le côté positif que vous gardez du Burkinabè ?
F.B : Son côté amoureux de la fête, surtout son côté jovial. Au cours de mon séjour au Burkina Faso, je n’ai pas rencontré de négativité. Je n’ai rencontré que de l’hospitalité. Je n’ai jamais rencontré d’inimitié.
Lefaso.net : Que souhaiteriez-vous que l’on garde de vous comme souvenir ?
F.B : Je souhaiterais qu’on garde de moi le souvenir de quelqu’un qui a été sincère dans ses actions de renforcement des relations bilatérales, le souvenir d’un homme proche des gens.
Interview réalisée par Edouard K. Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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