À l’hémicycle, les députés ont examiné et adopté, le vendredi 21 juin 2019, le nouveau code pénal, qualifié de « liberticide » par les organisations professionnelles des médias et les défenseurs des droits de l’homme. 103 députés sur 114 votants ont voté la loi, alors que les députés de l’UPC ont vidé la salle avant le début du vote, suite à un affrontement verbal lors du débat sur l’opportunité d’adopter le projet de loi. Cette loi, selon ses défenseurs, entend « renforcer la lutte contre le grand banditisme, renforcer les moyens d’action des forces de défense et de sécurité, en les protégeant contre certaines publications qui peuvent être de nature à démoraliser ou saper l’efficacité de leurs interventions ou leurs opérations ».
Au cours des débats qui ont été très houleux, les députés étaient partagés sur l’opportunité de voter une telle loi. Ainsi, les députés de l’opposition, notamment de l’UPC, se sont retirés de la salle, après avoir été qualifiés de « ridicules » par le député Bindi Ouoba du MPP. Par la voix du député Adama Sosso, les députés pourfendeurs du nouveau code pénal ont appelé l’ensemble des acteurs concernés par la loi à un réexamen consensuel du projet de loi avant toute adoption.
Mais cette absence d’une partie de la représentation nationale n’a pas empêché l’adoption de la loi. En effet, 103 votants ont adopté le nouveau code pénal. Dans la foulée, le garde des Sceaux, Réné Bessolé Bagoro, a saisi l’opportunité pour rappeler que le gouvernement n’a pas l’obligation d’avoir le consensus sur un projet de loi avant de demander son adoption au parlement. Pour lui, ce projet de loi concerne les affaires de fond et le chef d’état-major prendra des mesures pour encadrer la présence des hommes de médias au front, afin que les publications ne contribuent pas à saper le moral des troupes. Selon ses propos, cette loi ne saurait perturber le professionnalisme des médias, mais contribuerait à sanctionner les fautifs.
« Les ONG n’ont pas vocation de dicter les lois au gouvernement »
Pour René Bagoro, au sein du gouvernement, il y a des spécialistes des droits humains qui apprécient l’opportunité de la loi. À cet effet, il a relevé que les ONG n’ont pas vocation à dicter les lois au gouvernement. Cette loi va permettre désormais d’engager des poursuites contre les « démoraliseurs des troupes » et les coupables de violation des règles en matière de secret-défense, a-t-il dit. Toute chose qui contribuera, selon le ministre, à « protéger la dignité et l’honneur des victimes de certains crimes et délits. »
En rappel, au cours d’une conférence de presse animée dans la journée du jeudi 20 juin 2019, les organisations professionnelles des médias déclaraient qu’ « en faisant cela [adopter le nouveau code pénal, ndlr], les initiateurs de ces nouvelles dispositions feignent d’ignorer le travail d’information des journalistes puisqu’ils ne font pas de distinction entre l’usage des informations par les professionnels des médias et d’autres publics éventuels (…) Les modifications contenues dans ce projet [de loi] interdisent aux journalistes de faire leur travail, et leur présence sur les lieux d’attaques terroristes sans autorisation est criminalisée. »
Dans la matinée du vendredi, ces organisations sont venues faire pression, afin que le projet de loi soit rejeté par les élus nationaux. Ce projet de loi, selon leurs propos, vise à contrôler la diffusion des informations liées aux attaques terroristes dans le pays, sur tous les supports (télévision, radio, journal papier et internet). Il serait également interdit aux journalistes de se rendre sur les sites d’attaques terroristes, sans l’autorisation de l’autorité. Les journalistes fautifs encourent, outre l’emprisonnement, des sanctions judiciaires comme le paiement de cautions à hauteur de millions de francs CFA.
Certains articles du projet de loi interdiraient, à en croire les organisations professionnelles des médias, la diffusion d’informations ou d’images des lieux d’attaques terroristes dans le pays. Pour les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations professionnelles de journalistes, ce projet de loi est tout simplement une remise en cause de la liberté de presse et du droit des populations à l’information. C’est ce qui justifie le fait que l’Association des éditeurs et professionnels de médias en ligne (AEPML) avait refusé d’honorer l’invitation pour les travaux en commissions.[ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]
Edouard K. Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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