C’est une lapalissade de dire que le Burkina Faso va mal. Le front social bout. Les tentacules de l’hydre terroriste se durcissent et s’étendent sur presque l’ensemble du territoire national. Les manifestations de l’incivisme se diversifient et se multiplient. Qui pour le diagnostic sans complaisance de ce grand corps malade ? Pour le chercheur Honko Roger Judicaël Bemahoun, toute recherche de cause qui occulte le malaise entre le citoyen et l’Etat reviendrait à casser le thermomètre pour espérer baisser la fièvre. A travers une étude, il souligne avec force qu’il est difficile de gouverner dans un contexte de méfiance politique. Sur la décennie 2008-2018, la confiance entre le citoyen et les institutions s’est fortement dégradée.
« Confiance institutionnelle au Burkina Faso : Examen en analyse multiniveau sur la décennie 2008 à 2018 », c’est le titre de l’étude qui vient de paraitre. Honko Roger Judicaël Bemahoun diagnostique que la relation entre le citoyen et l’Etat durant cette décennie a pris un sérieux coup. Il entend donc apporter, « en toute humilité, sans aucune prétention, sa pierre à l’édifice en vue de l’érection d’institutions capables de promouvoir le pluralisme, la participation, l’impartialité, la responsabilisation et l’équité ».
Ce ne sont ni vraiment les individus ou les communautés qu’il faut réconcilier entre eux, mais bien l’État avec le citoyen. Entre 2008 et 2018, la confiance des Burkinabè aux différents pouvoirs (exécutif, judiciaire et législatif) s’est progressivement dégradée. Ce déclin est la résultante du fait qu’aux yeux des citoyens, les gouvernants sont contre- performants.
Sur une échelle de 0 (faible confiance) à 3 (forte confiance), la mesure de confiance institutionnelle a enregistré les valeurs de 1.87 en 2008, 1.67 en 2012, 1.52 en 2015, puis 1.75 en 2018. Les résultats indiquent que la confiance aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire s’explique structurellement par le niveau d’éducation, le milieu de résidence, la corruption perçue, la satisfaction au fonctionnement de la démocratie, la performance gouvernementale.
Un aspect important à souligner, ce sont les ruraux qui ont relativement plus confiance aux institutions que les citadins. « On trouve ici, une confirmation de la théorie selon laquelle les campagnes votent et les villes s’insurgent », constate Honko Roger Judicaël Bemahoun.
Autre variable, le niveau d’éducation. Le niveau d’éducation affecte la confiance. Comparativement aux non- scolarisés, les scolarisés ont tendance à avoir moins confiance aux institutions. De même, la corruption, qu’elle soit vécue ou perçue, affecte la confiance institutionnelle. Ainsi, sur la décennie 2008-2018, on note que la corruption perçue avait un impact significatif et négatif sur la confiance institutionnelle sauf en 2015, au lendemain de l’insurrection populaire quand les citoyens ont recommencé à rêver-pas pour longtemps- d’une gouvernance vertueuse.
L’étude se termine par des recommandations. A l’endroit des gouvernants, le chercheur note que la manifestation de la crise de confiance institutionnelle est ce que d’aucuns qualifie d’incivisme. Mais il souligne que le mal est plus profond que de simples actes équivoques de citoyens exprimant à leur façon leur indignation. « Bien que le vote confère une légitimité de titre, la légitimité d’exercice est l’autre paire de manche à gagner durant le magistère en ce que la légitimité est ainsi fondée sur la croyance des dominés dans le caractère bien fondé du rapport de domination auquel ils sont soumis ».
Il est impérieux, pour la survie de la nation, de reconstruire cette confiance brisée. « Il faudra envisager de donner un rôle plus participatif aux citoyens afin qu’ils trouvent de l’influence sur les décisions politiques qui les concernent », suggère le chercheur Honko Roger Judicaël Bemahoun (honkoroger@gmail.com).
Cette confiance institutionnelle à tendance baissière a été obtenue suite à une enquête sur un échantillon de 1200 personnes réparties dans les 13 régions du pays.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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