Un autre chapitre s’ouvre dans le procès marathon du coup d’Etat du 16 septembre 2015 et jours suivants. Après l’audition des accusés, celle des témoins débute ce lundi 28 janvier 2019. Mais avant, c’est le sergent-chef Laoko Mohamed Zerbo qui a comparu le 25 janvier pour un interrogatoire complémentaire. Le commando a, une fois de plus, nié toute implication dans le putsch. « Mes compétences dorment à la MACA », a-t-il laissé entendre avant de regagner le box des accusés.

C’est le Sergent-chef Laoko Mohamed Zerbo qui a clos la liste des cinq accusés appelés pour les auditions complémentaires dans la journée du 25 janvier 2019. Il a maintenu sa déclaration précédente, celle de n’avoir pas participé à l’enlèvement des autorités de la Transition le 16 septembre 2015 alors qu’elles étaient réunies en conseil des ministres.

Il dit juste avoir été commis pour une mission d’observation à l’aile ouest du palais présidentiel et, de ce fait, n’a pas su ce qui se passait dans la salle du conseil des ministres. Il y était avec Ouékouri Kossè. Ce n’est que le lendemain 17 septembre qu’il a appris qu’il y avait le coup d’Etat. « J’ai observé, escorté, maintenu l’ordre, dégagé les barricades », a répété l’accusé avant d’ajouter que personne n’a dit qu’il était dans la salle pour arrêter les autorités.

Premier à faire sa déposition dans ce procès, le Sergent-chef Zerbo a, une fois de plus, reconnu avoir fait usage de son arme, tout en précisant qu’il ne s’agissait pas d’une arme de guerre, mais de maintien de l’ordre. Pourtant, le caporal Sami Dah a révélé que le Sergent-chef fait partie des éléments qui commettaient des exactions en ville.

Mais pour l’accusé, le caporal n’est pas sorti avec son groupe, ses déclarations sont donc fausses. Aussi, certains officiers à la barre, dont le commandant du corps à l’époque, Aziz Korogo, ont dit que Laoko Mohamed Zerbo faisait partie des indisciplinés du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ; il était membre du commando invisible et de ceux qui se sont opposés au désarmement.

Mais l’intéressé préfère mettre cela sous le coup de la parenté à plaisanterie. Lui qui a reçu quinze lettres de félicitations entre 2009 et 2015 et plusieurs décorations ne peut être qualifié d’indiscipliné. Le Sergent-chef se demande bien pourquoi certains officiers lui en veulent, puisque, selon lui, il a remis sa dotation en arme avant même le désarmement. Sans arme, il n’aurait pas pu s’y opposer. « Ma poitrine n’est pas en acier (…). Je suis un commando qualifié, attitré, mais je ne suis pas invisible », se défend-il.

L’autre élément nouveau dans l’audition complémentaire de l’accusé ce 25 janvier, c’est quand le parquet militaire a commencé à éplucher son Procès-verbal (PV) d’interrogatoire avec les autorités ivoiriennes. En rappel, après l’échec du coup, le commando s’est enfui en Côte d’Ivoire et c’est là qu’il a été arraisonné avant d’être remis à la justice de son pays. Dans les PV d’interrogatoire en Côte d’Ivoire, l’accusé avait pourtant explicitement reconnu avoir participé directement à l’arrestation des autorités de la Transition. Il a expliqué comment cela s’est déroulé et son rôle. Mais à la barre, l’instructeur commando est revenu sur ses déclarations, et a soutenu avoir été torturé et maltraité en Côte d’Ivoire. De ce fait, il dit ne pas reconnaître les déclarations contenues dans le PV.

« Je suis pétri de certains talents »

Lors de sa deuxième déposition, le Sergent-chef Laoko Mohamed Zerbo, qui a déjà été jugé et radié pour désertion en temps de paix, a laissé entendre qu’il a dit aux autorités ivoiriennes ce qu’elles voulaient entendre. Quand Me Guy Hervé Kam lui demande de confirmer ces déclarations qu’il venait de tenir, il refuse de répondre et prévient qu’il ne répondra plus à une question relative aux PV ivoiriens. L’avocat ne désarme pas et relance l’accusé. « Avez-vous été torturé ou violenté devant le juge d’instruction le 14 décembre 2016, une fois rentré au pays ? ». Silence. Pour l’avocat, l’accusé a choisi la stratégie malheureuse et très risquée de la dénégation, et de ce fait, avance-t-il, il ne devrait bénéficier d’aucune clémence.

Selon Me Idrissa Badini, un dossier judiciaire est évolutif, et son client, bien qu’ayant été le premier à passer à la barre, n’a jamais été indexé par ses co-accusés d’être entré dans la salle du conseil des ministres. L’avocat soutient que son protégé est un excellent militaire qui exécute toujours et presque parfaitement les instructions, qui s’est engagé dans l’armée par conviction. Il rappelle qu’il a été admis au concours de l’armée en même temps que celui de l’ENAREF. « Il aurait pu aller bouffer ses fonds communs ! », déclare Me Badini.

Avant de regagner sa place, le militaire a présenté ses condoléances aux victimes et souhaité un prompt rétablissement aux blessés, non sans ajouter qu’il est un militaire bien formé. « Je suis pétri de certains talents qui dorment à la MACA », a-t-il dit, ajoutant que l’Etat a dépensé des millions pour le former.

Ce lundi 28 janvier 2019, les témoins cités par le parquet militaire passeront à la barre.

Tiga Cheick Sawadogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net