Alimata Salambéré a été la toute première présidente du comité d’organisation du FESPACO, en 1969. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, elle revient sur les défis auxquels elle a fait face pour poser les fondements du 7e art africain. Elle note aussi que la principale faiblesse du FESPACO, c’est le fait que c’est presque le Burkina seul qui supporte les charges de l’organisation. Entretien !

Lefaso.net : Vous êtes la toute première présidente du comité d’organisation du FESPACO. A l’époque, comment vous, jeune journaliste, avez accueilli cette nomination ?

Alimata Salambéré : Avant, cette manifestation ne s’appelait pas encore FESPACO. Il s’agissait des « Journées cinématographiques africaines ». Il est évident que j’ai été animée d’une certaine fierté, vu qu’à l’époque, les femmes n’avaient pas accès à des postes de responsabilité.

Quels étaient les défis à relever à votre nomination ?

Tout travail d’organisation comporte forcément des défis et il y en avait en 1969. S’agissant d’une première, on recherchait la manière la plus adéquate pour atteindre les objectifs qui étaient de réunir les cinéastes africains à Ouagadougou, avec leurs films, et les mettre face au public pour débattre des films projetés la veille. Je précise qu’aucun budget n’était alloué à cette manifestation à l’époque et qu’il fallait donc se débrouiller avec les moyens du bord.

Quelles sont les personnes qui étaient vos principaux soutiens ?

Nous avons organisé cette première édition sans moyens comme je viens de vous le souligner, mais avec une détermination et une volonté de réussir. Monsieur Claude Prieux, directeur du Centre culturel franco-voltaïque, initiateur du projet, étant français, son ambassade a dû contribuer. Les membres qui composaient ce comité à titre bénévole apportaient, de par leurs fonctions respectives, la contribution nécessaire à savoir par exemple la couverture médiatique par monsieur Bassolet ; et moi-même, sous couvert du directeur général de la Radiotélévision voltaïque, monsieur Roger Nikiema, et de la directrice de la Télévision, Mme Odette Sanogoh.

Les télécommunications par le directeur général des postes et télécommunications, monsieur Mamadou Simporé (il n’y avait pas de téléphone fixe partout. Je rappelle en passant que les téléphones portables n’ont fait leur apparition que beaucoup plus tard. On communiquait par télégramme, télex et lettres par la poste) ; les infrastructures nécessaires (lieu de spectacles et hôtels) par monsieur Hamidou Ouédraogo, représentant le maire de Ouagadougou, etc. Des demandes de soutien ont été envoyées aux ministères requis pour chaque aspect de la manifestation…


Comment s’est déroulée la première soirée de la première édition ?

A.S. : La première soirée, soirée d’inauguration, a été honorée par la présence du président de la République, le président Sangoulé Lamizana, accompagné de son épouse et des membres de son gouvernement. Cette manifestation a eu lieu à la Maison du peuple avec la projection d’un film long métrage « Cabascabo » du réalisateur Nigérien Oumarou Ganda.

Racontez-nous un peu le film de lancement de la première édition du FESPACO

Il s’agit d’un film sur le retour d’un soldat africain après la guerre, qui ramène plein de gadgets et de cadeaux et qui relate son état d’esprit.

Madame Salambéré, 50 ans après, que retenir du cinéma africain ?

Le cinéma africain a bien évolué en qualité et en quantité. En 1969, nous ne disposions que d’une demi-douzaine de films tous genres confondus, mais aujourd’hui, il s’agit de milliers de films dont des dizaines en compétition.

Quel avenir donnez-vous au cinéma africain ?

Je pense que le cinéma africain a un avenir radieux, dans la mesure où 50 ans après la naissance du FESPACO qui a permis son rayonnement, il suscite toujours un intérêt pour les cinéphiles. A titre d’illustration, il suffit de voir l’engouement suscité par les productions africaines dans les salles de cinéma, les réseaux sociaux ou à la télévision.

Le FESPACO a 50 ans ; quelles sont ses forces et ses faiblesses selon vous ?

Comme toute œuvre humaine, tout ne peut pas être parfait, mais j’estime que le FESPACO a plus de forces que de faiblesses et il continue de se développer. Selon moi, la principale force du FESPACO est d’exister et de permettre de faire connaître les productions africaines non seulement sur le continent mais également dans le monde entier.

Quant aux faiblesses, la principale consiste au fait que le Burkina supporte seul, avec l’accompagnement de quelques partenaires tels que l’OIF (Organisation internationale de la francophonie), l’Union européenne, l’UNESCO… les charges de l’organisation.

Dimitri OUEDRAOGO

Lefaso.net

Source: LeFaso.net