Nomination du nouveau Premier ministre, nomination d’un nouveau Chef d’Etat-major général des Armées, aggravation de la crise sécuritaire, fermeture d’écoles et remise en cause de l’autorité de l’Etat. Ce sont les points autour desquels, le Chef de file de l’opposition politique au Burkina-Faso (CFOP-BF) a animé sa conférence de presse hebdomadaire, mardi, 22 janvier 2019 au siège de l’institution, quartier zone du bois.

Cette semaine, les conférenciers étaient les présidents de la Nouvelle Alliance du Faso (NAFA), Pr Mahamoudou Dicko et du Front patriotique pour le renouveau (FPR), Dr Aristide Ouédraogo. Quelques heures après la nomination du nouveau Premier ministre, l’opposition dit prendre acte, rappelant à ce sujet que cela relève des prérogatives constitutionnelles du président du Faso. C’est pourquoi dit-elle n’avoir pas de jugement à porter sur la personne de Christophe Marie Dabiré. Seulement, relève-t-elle, que le « pouvoir MPP, qui passe le temps à vilipender l’ancien régime, est aujourd’hui obligé d’aller chercher son Premier ministre parmi les cadres éminents de cet ancien régime ».

« Jusqu’à preuve du contraire, le Premier ministre n’a pas démissionné du CDP », appuie Pr Dicko pour qui, cette nomination montre que « le MPP manque de cadres, à telle enseigne qu’ils (dirigeants, ndlr) sont obligés de se retourner vers leurs anciens camarades ». Tout en lui souhaitant succès à son poste, Mahamoudou Dicko avertit : « S’il a été nommé pour préparer 2020 (élection présidentielle, ndlr), il ne va pas réussir ». De son avis, le nouveau Premier ministre doit avoir une posture à même de rapprocher toutes les composantes de la société burkinabè.

Le CFOP-BF estime également que la solution à la « situation de chaos » que traverse le pays ne peut se résumer à un « simple » changement de Premier ministre ou de gouvernement. L’opposition retient aussi que depuis qu’il est à la tête du pays, Roch Kaboré a « amplement » fait la preuve qu’il n’a aucune vision pour l’avenir du Burkina et qu’il n’est pas à la hauteur des défis à relever.

« Sous la présidence de Roch Kaboré, notre pays vit des heures sombres, et son avenir est largement hypothéqué. La vérité que nous devons tous reconnaître, c’est que le véritable problème du Burkina aujourd’hui, c’est le manque de leadership du président du Faso », affirment les conférenciers.

Le CFOP-BF qui dit également prendre acte de la nomination d’un nouveau Chef d’Etat-major général des Armées, entend juger par les résultats.

Trois semaines après les évènements malheureux de Yirgou (http://lefaso.net/spip.php?article87308), l’opposition indique que ses yeux sont rivés sur la justice. Elle note que jusque-là, aucune arrestation, aucune action concrète n’a été posée et que les autorités compétentes n’ont encore fourni aucune information sur les tueries de Gasseliki, intervenues cinq jours après Yirgou.

« Sur le cas de Yirgou et sur celui de Gasseliki, l’opposition politique exige lumière et justice », insiste le CFOP-BF avant d’appeler à la mobilisation de tous (gouvernement, amis du Burkina et bonnes volontés) autour des populations déplacées (réfugiés) dans le cadre de ces crises.

Pr Mahamoudou Dicko (à gauche) et Dr Aristide Ouédraogo ont été les animateurs de cette première conférence de presse de l’année 2019 du CFOP-BF

Justice et combat contre l’incivisme

L’opposition qui note, en outre, que l’aggravation de la crise sécuritaire affecte sérieusement le système éducatif dit avoir maintes fois attiré l’attention du gouvernement sur cette préoccupation. « En s’attaquant à l’éducation, les terroristes s’en prennent à notre civilisation, à notre citoyenneté, à nos valeurs et à notre démocratie. Plus grave, ils volent l’avenir de plusieurs générations », exposent les conférenciers, appelant les dirigeants à ne pas assister à la catastrophe sans rien faire.

« Toujours sur ce point relatif à l’éduction, l’opposition pense que le gouvernement, les collectivités territoriales et l’association des parents d’élèves doivent se concerter et trouver au plus vite, une solution pour arrêter l’hémorragie. « Nous pensons que ces entités peuvent trouver des solutions endogènes et durables, qui correspondent à la réalité de chaque localité concernée », propose l’opposition.

Sur les évènements de Nafona (où une opposition de populations à une équipe de policiers partis pour interpeller des individus a causé la mort de deux officiers de police et une femme, le 12 janvier 2019) et de Orodara (où un affrontement entre des jeunes et la police a fait cinq décès et huit blessés, le 18 janvier 2019), l’opposition pense que c’est l’expression du « malaise social » qui secoue le Burkina.

« Si un policier vous interpelle, arrêtez-vous, c’est l’autorité que lui confère la république », a lancé Pr Dicko à l’ensemble des populations avant de souligner que le développement ne peut se faire dans l’incivisme.

« L’incivisme a atteint un sommet jamais égalé, nourri par l’impunité généralisée, le mauvais exemple de l’élite dirigeante, et la faiblesse de l’Etat », déplorent les animateurs de la conférence, pour qui la société burkinabè a besoin de « réformes audacieuses et de dialogue sincère ». Sur cet aspect précis, ils invitent les autorités à donner l’exemple, en relevant que des véhicules de l’Etat sont utilisés à des fins personnelles (convoyer des enfants à l’école, faire le marché, etc.) et ce, sous les regards des populations. Pr Dicko met dans le même bol, des actes comme le traitement salarial des ministres, fixé en violation des textes en vigueur.

Il souligne dans la même lancée que des ministres sont payés plus que le président du Faso lui-même (par des contrats signés), parce que disent-ils avoir rompu des engagements ailleurs. Alors que l’on refuse le Fonds commun aux agents du ministère de l’économie qui ont également pris des engagements sur la base des acquis que leur accordent des textes, relève Pr Mahamoudou Dicko.

« La justice a besoin de se mettre à jour de manière impartiale, transparente, professionnelle non seulement pour les faits passés tels que l’insurrection et le putsch manqué, mais aussi pour les crimes en cour sans distinction d’obédience politique, ethnique, religieuse ou coutumière. Sans quoi, nous ne sommes pas loin du gouffre », appelle l’opposition politique.



Oumar L. Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net