Une semaine s’est encore écoulée dans le procès du Coup d’Etat de septembre 2015. Ce 11 janvier 2019, c’était le pugilat verbal dans tous les sens. Me Prosper Farama a rappelé à l’accusé son passé de ministre de la sécurité, quand il faisait raser les militants du collectif pour avoir osé manifester contre l’impunité au lendemain de l’assassinat de Norbert Zongo. Il n’a pas non plus omis de répondre au Gal qui avait estimé qu’on aurait mieux fait de donner des millions aux blessés du coup d’Etat pour qu’ils aillent se soigner au lieu de venir au procès suivre les débats qui se mènent dans un français qu’ils ne comprennent même pas. “C’est indécent”, a lancé l’avocat. Le parquet a, quant à lui, fait savoir à l’accusé qu’il peut refuser de répondre aux questions, mais qu’il ne lui revient pas de demander qu’on ne lui en pose plus sur les écoutes téléphoniques.
“Ne me posez plus de questions sur les interceptions téléphoniques dont vous seuls connaissez l’origine”, a lancé Djibrill Bassolé au ministère public. Il fera remarquer que c’est seulement sur d’autres faits l’impliquant et de nature à situer sa responsabilité dans le coup d’Etat, qu’il se prononcera. C’est le parquet qui l’accuse et il lui appartient d’apporter les preuves de son accusation…en dehors bien-sur des écoutes téléphoniques qu’il dit toujours illégales, attentatoires à sa vie privée, fabriquées…
“Vous avez le droit de ne pas répondre, mais ne nous dites pas de ne plus vous poser la question dessus”, lui rétorquera le ministère public. Selon lui, la défense du Général depuis le début de l’instruction est ondoyante. Tantôt les écoutes sont dites administratives donc aucune valeur juridique, mais le contenu n’est pas réfuté. Tantôt, les dites écoutes sont attaquées devant la cours de justice de la CEDEAO parce que constituant une atteinte à sa vie privée. Là aussi, leur contenu n’est pas contesté. Et maintenant que l’accusé est à la barre, il choisit une autre ligne de défense en soutenant que ce sont des écoutes fabriquées de toute pièce pour l’enfoncer. Un acharnement politique, juridique et médiatique selon l’accusé. En réalité, remarquera Me Guy Hervé Kam, “il est impossible pour le Général se s’hasarder sur le chemin des écoutes”, parce que sa culpabilité serait établie et sans débat.
Alors que le ministère public demande à Djibrill Bassolé sa collaboration pour répondre aux questions et participer à la manifestation de la vérité comme lui-même a toujours clamé, l’intéressé “refuse catégoriquement” de se prêter à ce jeu sur la base d’écoutes illégales, irrégulières. A plusieurs reprises, l’accusé a laissé entendre qu’au moment opportun, lui et ses avocats apporteront des éléments de preuve pour démontrer que les écoutes sont une fabrication, une manipulation. Une occasion pour les avocats de la partie civile de lui demander de le faire maintenant pour que ces-dits éléments soient discutés contradictoirement. L’ancien chef de la diplomatie regrettera à son tour, “le ton, la virulence, l’extrême violence des propos des avocats de la partie civile”. Une raison pour lui de préférer garder le silence. Les avocats le mettent alors au défi de dire un seul mot déplacé prononcé à son encontre, pour qu’ils s’en excusent. Silence.
“Je suis content de voir que vous comparaissez avec vos cheveux”
“Je suis content de voir que vous comparaissez avec vos cheveux”, a lancé Me Prosper Farama à Djibrill Bassolé, en faisant allusion à son passé d’ancien ministre de la sécurité quand des militants du collectif étaient poursuivis, arrêtés, enfermés et rasés parce qu’ils manifestaient contre l’impunité aux lendemains de l’assassinat de Norbert Zongo et ses compagnons en 1998.
Et ce n’est pas fini. L’avocat s’est aussi insurgé contre les propos de l’accusé qui lors des précédentes audiences avait estimé que ce procès cristallisait toutes les attentions de l’armée et de l’opinion publique, alors que l’affaire aurait pu être gérée autrement, au regard de la situation sécuritaire qui commande que toute l’attention de l’armée soit concentrée sur comment venir à bout du terrorisme. Il disait en substance qu’on ferait mieux par exemple de donner des 10 millions aux blessés dont certains ont reçu des balles pour qu’ils aillent se soigner pour ainsi éviter de se déplacer chaque jour depuis des mois, pour écouter des débats menés dans un français qu’ils ne comprennent même pas.
“C’est cynique”, s’est offusqué Me Farama pour qui, c’est la preuve que la vie humaine, l’intégrité physique n’a pas de grande valeur pour l’accusé. “Ce ne sont pas des corps humains à vendre”, ajoutera-t-il. Cette manière de procéder, en tuant des gens pour ensuite dédommager les ayants-droits et organiser une journée de pardon a été la technique de par le passé. L’auxiliaire de justice invite alors le Gal à la décence, en évitant de dire aux victimes la démarche à suivre pour obtenir réparation. Selon l’avocat des victimes, le simple fait que le procès se tienne est une satisfaction pour les victimes qui souhaitent seulement qu’à l’issue, ceux qui sont pénalement responsables du coup d’Etat et des morts qui s’en sont suivis soient condamnés avec la plus grande sévérité. Pour éviter que par la boulimie du pouvoir, des Burkinabè tuent d’autres Burkinabè. Plus loin, il ajoutera que c’est plus facile pour le bourreau qui n’a perdu ni enfant, ni mari, ni femme, de venir dire qu’il faut donner l’argent pour ne plus en parler.
Après ces observations, le président du tribunal Seidou Ouédraogo a demandé au Général Djibrill Bassolé s’il veut réagir. “Non Monsieur le Président”, se contente l’accusé.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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