Le 12 décembre dernier, la plupart des Burkinabè découvraient le Pr Frédéric Ouattara. Cet enseignant-chercheur de l’Université Norbert-Zongo de Koudougou était honoré aux Etats-Unis d’Amérique avec le prix Afrique pour l’excellence de la recherche en physique spatiale. Ils sont ainsi nombreux, ces enseignants qui, dans le silence des laboratoires, cherchent avec passion et découvrent des solutions pour répondre aux besoins de leurs communautés. Ce 20 décembre 2018 à l’Université Ouaga 1 Pr-Joseph-Ki-Zerbo, s’est ouverte une rencontre d’échanges scientifiques sur la physique. Une tribune de deux jours au cours de laquelle des enseignants-chercheurs vont exposer leurs travaux, recevoir des critiques de la communauté scientifique pour affiner leurs recherches. Les étudiants y trouveront aussi un cadre pour nourrir leurs ambitions, marcher à la suite des devanciers.

Les chercheurs burkinabè sont ingénieux. Ils se distinguent ici et ailleurs. Ils ne font pas beaucoup de bruit autour de leurs travaux ; pourtant, ils sont consacrés par leurs pairs des autres pays. En 2012, des enseignants-chercheurs des différents laboratoires de physique ont donc décidé de mettre en commun leurs expertises pour aborder des thématiques scientifiques d’intérêt commun. Un projet scientifique alliant énergie et environnement voyait ainsi le jour.

Des ateliers d’échanges scientifiques sont organisés chaque année. Celui de 2018, qui se tient du 20 au 22 décembre 2018, est le 6e du genre. L’objectif de ces échanges est de faciliter et accroître la recherche chez les plus jeunes chercheurs et booster la carrière des enseignants. « Il est temps que cette visibilité soit montrée à vos travaux, à nos travaux et que nos réalisations et orientations scientifiques soient partagées auprès de nos étudiants et auprès de la communauté toute entière. Cela participe à l’émulation de nouveaux chercheurs et enseignants-chercheurs dont l’avenir de notre pays dépend », a lancé le parrain de ce 6e atelier d’échanges scientifiques, Pr Jean Koulidiaty.

Selon Dieudonné Joseph Bathiébo, qui pilote le projet, les jeunes qui exposent reçoivent les critiques des seniors qu’ils peuvent intégrer dans leurs travaux. Il y a ensuite des propositions de nouveaux thèmes qui peuvent se faire au cours des échanges. C’est donc un cadre ouvert pour une saine émulation et qui suscite des vocations. Il explique par ailleurs que ce genre d’initiatives doit être multiplié surtout dans les pays comme le Burkina Faso où le financement public ne peut pas permettre l’épanouissement de la science, notamment dans le domaine de la physique.


A en croire Dr Daho Tizane, physicien, enseignant-chercheur à l’Unité de formation et de recherche (UFR) en Sciences exactes et appliquées, ces échanges permettent aux étudiants de plusieurs laboratoires de se frotter et de connaître les domaines de recherche de chacun pour ne pas faire la même chose. Aussi, c’est l’occasion pour les plus jeunes de recevoir le coaching des aînés.

Le parrain ne dira pas plus quand il soutient que le séminaire sur la physique est l’occasion de bâtir des ponts. « Quand vous cherchez seul, vous êtes isolé. Il faut donc casser les murs pour que les gens travaillent ensemble », soutient le Pr titulaire de Physique, Jean Koulidiaty, pour qui les étudiants, doctorants, enseignants-chercheurs, en présentant leurs travaux, recevront les critiques. Les jeunes, en écoutant, vont apprendre, rectifier le tir si ce qu’ils faisaient n’était pas sur la bonne voie.

La science au service du développement

A l’ouverture de ce colloque scientifique, le parrain a lancé un message aux chercheurs et aux étudiants. Aucun pays ne se développe en l’absence de résultats de la science. Ce sont ces résultats qui permettent le progrès scientifique et donc le progrès social. « Il ne faut pas seulement chercher pour passer les grades du CAMES, mais pour participer au développement du pays. Ce n’est pas utile de faire des recherches, trouver quelque chose, publier dans des grandes revues mondiales et les laisser dans les tiroirs. Il faut voir comment les mettre en œuvre », a noté l’ancien ministre. Aux doctorants et autres étudiants, le Pr Jean Koulidiaty a dit que « toutes les fleurs de l’avenir sont dans les semences d’aujourd’hui ». Il les a donc invités à la culture de l’humilité, à la culture scientifique, à l’amour du travail bien fait, à continuer à apprendre sans jamais s’estimer satisfait.

Pour que les résultats de la recherche participent au développement, il faut qu’ils soient vulgarisés, connus, qu’ils quittent le cadre des laboratoires et c’est l’intérêt de cette rencontre. En ce sens, le parrain a souligné que quel que soit le domaine dans lequel un problème est à résoudre, des pistes de solutions ont déjà été pensées dans un laboratoire.


« Que l’on soit chercheur en sciences physiques, en mathématiques, en sociologie, en philosophie ou autre, chaque fois que des décideurs veulent prendre une décision importante, le problème à résoudre est en général un problème qui a été géré dans un laboratoire. Il est donc important qu’avec le partage, les décideurs sachent ce qui se fait dans nos laboratoires pour, le cas échéant, avoir des conseils scientifiques avisés pour prendre des décisions en connaissance de cause et éviter des erreurs ».

Le projet physique a déjà permis de soutenir une vingtaine de thèses, une trentaine de masters, 30 recherches dont les articles ont été publiés, sans oublier l’acquisition d’équipements au profit des laboratoires. Au moins quinze communications seront données au cours de ces trois jours de colloque scientifique sur la physique.

Tiga Cheick Sawadogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net