À l’occasion de la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), qui se tient du 22 février au 1er mars 2025, une table ronde a réuni les amateurs et professionnels du 7e art, ce lundi 24 février 2025 dans la grande salle de la mairie de Ouagadougou.
« Le court métrage : espace de liberté et d’émergence de nouveaux talents », tel est le thème de cette table ronde, qui a vu la présence de trois réalisateurs africains (Burkina Faso, Rwanda et Somalie).
Dans un premier temps, il était question de situer le contexte dans lequel ces réalisateurs arrivent à travailler dans leurs différents pays. La Rwandaise Marie Clémentine Dusabe Jambo a fait remarquer qu’après le génocide de 1994, tous les films et documentaires ont été réalisés par des étrangers. Une chose qui a commencé par choquer leur orgueil. Ainsi, des collectifs de jeunes ont commencé à faire des films. « Le défi, c’est d’abord de se comprendre soi-même avant d’espérer se faire comprendre par les autres. C’était très douloureux quand il s’agit de raconter ce drame qui s’est déroulé », a-t-elle indiqué.
Dans le contexte rwandais, selon Marie Clémentine Dusabe Jambo, les cinéastes devraient avoir le sens de responsabilité. « La manière de dire ou de décrire les choses devraient avoir de l’impact pour les générations futures. Cela fait qu’on attache beaucoup d’importance à ce que nous créons », a-t-elle expliqué, tout en rappelant que cela ne veut pas dire que tous les réalisateurs écrivent de la même manière. « Individuellement, chacun s’exprime à sa manière mais en tenant compte du contexte », a insisté la Rwandaise.
L’écrivain au-dessus du cinéaste
Pour le Somalien Mo Harawe, il a rappelé que chez eux, les réalisateurs ont commencé dans les années 1980. Le régime politique s’est effondré en 1992. Dès lors, la difficulté s’est installée pour les jeunes réalisateurs, qui ont commencé à aller en exil pour mieux exprimer leur talent.
Par la suite, le contexte politique leur est devenu favorable. Dans ce pays situé dans la corne de l’Afrique, le défi était de réaliser des films que les Somaliens voient par eux-mêmes, a notifié Mo Harawe. « Au Somalie, les gens sont plus focalisés sur la littérature que le cinéma. Dans l’esprit des Somaliens, l’écrivain est en haut et le cinéaste, en bas », a-t-il signifié.
Il y a également l’infrastructure qui pose problème parce qu’il n’y a pas des salles de projection de films. Malgré toutes ces difficultés, les cinéastes somaliens ne se découragent pas. Depuis les trois dernières éditions du FESPACO, la Somalie présente au moins un film. C’est un film somalien qui a remporté Étalon d’or en 2021 et le Poulin d’or en 2023. « Quand on regarde le contexte somalien, c’est un miracle de voir ce que le cinéma fait pour le nom de ce pays », s’est félicité Mo Harawe.
« Il faut que nos États se disent que le cinéma est une priorité »
« Le Burkina Faso a toujours été un pays de cinéma », a brandi Salam Zampaligré, qui a cité l’époque avec la nationalisation des salles de cinéma. Pour le réalisateur burkinabè, la création du FESPACO a été formidable pour le Burkina Faso. « Grâce au FESPACO, il y a une école de cinéma INAFEC (Institut africain d’études cinématographiques) qui a formé beaucoup des cinéastes burkinabè », a-t-il affirmé.
Avec le plan d’ajustement structurel en 1991, les salles de cinéma étaient fermées et INAFEC a pris un coup, a rappelé Salam Zampaligré. Toutefois, « nous n’avons pas abandonné la lutte », a-t-il insisté.
De nos jours, le défi demeure celui de la promotion du cinéma pour les politiques. « Il faut que nos États se disent que le cinéma est une priorité », a déclaré le réalisateur burkinabè.
La problématique de la distribution des films
Au cours de cette table ronde, les cinéastes ont reconnu unanimement que le court métrage est un genre cinématographique qui n’est pas assez contraignant. Le réalisateur a la latitude de s’exprimer comme il veut. La seule contrainte, c’est le temps », a indiqué Mo Harawe.
La question de la promotion des courts métrages est revenue longuement dans les échanges. Salam Zampaligré a proposé que les salles de cinéma diffusent des courts métrages avant un film long métrage, en plus des festivals de films qui sont un cadre par excellence pour les courts métrages.
Pour Marie Clémentine Dusabe Jambo, il n’appartient pas aux cinéastes de distribuer leurs films. « On a encore un long chemin à faire parce que le distributeur ne juge pas encore nécessaire de distribuer les courts métrages », a-t-elle déploré. Elle a fait savoir que « c’est un défi, un travail collectif pour que nous fassions comprendre ce problème » et de conclure : « Les fonds qui existent, c’est pour la production. Les fonds pour la distribution n’existent quasiment pas ».
Cette table ronde animée par Marie Clémentine Dusabe Jambo, Mo Harawe et Salam Zampaligré, a été modérée par Aboubacar Demba Cissoko, un critique cinéma venu du Sénégal.
Cryspin Laoundiki
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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