Les personnes atteintes de nanisme ou personnes de petite taille sont souvent marginalisées. Certaines n’ont pas voix au chapitre à cause de leur handicap congénital. En 2015, elles ont créé une association dénommée Association burkinabè des personnes de petite taille (ABPPT) pour la défense de leurs intérêts. Sara Maïga, présidente de cette association, revient sur les raisons de sa création, les missions et les objectifs de l’ABPPT. A l’occasion, elle lance un appel à l’aide aux bonnes volontés pour l’accompagnement de ces personnes.

Lefaso.net : Vous êtes une personne atteinte de nanisme, comment arrivez-vous à supporter le regard d’autres personnes ?

Sara Maïga : D’abord, je vous dirai que tous les regards ne sont pas péjoratifs. Il y en a d’autres qui vous regardent parce que c’est la première fois qu’ils voient une personne différente ou tout simplement parce qu’ils vous admirent.

S’il y a des regards admirateurs, il y a aussi ceux péjoratifs. Comment faites-vous pour tenir ?

Je prends toujours la vie du bon côté et je ne laisserai jamais les moqueries et les regards péjoratifs des gens gâcher ma vie. Ce qui m’aide aussi, c’est l’amour et la considération que m’apportent mes parents, ma famille, mes proches et tous mes amis ; tous ceux qui m’encouragent de près ou de loin.

Pouvez-vous nous présenter votre association ?

L’Association burkinabè des personnes de petite taille a été officiellement créée le 20 octobre 2015. Elle est laïque, apolitique et à but non lucratif. Toutes formes de discrimination fondée sur la race et l’ethnie, la religion, la région sont interdites en son sein. En somme, c’est une association qui regroupe des personnes atteintes de nanisme et les membres de leurs familles. Elle est composée de 64 membres, dont 37 femmes, 19 hommes et 8 enfants.

Comment est venue l’idée de la création de cette association ?

Avant, il n’y avait pas d’association, un cadre où les personnes de petite taille pouvaient se retrouver et discuter des difficultés spécifiques à leur handicap. En fait, beaucoup aussi pensent que les personnes de petite taille sont une malédiction des parents qui cachent leurs enfants. Beaucoup ne sont pas scolarisés, c’est pourquoi, dans certaines contrées ou ethnies du Burkina, quand une personne de petite taille meurt, il n’a pas droit à une tombe. Son corps est jeté de village en village jusqu’à ce qu’il disparaisse. Un peu partout, ils sont tués. Donc, il fallait créer un cadre pour expliquer aux gens que nous sommes des êtres humains et que nous avons droit à la vie et à la dignité comme tout le monde.

La présidente de l’ABPPT, Sara Maïga, compte sur le soutien de bonnes volontés pour contribuer à l’épanouissement des membres de l’association

Quelles sont les missions de cette association ?

Nous avons beaucoup de missions assignées à notre association. Mais, essentiellement, nous défendons les droits des personnes atteintes de nanisme et travaillons à l’égalité d’accès dans divers domaines comme l’éducation, la formation professionnelle, l’emploi, les soins de santé pour leur inclusion dans la société. Nous sensibilisons aussi le public et surtout les parents des personnes de petite taille et les personnes atteintes de petite taille elles-mêmes sur le nanisme et les enjeux auxquels nous faisons face et combattons les préjugés, les moqueries et les stéréotypes. Nous luttons aussi pour fournir des informations utiles sur les conditions médicales liées au nanisme et les traitements. Je dirais qu’il s’agit d’améliorer la qualité de vie des personnes de petite taille et de favoriser leur intégration dans la société. Grosso modo, c’est permettre aux personnes de petite taille du Burkina de s’assumer pleinement et d’atteindre une autonomisation financière.

Quelles sont les activités menées dans le cadre de votre association ?

L’association mène plusieurs activités. Elle sensibilise les personnes atteintes de nanisme et leurs parents pour qu’elles sachent davantage sur le nanisme. L’ABPPT a aussi formé ses membres dans plusieurs domaines sur différentes thématiques comme le développement personnel, l’élevage des poulets, la couture, le leadership, les activités génératrices de revenu. Après ces formations, beaucoup ont reçu des financements à hauteur de 300 000 FCFA et 150 000 FCFA pour renforcer leurs activités ou créer des activités génératrices de revenu. D’autres ont été dotés de machines à coudre.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?

Elles sont nombreuses. Mais je citerai essentiellement les plus connues. Il y a, entre autres, l’insuffisance de formation des membres sur diverses thématiques ; le manque de disponibilité de financement limitant la réalisation de certaines activités ; le manque de moyens pour engager du personnel qualifié ; l’absence d’un siège propre à l’association qui permet de faciliter un cadre de travail approprié ; le manque d’équipements informatiques et bureautiques ; le manque de matériel d’accessibilité (fauteuil roulant).

Les membres de l’ABPPT lors d’un atelier sur le leadership

Quels sont vos principaux défis en 2025 ?

Tout comme les difficultés, les défis sont aussi nombreux. Mais je pense qu’avec la grâce de Dieu, nous y arriverons. Les défis et perspectives pour 2025 sont, entre autres, la contribution à l’autonomisation financière de 100 personnes de petite taille, y compris les membres à travers des activités génératrices de revenus ; assurer des visites médicales des personnes de petite taille et apporter un appui aux soins de santé ; réaliser un plaidoyer avec le ministère de la Santé et les autres acteurs sur l’accès aux soins de santé des personnes de petite taille et soutenir au moins 200 personnes handicapées déplacées internes à travers des appuis en vivres, en soins de santé et leur autonomisation économique. En 2025, nous envisageons d’organiser aussi la deuxième édition de la Semaine nationale du nanisme à travers des activités de sensibilisation, de formation et de plaidoyer.

Avez-vous un cri de cœur ?

Je voudrais demander qu’on prenne en compte les besoins spécifiques des personnes de petite taille et qu’on nous aide à avoir notre siège. Dans le même sens, je voudrais demander aux personnes de bonne volonté de nous aider avec des moyens roulants motorisés ou électriques pour nos membres. Je profite de l’occasion pour remercier l’ONG Light for the World pour le soutien qu’elle nous a apporté lors de la journée nationale du nanisme.

Interview réalisée par Serge Ika Ki

Lefaso.net

Source: LeFaso.net