L’actualité en République du Ghana est alimentée depuis quelques jours par ce scandale administratif de 81 885 « employés fantômes », figurant sur les listes de paie. Ils ont été identifiés suite à une enquête sur les effectifs de la fonction publique, ordonnée par le ministre des Finances.
Sous l’ancienne présidence, l’Autorité du service national du Ghana avait dénombré 180 000 personnes au sein de l’organisation. Après inspection par les services du président Dramani Mahama, il s’est avéré qu’il n’y a finalement que 98 000 « vrais » membres du personnel répertorié, donc près de la moitié des noms enregistrés sont des « noms fantômes », situe l’agence Anadolu.
La situation a poussé le président ghanéen, John Dramani Mahama, à ordonner une enquête immédiate pour situer les responsabilités et démasquer le dispositif de fraude, en vue également d’entreprendre des réformes appropriées de contrôles et de prévention contre ces fraudes.
De retour au pouvoir en janvier 2025, le président ghanéen John Dramani Mahama, qui a fait de la lutte contre la corruption, une des priorités de son mandat, annonce donc les couleurs à travers ce scandale décelé dans un contexte de crise économique majeure sous laquelle croupit le pays, depuis 2022.
S’il est bon de préciser que le Ghana n’est pas à son premier scandale du genre, car en 2017, sous le président Nana Akufo Addo, le salaire de 26 000 fonctionnaires, considérés comme fictifs, a été suspendu, il est aussi vrai de signaler que ces scandales sont l’une des grandes caractéristiques des administrations publiques africaines.
C’est dire que l’esprit d’une administration publique « vache à lait » demeure actif dans les États africains.
Un exercice à main levée permet de rappeler, au Burkina, qu’en 2011, le ministre de la Fonction publique, du travail et de la sécurité sociale d’alors, Soungalo Apollinaire Ouattara, estimait à 200, le nombre de fonctionnaires fictifs enregistrés par an. En novembre 2012, faisant le point du recensement biométrique des fonctionnaires de l’Etat entrepris de mai à août de la même année, le ministre Soungalo Apollinaire Ouattara annonçait qu’à l’issue de l’opération, 6 250 agents présumés fictifs ont été dénombrés, avec une estimation financière des salaires perçus par ces derniers, de janvier à septembre 2012, à plus de 2,9 milliards FCFA. Le ministre avait même révélé à l’époque qu’un agent détenait, à lui seul, six numéros matricules ; en clair, il percevait à lui seul, six salaires à la fin de chaque mois.
En 2015, l’opération « billetage », lancée par le gouvernement de Transition, a révélé 1 213 agents en situation irrégulière ou inconnue, sans oublier cette « opération de contrôle de l’authenticité des diplômes des fonctionnaires en activités » annoncée en 2019, tout cela, en vue de minimiser le phénomène.
Aux mêmes moments, le ministre ivoirien de la Fonction publique, dévoilait, en septembre 2019, que plus de 1 000 agents fictifs ont été détectés et expurgés de la Fonction publique ivoirienne. Bien avant cela, en 2013, environ 3 000 emplois fictifs ont été découverts dans l’administration publique ivoirienne et plusieurs milliers d’autres antérieurement et postérieurement à ces années sus-indiquées.
Au Cameroun, et pour ne s’en tenir qu’à cette date, plus de 10 000 agents publics fictifs ont été, en 2019, découverts et supprimés du fichier solde de l’Etat ; ce qui a permis à l’Etat d’économiser, selon les responsables du ministère des Finances qui s’exprimaient en décembre 2024 sur le sujet, la somme de 30 milliards FCFA par an.
Au Tchad voisin, et toujours en 2019, un audit a soulevé près de 17 000 agents fictifs ou détenteurs de faux diplômes.
En octobre 2024, le gouvernement de Transition du Gabon a, grâce à une vaste opération de recensement des agents de la fonction publique, mis à nu plus de 13 000 agents fictifs, alors qu’un an avant, en 2023, une découverte faisait état de plus de 40 000 agents détenteurs de matricules acquis frauduleusement et qui percevaient ainsi l’argent de l’Etat.
En Tanzanie, en avril 2017, ce sont plus de 10 000 fonctionnaires qui ont été mis à la porte pour « faux-diplômes » tandis qu’en République Démocratique du Congo, en septembre 2020, les autorités avouaient que les efforts ont certes permis d’élaguer plus de 25 000 agents fictifs dans l’administration publique congolaise, mais qu’il en reste encore.
C’est dire qu’il peut paraître plus facile d’énumérer les pays africains qui connaissent moins ces phénomènes que ceux qui ploient sous les effets de ces pratiques aussi illégales qu’immorales.
Dans de telles administrations publiques fortement chargées de ces tares, où nombre d’agents sont eux-mêmes, directement ou indirectement le problème, comment pouvoir opérer des reformes objectives, efficaces, dans le seul souci de satisfaction de l’usager et de l’intérêt général ? C’est la question à mille dollars !
O.L.
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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