Les États-Unis d’Amérique sont en transition. C’est la période qui court entre la proclamation des résultats de l’élection présidentielle et l’investiture du nouveau chef de l’État. Avant que Joe Biden ne quitte le pouvoir, le président Donald Trump, après avoir formé son équipe gouvernementale, depuis sa résidence de Mar-a- Lago reçoit en audience des chefs d’État et de gouvernement et donne des conférences sur sa vision du monde. Comment prendre ces propos du futur président des États-Unis quand il veut redessiner la carte du monde pour faire de son pays, territorialement le plus grand État de la planète, plus grand que la Russie qui l’obsède par sa superficie. Quelques considérations sur les rêves éveillés du président élu de la première puissance mondiale. La nouvelle présidence Trump sera-t-elle celle du grand retour de l’impérialisme yankee ?
Un peu avant Noël, on a eu un aperçu de ce que sera la diplomatie de Donald Trump. On pensait que ses rêves de grandeur de l’Amérique étaient d’apporter le bonheur, la santé et la prospérité aux Américains. On ne s’imaginait pas que c’était par une extension territoriale de ce pays qui est dans la cour des grands en matière de superficie (9 866 289 km² et au 3ᵉ rang mondial). Le plus grave est que, le 7 janvier 2025, il a reconnu que le recours à la force faisait partie de ses options. En clair, avec lui, ça va saigner et cogner, il va faire parler la poudre et le fer, pour avoir ce qu’il veut. La guerre plane sur les têtes des Panaméens et des quelques cinquante mille habitants du Groenland.
Si d’aventure cela ne plaisait pas à un autre État, prenons le Danemark, la Russie ou la Chine, qui peut nous garantir, avec toutes ces guerres en cours, que la 3ᵉ guerre mondiale ne sera pas là ? Nous voilà revenus au XIXe siècle, au temps des empires où le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes valait peanuts, où l’Organisation des Nations-unies, dont le but est de pacifier les relations entre les États, qui siège à New York, n’existait pas, où les puissances impériales se battaient sur les mers et les continents pour des guerres de rapine, pour prendre possession des territoires en Asie, en Afrique, en Amérique.
Il faut se déciller, le monde ne progresse pas et les forces réactionnaires se sentent pousser des ailes depuis le retour de Trump au pouvoir avec des oligarques enrichis par la technologie et les marchés de l’État fédéral américain. En recevant le Premier ministre canadien qui est venu le voir pour qu’il n’augmente pas les droits de douane de 25% pour les produits canadiens comme il l’a annoncé, le président élu américain a trouvé là une occasion d’afficher sa puissance en proposant d’annexer le Canada et d’en faire le 51ᵉ État des États-Unis et, séance tenante, a commencé par l’appeler le gouverneur Trudeau. Ce que le Premier ministre canadien démissionnaire n’a jamais accepté, en proclamant que son pays restera toujours indépendant.
Après avoir souhaité augmenter au nord la taille de son pays, Donald Trump prendrait le canal du Panama au motif que ce sont les Américains qui l’ont construit en 1914 et que le Panama, par ingratitude comme dirait l’autre, fait payer des droits de passage aux bateaux américains et en aurait donné la gestion à une société chinoise qui espionnerait son pays. Il reviendrait ainsi sur un accord passé en 1977 sous la présidence de Jimmy Carter que l’on vient d’enterrer ces jours-ci et qui a abouti à la pleine possession du canal par le Panama en 1999.
Ce n’est pas pour ses aurores boréales que le Groenland est convoité par les puissances
Au Groenland, on peut observer un spectacle naturel unique de lumière d’une beauté inouïe que les peuples du Grand Nord ont associé aux âmes des ancêtres disparus. Les scientifiques ont découvert que ce sont des particules de soleil qui tombent dans les zones polaires et s’embrasent au contact de l’atmosphère terrestre, faisant des trainées de lumière observables en hiver où les nuits sont longues. Ce phénomène prodigieux attire les touristes, les écologistes et les sensibilités poétiques.
Toutes ces personnes veulent préserver le Groenland du réchauffement climatique, pour ses paysages somptueux et ses légendaires aurores boréales. Ce n’est pas ce qui attire le président élu Donald Trump, qui sera investi le 20 janvier 2025. Cette très grande île à la superficie de 2 175 600 km² a des attraits bien plus plaisants aux yeux du milliardaire avec ses ressources minérales et son pétrole dans la terre en dessous des 3 000 mètres de calotte glaciaire. Avec le réchauffement climatique, cela fait rêver. Ce sera du concret, on fera du fric, des espèces sonnantes en milliards de dollars, pas un feu follet époustouflant.
Après le canal de Panama, il faut dans l’escarcelle de Donald Trump, le Groenland pour raisons de sécurité stratégique, alors que son pays y possède une base militaire pour cette même raison. Car il est situé entre l’océan Atlantique et l’océan Arctique, cette île polaire est recouverte à 80% de glace. Bien que plus proche de l’Amérique du Nord, le Groenland est historiquement lié aux pays scandinaves et est depuis 1979 un territoire autonome du Danemark qui s’occupe seulement de la monnaie, de la défense, et des relations internationales. « On ne sait même pas si le Danemark a des droits légaux dessus. Mais si c’est le cas, il devrait y renoncer, parce que nous en avons besoin pour la sécurité nationale. Il suffit de regarder : il y a des navires chinois partout, il y a des navires russes partout. Nous ne laissons pas cela se produire ».
Voilà qui est clair, et c’est le futur président des États-Unis, membre de l’OTAN, qui parle ainsi à un autre État allié. Peut-être que l’Union européenne demandera au Danemark de laisser tomber et ensuite à la France d’abandonner aussi ses territoires d’outre-mer, ou c’est la fin de l’OTAN avec la guerre en son sein. Mais dans tout cela, entend-on parler des Groenlandais, demande-t-on leur avis sur l’identité de leur pays et leur désir de le préserver intact ?
L’impérialisme, c’est cette volonté-là, d’expansion et de domination politique, économique, culturelle et militaire, qui se ravive chez les puissants du monde, États-Unis, Russie, Israël…, au motif que la possession, le contrôle d’un autre pays est vital pour sa sécurité. Il est sidérant que les dirigeants du monde sont de plus en plus, des hommes sans vertu condamnés par les tribunaux de leurs pays et pour qui le respect des droits de l’homme et des peuples ne compte plus. Peut-être qu’une fois, installé, Donald Trump ne fera rien de ses menaces et les utilisera pour négocier à son avantage. Même si c’est cela le but, le mépris des autres et la haine ne sont pas les meilleurs moyens pour entretenir la paix.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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