Les installations anarchiques sur l’emprise de la voie de contournement à Pabré, à la sortie nord-ouest de la capitale burkinabè, ont été démolies ce mercredi 15 janvier 2025. Ces travaux de démolition ont été faits sous la supervision de l’Autorité nationale de coordination du foncier (ANCF), en collaboration avec des directions techniques des ministères en charge des infrastructures et de l’habitat.

Après des mois de sensibilisation pour la libération des emprises de la voie de contournement à Pabré, à la sortie nord-ouest de Ouagadougou, l’ANCF, de concert avec les ministères en charge des infrastructures et de l’habitat, a finalement décidé de sonner la fin de la récréation. Ainsi, plusieurs infrastructures ont été réduites en ruines.

Le bulldozer en action

Les mains sur la hanche, Jean Joël Kaboré regarde, impuissant, une partie de sa station de carburant (non encore fonctionnelle) démolie par le bulldozer. Ses nombreuses supplications pour lui permettre de reprendre les travaux ont été vaines. C’est trop tard, le mur d’une de ses enceintes et une partie de la station sont détruits. Visiblement sous le choc de la destruction, il confond même les journalistes avec les initiateurs de l’opération au moment d’entendre sa version des faits. « Vous avez tout détruit et vous voulez que je parle ? », a-t-il lancé aux représentants des médias.

Une partie de la station de Jean Joël Kaboré est en destruction

Mais quelques instants plus tard, il finit par se ressaisir et se confie : « Je n’ai pas eu d’informations concernant la démolition. C’est aujourd’hui même que mes employés m’ont informé qu’il y a des gens qui sont venus pour démolir », a-t-il rouspété. Cette démarche est irrespectueuse, selon lui. « Je suis prêt à reconstruire si on me donne un délai. Je fais partie de la jeunesse qui se bat pour le développement de ce pays. On ne doit pas me faire cela », dénonce-t-il, ajoutant que son investissement s’évalue à plusieurs millions de francs CFA. Ayant commencé les travaux de construction en 2022, il avoue n’avoir pas pris connaissance d’un communiqué venant de l’autorité compétente appelant à la libération des lieux.

Les bras croisés, Jean Joël Kaboré, ne sait pas à quel saint se vouer

Toutes les allégations de ce « malheureux » entrepreneur sont battues en brèche par le directeur général de l’Office national au contrôle des aménagements et des constructions (ONC-AC). Pour Yacouba Siko, un communiqué leur avait été adressé le 8 janvier 2023, les invitant à libérer les emprises de la voie de contournement pour éviter que l’administration ne se donne les moyens de le faire. « Comme ils n’ont pas exécuté, nous sommes là ce matin pour procéder à la démolition », souligne-t-il. Il n’est plus question de négocier encore avec les riverains , prévient le directeur de l’ANC-AC qui se veut ferme. « Les prochaines fois, les opérations de démolition seront à la charge des contrevenants », a-t-il martelé.

Selon le directeur général de l’Office national de contrôle des aménagements et des constructions (ONC-AC), Yacouba Siko, la sensibilisation a commencé en juillet 2023

Le clou a été enfoncé par Moumouni Ilboudo, directeur général des infrastructures et de transport. Selon lui, toutes les personnes affectées par ce projet ont été identifiées et leurs biens recensés et évalués. C’est à l’issue de cela, explique-t-il, qu’un montant de neuf milliards de francs CFA a été investi pour leur dédommagement. « Les limites des emprises de cette voie sont de 100 m. Et elles étaient bien dégagées avant le démarrage des travaux », a mentionné Moumouni Ilboudo.

L’ordre doit régner, rappelle Sibiri Hébié, secrétaire technique de l’ANCF. « Le gouvernement burkinabè a pensé les voies de contournement pour décongestionner le trafic, fluidifier la circulation et la sécurité des riverains. Il n’est pas question que ce qu’on a voulu éviter en faisant ces voies se reproduise », a lancé le responsable de cette structure rattachée à la Présidence du Faso. À l’occasion, il a laissé entendre que la même initiative sera entreprise sur les autres voies nationales.

Moumouni Ilboudo, directeur général des infrastructures et du transport, appelle les riverains à respecter les instructions

Le déguerpissement des occupants, une couleuvre difficile à avaler

Comme Jean Joël Kaboré, plusieurs autres occupants anarchiquement installés sur cette voie ont vu leurs investissements s’évaporer à l’image de leurs infrastructures. C’est le cas de Tasséré Ouédraogo qui a été sommé de déplacer son kiosque mobile de vente de café. Contrairement à Jean Joël Kaboré, il dit avoir reçu l’ordre de quitter les lieux. Mais pour cet étudiant en économie qui traîne toujours les pas, son kiosque est sa seule source de revenus. « Je suis un étudiant et on entend tous les jours les autorités demander aux gens d’entreprendre. Voilà ce que j’ai entrepris, et ils sont venus me chasser. Je vais m’asseoir encore à la maison et c’est le chômage. Ce n’est pas bon », fulmine-t-il, assis sur sa moto après avoir été rappelé à l’ordre. Face à la rigueur de la loi, il n’y peut rien ; il a pris l’engagement de quitter les lieux.

À plus de 200 m de lui, une clôture dont le propriétaire n’était pas présent sur les lieux a subi aussi la furie du bulldozer. Pendant ce temps, d’autres, au pas de course, tentent de vider leurs installations avant l’arrivée de l’engin. Le hangar du kiosque d’Issa Ouédraogo est dans l’emprise de la voie. Avec l’aide de sa famille, il sauve ce qui peut l’être avant que l’engin ne débarque chez lui. Malgré cette mobilisation, le bulldozer fait une escale. C’est le début d’un déluge de pardon à l’endroit des responsables présents. La démolition du hangar, dont certains chevrons en bois, directement reliés à la concession d’Issa Ouédraogo,causerait bien plus de désagréments à sa maison qui se trouve en dehors de l’emprise de la voie. Comme souhaité, l’ordre lui a été donné de détruire le hangar. Cette indulgence a valu son pesant de remerciements.

Il n’est pas question de laisser l’anarchie s’installer, assume Sibiri Hébié, secrétaire technique de l’ANCF

En plus des zones commerciales, le secrétaire technique de l’ANCF a interpellé les promoteurs immobiliers. « Tous les promoteurs immobiliers qui ont fait des aménagements, dégagé des parcelles à usage d’habitation, nous sommes en train de les convoquer pour leur dire que ce type d’investissement n’est pas approprié pour une telle voie à grande mobilité », a affirmé Sibiri Hébié. A l’en croire, le long de la voie de contournement sera marqué par des aires de repos, de stationnement, de jeux et d’autres investissements.

Serge Ika Ki

Lefaso.net

Source: LeFaso.net