Richard Woba a osé ce que d’autres ne risqueraient pas dans son cas : parler à visage découvert, et sans tabou de son statut sérologique de porteur du virus de l’hépatite B (c’est un porteur inactif). Portrait d’un homme au mental d’acier qui milite pour une meilleure prise en charge de la maladie au Burkina !

Quand on connaît son statut sérologique, on s’attend à voir une personne avec une mine de malade. Mais contre toute attente, c’est un homme au visage jovial, rayonnant de sagesse et de dynamisme que nous découvrons le 14 août 2024.

L’homme n’a rien d’une personne portant un « virus » comme celui de « l’hépatite B » dans son corps. Pour son médecin traitant, le Dr Roger Sombié, l’hépatologue/gastroentérologue qui le suit depuis des années, c’est normal, parce que, son patient, Richard Woba, est un « porteur inactif ». C’est-à-dire que le virus est maîtrisé dans le foie.

⁠⁠Dr docteur Roger Sombié est l’ami et le médecin traitant de Richard Woba

Sa charge virale est négative et indétectable depuis des années. « Il n’est donc pas malade et est en bonne santé comme vous et moi », explique le docteur Sombié.

Le médecin précise que sur la cohorte des plus de 2 000 malades qu’il suit, la proportion des patients comme Richard Woba varie entre 80 à 90%, parce qu’ils effectuent tous les examens sanguins qu’on leur propose.

« Le premier contact »

Alors que nous l’attendions à 9h dans un bureau au siège de l’Ordre des médecins du Burkina où nous avions rendez-vous, c’est à 8h45 que Richard Woba pousse la porte et entame la conversation avant même de s’asseoir. C’est un homme très ponctuel. Il le confirme d’ailleurs dans son témoignage : « On a tellement de choses à faire par jour, que les 24 heures sont insuffisantes », lâche-t-il comme pour dire que son temps est précieux.

Avec lui, chaque minute doit être mise à profit, à cause de son agenda quotidien. L’homme a une voix imposante et une énergie débordante. Il est du corps médical. Son métier semble l’avoir façonné. Mais pas seulement. Car, en plus d’être un professionnel de santé, l’homme est aussi entrepreneur et engagé dans le monde associatif. En résumé, c’est un homme qui dispose de plusieurs cordes à son arc.

« Une discipline hors pair pour dompter le virus »

Dépisté positif à l’hépatite B à l’âge de 21 ans, Richard Woba, la cinquantaine sonnée aujourd’hui, a pourtant construit une vie de couple normale. Il a même eu des enfants (trois garçons), bâti une carrière avec de grands projets en perspective.

Si certains qualifieraient leur statut sérologique de fatal, Richard Woba, l’a accueilli comme toute autre information, sans s’inquiéter outre mesure. « Si j’avais fait quelque chose qui m’avait exposé à ce virus, je m’en voudrais ou m’inquiéterais. Mais, je n’avais rien fait, donc je suis en paix avec moi-même », se justifie-t-il, tout en revenant sur son histoire : « A l’époque, j’avais juste 21 ans, j’ai dit cela naturellement à ma famille et elle s’est empressée de se faire dépister ».

C’est alors qu’il découvre qu’il n’est pas le seul et que d’autres membres de la fratrie ont aussi contracté le virus. C’est ainsi qu’il a su que son infection vient alors de la famille.

Face à ce statut, l’homme a poursuivi sa vie normalement en développant une hygiène de vie hors pair pour dompter le virus. Et depuis plus de 30 ans, cela marche très bien et lui permet de se maintenir en bonne santé comme monsieur tout le monde. Ce, en commençant par son alimentation. Il ne boit pas d’alcool, ni de boisson sucrée, et ne mange que des repas faits maison, en tenant compte de sa santé, des produits et autres.

Pour Richard Woba, l’hépatite B n’est pas une fatalité

« Un père exigeant, rigoureux, mais très aimant »

Outre l’alimentation, Richard Woba s’est aussi forgé un mental d’acier à travers le sport. Il nous parle de sa passion pour le sport et comment il l’a intégré dans son quotidien pour se sentir toujours bien dans la tête.

Ses enfants, dit-il, l’ont surnommé le « sprinter ». A leurs yeux, il est un champion comme Yohann Diniz (spécialiste de la marche athlétique). Tous les jours, à partir de 4h du matin, il parcourt sept kilomètres et pratique également 30 à 40 minutes de gymnastique, a-t-il indiqué, tout en se rappelant de ce que ses enfants lui demandent à la maison ce qu’il prépare comme compétition tous les jours. Je leur réponds que je prépare la compétition de la vie. Tout cela pour montrer comment l’hygiène de la vie compte beaucoup chez les personnes vivant avec le virus de l’hépatite B.

Si Nelson Mandela a consacré sa vie à la lutte contre l’apartheid, Thomas Sankara a milité pour l’éveil des consciences en Afrique, Richard Woba, lui, à sa petite échelle, s’est fixé une mission de vie : celle de sensibiliser les populations sur l’importance de se faire dépister, et surtout de changer de regard sur les personnes qui souffrent dans l’ombre ne sachant pas à qui parler au risque de se voir « stigmatiser ». Et en devenant le porte-voix de ses pairs, il dit avoir fait bouger les lignes à travers son association, faisant partie des premières à s’engager dans la lutte pour une meilleure prise en charge de l’hépatite B au Burkina.

Son association avait d’ailleurs pour objectif de sensibiliser la population à l’importance du dépistage, en se basant sur l’exemple de sa famille. Mais, selon ses dires, après son association, beaucoup d’autres ont été créées. Malheureusement, elles se sont dispersées. Pour plus d’efficacité dans la lutte, il faut se fédérer afin d’avoir plus d’impacts, recommande-t-il.

La maladie de l’hépatite B, comme le sida, reste encore, un sujet tabou dans la société burkinabè. Pourtant, elle fait des ravages et l’on dénombre environ 5 000 décès par an, avec une estimation de 2 400 000 cas d’hépatite B enregistrés en milieu hospitalier et un taux de prévalence en hausse passant de 8 à 15%, selon le ministère en charge de la santé.

Richard Woba se livre et sans tabou. N’esquivant aucune question aussi intime soit-elle, ce père « très aimant, mais exigeant et rigoureux », selon son fils aîné, Alex Woba, raconte, parle du passé, du présent et du futur, et captive l’attention à travers son histoire.

M. Woba a mis des mots sur ce que les porteurs du virus de l’hépatite vivent au quotidien. Ces malades qui refusent d’en parler au risque de se voir « stigmatiser ». Il évoque ses défis et les luttes invisibles qu’il a menées, au-delà de sa propre personne. Le sens de son engagement. Il se rappelle qu’il montait même la garde à l’aéroport jusqu’à 2, voire 4 h du matin, pour attendre l’arrivée des médicaments commandés depuis l’extérieur. Si la palme d’or de la résilience dans le domaine de la santé devait être décernée, il pourrait l’emporter.

⁠Richard Woba reste debout malgré le décès de son épouse

Son objectif derrière ce témoignage, c’est de poursuivre la sensibilisation qu’il a commencée depuis des années. En outre, il veut attirer l’attention des décideurs sur une meilleure prise en charge des patients et le fait que l’accessibilité aux soins adéquats reste toujours un défi pour eux. Car selon son analyse, les choses se sont plus nettement améliorées qu’il y a 20 ans. Mais beaucoup reste encore à faire. Parmi les défis actuels de ces patients, il y a l’accessibilité des médicaments dans tous les établissements de santé au Burkina Faso. Parce que certains patients vivant dans les provinces sont obligés de se déplacer vers Ouagadougou pour s’acheter les médicaments. Alors qu’on pouvait les rendre disponibles sur toute l’étendue du territoire.

Rendre hommage à son amour décédé

Comme si le destin s’acharnait contre lui, en 2021, celle avec qui il a été marié pendant plus de deux décennies a été arrachée à son affection. Elle est décédée à la suite d’un cancer. N’empêche, l’homme continue son chemin, en portant en mémoire la mère de ses enfants et l’amour de sa vie, selon ses confidences. Et tous les projets qu’il a en perspective, il compte les réaliser pour lui rendre hommage.

Yvette Zongo

Vidéo : Auguste Paré

Lefaso.net

Source: LeFaso.net