La réintroduction de l’éducation civique dans le système éducatif burkinabè, récemment décidée par le gouvernement, suscite des inquiétudes chez les enseignants. Les professeurs d’histoire-géographie et de français-histoire-géographie alertent sur les risques de surcharge de travail et de dépression qu’ils encourent si cette discipline devient effectivement une matière à part entière. Lors de leur assemblée générale tenue le vendredi 27 décembre 2024 à Ouagadougou, à la Bourse du travail, ils ont dissout leur Coordination nationale tout en appelant à la libération de leurs camarades détenus.

La coordination nationale, désormais dissoute, avait pour mission principale de représenter les enseignants auprès des autorités, afin de convenir des modalités pratiques pour une réintroduction réussie de l’éducation civique. Selon Sami Albert Midiour, porte-parole des enseignants, et professeur au lycée départemental de Dossin, plusieurs membres de la coordination ont été arrêtés dans des circonstances troubles.

Les enseignants affirment avoir transmis en novembre dernier un mémorandum à leur ministère de tutelle. Ce document met en lumière les défis liés à la surcharge de travail, notamment l’augmentation du volume des préparations pédagogiques, tout en proposant des solutions. « Cette surcharge est non seulement liée au volume de travail qui a augmenté, mais aussi à la préparation des différentes leçons », a expliqué monsieur Midiour.

Le témoignage d’Aguiratou Konbelem

Aguiratou Konbelem, professeur de français-histoire-géographie, a illustré la surcharge de travail à laquelle elle et ses collègues font face. Enseignant dans quatre classes différentes, elle a dû corriger pas moins de 800 copies pour le premier trimestre, une tâche titanesque qui l’a poussée à retarder cette correction jusqu’à la dernière limite. Elle explique qu’ajouter l’éducation civique comme matière à part entière emmenerait son volume de copies à 1 470, un chiffre qui mettrait en péril son équilibre de vie. « Nous ne dormons même pas la nuit », témoigne-t-elle, évoquant des soirées interminables de correction et des matinées consacrées à la préparation des cours, avant de faire face à une journée d’enseignement exténuante.

Cette surcharge a des répercussions sur leur santé et leur sécurité. En effet, madame Konbelem a raconté un incident marquant qui a failli lui coûter la vie.

« J’ai une fois somnolé en pleine circulation et je suis tombée. J’ai failli me retrouver sous le pont avec mes enfants », Aguiratou Konbelem, professeur de français-histoire-géographie

Ce témoignage vient mettre en relief les dangers concrets d’un tel rythme de vie. Pour Aguiratou Konbelem et ses collègues, il est urgent de trouver des solutions adaptées afin de préserver leur bien-être tout en garantissant la qualité de l’éducation.

Un suivi massif des consignes de refus

Lors de cette assemblée, le bilan du mot d’ordre « non à l’enseignement de l’éducation civique comme une matière à part entière » a révélé une adhésion à plus de 80 % au niveau national, a indiqué Sami Albert Midiour. Les enseignants plaident pour une approche alternative, suggérant d’intégrer les contenus de l’éducation civique dans les cours existants d’Histoire-Géographie, ce qui permettrait d’alléger la charge des enseignants tout en assurant la transmission des valeurs citoyennes aux élèves.

Des participants à l’assemblée générale des professeurs d’Histoire-Géographie et de français-histoire-géographie du Burkina

Des perspectives et un plaidoyer pour la libération des camarades détenus

Au-delà de l’enseignement, la question de la détention de certains membres de l’ex-coordination nationale reste un point sensible. Les enseignants ont adressé un plaidoyer au président du Faso et au chef du gouvernement pour obtenir leur libération rapide. Selon eux, ces arrestations fragilisent le dialogue social et compliquent la recherche de solutions durables.

Appel au dialogue pour une réintroduction réussie

Les enseignants réitèrent leur engagement en faveur de l’éducation civique, mais insistent sur la nécessité de mécanismes adaptés pour éviter une surcharge excessive. Ils appellent le gouvernement à écouter leurs propositions et à instaurer un dialogue inclusif pour garantir une mise en œuvre harmonieuse de cette réforme.

Alors que la réintroduction de l’éducation civique dans le système éducatif burkinabè vise à renforcer les valeurs citoyennes, la méthode choisie suscite des tensions. Les enseignants appellent à un compromis qui concilie les objectifs pédagogiques et la réalité du terrain. Un dialogue constructif entre les parties prenantes reste indispensable pour garantir le succès de cette initiative éducative essentielle.

Hamed Nanéma

Lefaso.net

Source: LeFaso.net