La Sécurité sanitaire des aliments (SSA) se définit comme l’ensemble des pratiques et mesures visant à garantir que les aliments consommés ne présentent pas de risques pour la santé humaine. Cela englobe la prévention des risques liés aux dangers biologiques, chimiques et physiques tout au long de la chaîne alimentaire depuis la production dans les fermes jusqu’à la consommation dans les assiettes. Avec la floraison des entreprises évoluant dans la transformation agroalimentaire, la sécurité sanitaire des aliments n’est pas toujours respectée, ce qui n’est pas sans conséquences sur la santé des consommateurs. Dans l’interview ci-dessous, Dr Blaise Ouattara, spécialiste de sécurité sanitaire et de la qualité des aliments au bureau régional pour l’Afrique de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), évoque l’importance de la sécurité sanitaire des aliments, les conséquences en cas de non-respect ainsi que les normes qui la régissent au Burkina Faso.
Lefaso.net : Qu’est-ce que l’on peut comprendre par sécurité sanitaire des aliments ?
Dr Blaise Ouattara : La sécurité sanitaire des aliments peut se définir comme l’ensemble des pratiques et mesures visant à garantir que les aliments consommés ne présentent pas de risques pour la santé humaine. Cela englobe la prévention des risques liés aux dangers biologiques (microbes, virus, parasites, etc.), chimiques (toxines, résidus de produits chimiques, métaux lourds, etc.), et physiques (morceaux d’éléments physiques dangereux) tout au long de la chaîne alimentaire depuis la production (ferme) jusqu’à la consommation. En termes plus simples, la sécurité sanitaire des aliments signifie l’assurance que tous les aliments que l’on donne à manger aux populations sont sains et ne nuisent pas à leur santé.
Quelles sont les normes en matière de sécurité sanitaire des aliments ?
La sécurité sanitaire des aliments repose en grande partie sur des normes alimentaires. Ces normes sont définies par des organisations nationales comme l’Agence burkinabè de la normalisation, de la métrologie et de la qualité (ABNORM) au Burkina ou internationales comme le Codex Alimentarius, une organisation mise en place par la FAO et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les normes alimentaires couvrent divers aspects de la chaîne alimentaire, depuis la production dans les fermes, jusqu’à la consommation. Les normes internationales du Codex abordent une variété de domaines suivants comme les résidus de pesticides et de médicaments vétérinaires, la gestion des risques microbiologiques, la règlementation des additifs alimentaires et des contaminants, les méthodes d’étiquetage et de traçabilité des produits alimentaires, les principes d’hygiène des locaux et des équipements de transformation, le stockage des aliments, etc. Nous avons également la norme HACCP (signifiant Analyse des Dangers – Points critiques pour leur maîtrise) qui donne une approche préventive utilisée pour identifier, évaluer et maîtriser les dangers qui compromettent la sécurité sanitaire des aliments.
Au Burkina Faso, il y a les normes NBF élaborées par l’ABNORM qui sont basées sur les mêmes principes que celles du Codex Alimentarius. La plupart des normes NBF sont une adaptation des normes Codex au contexte national burkinabè.
Quelle est l’importance de la sécurité sanitaire des aliments pour les transformateurs agroalimentaires ?
Les transformateurs agroalimentaires mettent à la disposition des populations des aliments pour leur consommation, leur développement, leur bien-être. La place des transformateurs agroalimentaires est très cruciale et leur responsabilité quant à la mise en consommation d’aliments sains est capitale. La SSA est donc d’une importance cruciale pour ces transformateurs agroalimentaires pour plusieurs raisons :
· Les transformateurs agroalimentaires sont les acteurs de la protection de la santé des consommateurs. Leur rôle principal est de fournir des produits sains et de qualité à la consommation. En garantissant que leurs produits respectent des normes alimentaires, ils réduisent le risque de transmission, aux consommateurs, de maladies d’origine alimentaire.
· La conformité aux réglementations : les transformateurs agroalimentaires doivent respecter des normes nationales et internationales strictes en matière de sécurité sanitaire des aliments (comme les normes HACCP, ISO 22000, ou celles de la réglementation européenne). Le non-respect de ces exigences peut entraîner des sanctions, des amendes, voire entraîner des fermetures d’entreprises. La conformité est donc essentielle pour éviter des conséquences juridiques et financières graves.
· La réputation et la confiance des consommateurs : un incident de contamination ou une crise sanitaire peut détruire la confiance des consommateurs et nuire à l’image de marque de l’entreprise. À long terme, une bonne gestion de la sécurité sanitaire des aliments favorise la fidélité des clients et assure une position compétitive sur le marché.
· La réduction des pertes économiques : La non-conformité aux normes alimentaires peut entraîner des rappels de produits, des pertes financières importantes et des coûts supplémentaires liés aux enquêtes, aux tests et aux procédures correctives. En investissant dans la prévention des risques sanitaires, les transformateurs agroalimentaires minimisent ces coûts.
· L’accès aux marchés internationaux : dans un contexte de mondialisation, les entreprises agroalimentaires doivent garantir la sécurité sanitaire de leurs produits pour accéder aux marchés étrangers. Des certifications de sécurité sanitaire alimentaire sont souvent nécessaires pour exporter, notamment vers l’Union européenne, les États-Unis, ou d’autres régions qui ont des normes strictes.
En résumé, la sécurité sanitaire des aliments est essentielle pour les transformateurs agroalimentaires. Elle permet de protéger la santé publique, de respecter les obligations légales, de maintenir la confiance des consommateurs, d’éviter les pertes économiques et de réussir sur les marchés internationaux.
Quels sont les risques liés au non-respect de la sécurité sanitaire des aliments pour les consommateurs ?
Le non-respect de la sécurité sanitaire des aliments peut entraîner plusieurs risques pour les consommateurs, qui peuvent varier en fonction du type de contamination ou de défaut d’hygiène. Lorsque les aliments sont contaminés par des agents pathogènes (bactéries, virus, parasites ou toxines), cela peut provoquer des maladies. Les plus courantes sont les infections bactériennes comme celles causées par Salmonella, Escherichia coli (E. coli), Listeria, Campylobacter, qui peuvent provoquer des diarrhées, des vomissements, des douleurs abdominales. Dans les cas graves, des hospitalisations, voire des décès, peuvent survenir. Il y a aussi les intoxications alimentaires qui sont causées par des toxines produites par des bactéries et les maladies virales comme l’hépatite A ou le norovirus.
Quel est le constat général qui se dégage sur le respect de la sécurité sanitaire des aliments par les transformateurs agroalimentaires du Burkina ?
Au Burkina Faso, comme dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, l’on assiste à une multiplication du nombre de transformateurs agroalimentaires, ce qui est bien en soi, car permet d’offrir en quantité des aliments transformés aux populations et donc de réduire la faim. Cependant, plusieurs de ces petites entreprises sont non formelles et peu connues des autorités de contrôle. Elles échappent par conséquent au contrôle et à l’encadrement par les services de contrôles de la SSA et peuvent mettre sur le marché des aliments insalubres.
Je pense que les autorités gouvernementales du Burkina Faso fournissent des efforts considérables pour assurer la sécurité sanitaire des aliments vendus localement et dans la rue. Cependant, l’on assiste à la multiplication du nombre de petits transformateurs tels que les grilleurs de viandes, de poissons, le porc au four, etc. La majorité d’entre eux opèrent dans l’informel, ce qui rend difficile le contrôle rigoureux par les services publics. Le non-respect des exigences en matière de sécurité sanitaire des aliments provient le plus souvent de ces transformateurs peu connus des autorités compétentes de contrôle.
Pouvez-vous nous parler du système de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments au Burkina ? Est-il adapté ? Respecté par les transformateurs ?
C’est une question qui est réellement d’actualité. Le système de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments est assuré par un ensemble d’autorités compétentes (services de l’État) qui sont focalisées sur plusieurs types d’aliments : produits végétaux, produits animaux et poissons, produits transformés, produits d’exportation, produits importés, utilisation des pesticides, utilisation des médicaments vétérinaires, restauration collective, etc. Chacune joue son rôle en fonction de ses attributions et en fonction des disponibilités financières et techniques, etc. Le système de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments au Burkina Faso est multisectoriel comme dans beaucoup de pays.
Tout système national de contrôle des aliments a des forces et des faiblesses. La FAO et l’OMS ont développé un outil d’évaluation qui permet d’identifier les forces et les faiblesses des systèmes nationaux de contrôle des aliments. Cela permet de mettre en place des stratégies d’amélioration à court, moyen et long terme. Le Burkina a récemment développé son profil pays, qui est le premier stade de cette évaluation assez complexe. L’évaluation globale permettra à la longue de parfaitement juger le système existant au Burkina Faso en identifiant les forces, faiblesses, opportunités et menaces, et en formulant des recommandations pertinentes d’amélioration sûre à long terme.
Dans un système multisectoriel de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, il y a des dispositions nécessaires et capitales à mettre en œuvre dans le pays pour que le système fonctionne bien. Je citerai par exemple l’élaboration d’une loi alimentaire et des décrets d’application qui dictent clairement quoi faire, où, quand et comment. Certains pays optent pour la création d’une agence nationale de SSA qui constitue une plateforme et un cadre multisectoriel de concertation pour la gestion des questions de SSA.
Quelles propositions pouvez-vous faire pour améliorer le système de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments pour que les PME puissent proposer aux consommateurs des aliments sains ?
D’abord, je voudrais signaler que, pour que les PME puissent proposer aux consommateurs des aliments sains, il faudrait qu’elles soient rigoureusement et bien encadrées par le gouvernement. Cela suppose que le pays doit avoir des textes réglementaires bien adaptés et opérationnels et un système de contrôle des aliments performant.
Pour améliorer le système de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, plusieurs propositions peuvent être mises en place, impliquant des mesures préventives, des actions de surveillance et une collaboration renforcée entre les différents acteurs du secteur. En termes de suggestions, nous avons la formalisation des PME (reconnaissance officielle, répertoriées par le gouvernement et disponibilisation d’une base de données fiable et à jour), la formation des acteurs de la chaîne alimentaire sur les bonnes pratiques d’hygiène, les bonnes pratiques de fabrication. Ces PME ont aussi besoin de comprendre les principes HACCP.
La sensibilisation des consommateurs est aussi très importante. Ils doivent être informés des bonnes pratiques de manipulation des aliments à domicile, ainsi que des risques liés à une mauvaise gestion de la sécurité sanitaire alimentaire. Le renforcement de la fréquence des inspections et des contrôles réguliers des établissements de transformation et de distribution des aliments permettra de détecter rapidement toute déviation par rapport aux normes de sécurité sanitaire alimentaire. Une autre proposition est l’utilisation de technologies avancées comme la traçabilité numérique, les capteurs de température ou les tests rapides de détection de pathogènes qui peuvent améliorer l’efficacité des inspections et rendre les contrôles plus précis. Une bonne traçabilité permet de mettre en place un système d’identification des aliments depuis la ferme jusqu’à la table du consommateur, afin de les suivre à chaque étape du cycle alimentaire et d’identifier rapidement et de retirer tout aliment en cause dans les cas d’urgence en matière de SSA.
Il y a aussi la création de plateformes de données centralisées relatives à la production, à la transformation, et à la distribution des aliments. Il faut renforcer les partenariats public-privé entre les autorités sanitaires et les entreprises, l’application des normes et de la réglementation et investir dans la recherche et l’innovation.
Un dernier mot ?
Je voudrais vous assurer, qu’en tant que FAO, nous œuvrons avec l’OMS et d’autres partenaires comme le PAM, GIZ, UNICEF en unissant nos forces et nos capacités techniques et financières pour aider les pays membres à produire des aliments sains et nutritifs pour tous. Ce n’est pas facile, beaucoup de choses restent à faire partout, mais nous sommes assurés de pouvoir y arriver ensemble. Et comme nous le disons depuis longtemps, la SSA est une affaire de tout le monde, les producteurs, les transformateurs, les transporteurs, les distributeurs, les consommateurs, les gouvernements, les organisations non gouvernementales nationales, internationales, devons tous unir nos forces pour y arriver.
Armelle Ouédraogo
Le Faso net
Source: LeFaso.net
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