Le Centre hospitalier universitaire (CHU) Yalgado Ouédraogo abrite en son sein un service de médecine chinoise. Il est dirigé par le Dr Louis Bazimo. Après huit années de formation en Chine, il met en pratique ses connaissances et son expertise en médecine chinoise au Burkina Faso. Le service utilise l’acuponcture, une discipline de la médecine chinoise, comme une alternative thérapeutique efficace. Dans cet entretien, il revient sur les bienfaits de cette pratique, les défis qu’elle rencontre et son avenir dans le système de santé burkinabè.
Lefaso.net : Quelle est la particularité du service de médecine chinoise du CHU Yalgado Ouédraogo ?
Dr Louis Bazimo : Ce service existe au Burkina depuis fort longtemps. Il a été officiellement implanté au Burkina dans le cadre de la coopération médicale Chine-Burkina Faso d’abord à l’hôpital de Koudougou depuis 1972-1973. Aujourd’hui, nous en avons ici, à l’hôpital Yalgado et à Tengandogo. Certaines personnes ont eu des stages de formation, mais jusque-là, j’ai été la seule personne à avoir fait toute la formation entière en Chine. Le travail que nous effectuons ici au service de médecine chinoise au CHU de Yalgado Ouédraogo, ce sont les soins et les conseils. Dans le cadre de la prévention, nous avons des soins thérapeutiques que nous donnons aux gens. Pour rétablir la santé également, il y a plusieurs sortes de soins qui sont réservés aux patients qui en ont besoin. Quand on parle de médecine chinoise, il y a beaucoup de volets. On a la pharmacologie, la pharmacopée chinoise à partir de feuilles, de racines et de matières médicales.
Qu’est-ce que l’acuponcture ?
C’est une spécialité médicale de la médecine chinoise. Elle consiste essentiellement à l’usage de matériel fin comme les aiguilles fines que l’on insère dans des endroits bien spécifiques sur la peau ou la surface cutanée d’un individu. Ensuite, on effectue des stimulations pour atteindre un but thérapeutique. Il faut souligner que les aiguilles ne sont pas placées n’importe où. Il y a des indications bien précises.
L’homme possède environ 365 points d’acupuncture qui vont de la tête aux pieds. La disposition de ces points est celle des lignes imaginaires que l’on appelle des méridiens. Il y a 12 lignes ordinaires et 8 lignes extraordinaires. Chaque ligne est affectée à un organe. On aura, par exemple, les méridiens du cœur, les méridiens des poumons, les méridiens de la vessie, les méridiens du gros intestin, les méridiens du foie, du rein, etc. Donc, c’est un traitement un peu global. On dit que la médecine chinoise a une vision holistique et que tous les points dont j’ai parlé sont en réseau sur tout le corps. On peut ainsi prendre les méridiens du foie pour soigner des problèmes gastriques ou pour soigner des problèmes de ballonnement.
Quels sont les types de maladies que vous traitez avec l’acupuncture ?
Quand quelqu’un a par exemple une dysurie ou un problème de diabète, l’acuponcture peut aider à stabiliser la glycémie. Il y a aussi, par exemple, des problèmes liés au niveau cérébral, psychologique, psychiatrique, comme la dépression. Quelqu’un qui est très nerveux, qui est très agité ou qui a des insomnies peut être soigné avec l’acuponcture. Il y a aussi les céphalées. Pour certaines maladies d’ordre gynécologique ou par exemple, les femmes font souvent des avortements spontanés. Avec l’acuponcture et des traitements au niveau du bas-ventre ou au niveau des yeux, on peut préserver la grossesse. Avec l’acupuncture, on arrive à soulager la douleur de certaines maladies en stimulant la production d’endorphine.
Est-ce que l’acuponcture soigne ou calme plutôt les maladies ?
L’acuponcture est très efficace en matière de soulagement des douleurs, en ce sens qu’à travers les simulations que l’on fait, elle arrive à stimuler le système cérébral, le système nerveux, pour provoquer la sécrétion de certaines hormones du plaisir, notamment l’endorphine. Cette hormone a le pouvoir d’inhiber tout ce qui est douleur. Il faut dire que l’organisme humain est merveilleusement créé, parce que quand on a une douleur, l’organisme peut lui même stimuler la production d’hormones pour calmer cette douleur. Donc, au point de vue du traitement de la douleur, l’acuponcture est un moyen thérapeutique très important qu’il ne faut pas négliger en dehors de la prise de médicaments et des traitements invasifs comme les opérations chirurgicales. C’est une médecine qui est à la disposition de tout le monde, à la portée de tout le monde et qui est supportable par tout le monde. L’acuponcture n’est pas douloureuse, bien qu’elle utilise beaucoup d’aiguilles. Ici, on reçoit des enfants et des personnes de tout âge. On reçoit surtout les personnes qui sont dans des situations physiques handicapantes.
Quels sont les défis que rencontre le service ?
Le principal défi est de pouvoir apporter le maximum de soulagement aux patients et de contribuer de façon significative à l’enrichissement du plateau technique au niveau médical dans notre pays. Je crois que quand on a un service d’acuponcture, ça enrichit le plateau technique, et quand c’est bien animé, ça donne plus de moyens aux patients pour pouvoir être soulagés de leur maladie. Dans ce sens-là, le défi est permanent et nous allons continuer à travailler dans ce sens pour que le maximum de bénéfices soit apporté aux populations.
Est-ce que ces techniques de soins sont enseignées au Burkina dans la formation du personnel soignant ?
Cette question est la bienvenue. C’est une question de transmission et de partage de connaissances. Moi, c’est une bourse d’État qui m’a permis d’aller apprendre ces techniques en Chine. Ce fut pendant une période assez difficile entre les deux pays, mais je suis revenu. Il y a des étudiants ou des médecins qui viennent par curiosité pour apprendre et je leur donne toutes les informations qu’ils veulent. Il y en a qui veulent apprendre plus en profondeur et aller étudier en Chine et je leur donne aussi les informations nécessaires à ce sujet. Cependant, je ne suis pas au courant de modules d’enseignement de ce domaine à l’université ou quelque part d’autre au Burkina. J’ai fait des présentations au niveau du département de sociologie à l’université de Ouagadougou concernant l’acuponcture et par voie numérique, avec l’université d’Abidjan cette année. Je suis disponible et ouvert, mais si ces connaissances ne sont pas exploitées, ce n’est pas à nous de prouver que l’on est important. Mais, je souhaite effectivement que l’on puisse enseigner l’acuponcture dans les écoles de santé, à l’université, car ce serait un plus pour la connaissance et l’enrichissement intellectuel du personnel sanitaire.
Quelles sont vos recommandations pour mieux utiliser la médecine chinoise pour les soins ?
Il faut encourager et promouvoir cette discipline, parce que si nos amis chinois l’ont développée pendant des millénaires, ce n’est pas pour rien. Quand on voit ce que la Chine est aujourd’hui en matière de sciences, de culture, de santé et de développement, ce sont des choses qu’il faut prendre en compte. L’acuponcture stimule la sensibilité et c’est dans ce sens que j’encourage la pratique de l’acuponcture. Cependant, il faut former beaucoup de gens et il faut avoir beaucoup de praticiens. Il faut aussi des gens qui s’y intéressent de façon volontaire, et pour mieux pratiquer, il faut suivre toute la formation en Chine. Le mieux, c’est de se former à partir du baccalauréat. Après, il y a des études post-universitaires et des stages pour être capable d’utiliser des traitements d’acupuncture. Donc, pour que la médecine chinoise soit bien utilisée au Burkina, il faut davantage de personnes formées.
Qu’avez-vous à ajouter ?
Je vous remercie pour votre visite qui nous donne l’occasion, ici, de dire un mot sur cette spécialité médicale qu’est l’acuponcture. Cela va permettre aux gens de découvrir ce service au centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo.
Entretien réalisé par Farida Thiombiano
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
Commentaires récents