L’audience de jugement du dossier portant détournement de Fonds publics au ministère en charge de l’Action humanitaire s’est poursuivie ce mardi 10 décembre 2024 avec les auditions. Après avoir terminé avec le principal prévenu Amidou Tiégnan, la juridiction a successivement appelé au prétoire, les autres mis en cause, à savoir Philippe Bayoulou, Salif Ouédraogo et Pétronille Tarpaga.
Bien qu’ayant déclaré, pour certains, ne pas reconnaître l’infraction de « faux et usage de faux en écriture publique » et d’autres, partiellement, les trois prévenus (Philippe Bayoulou, Salif Ouédraogo et Pétronille Tarpaga) ont, à l’épreuve des questions, admis finalement l’infraction qui leur est reprochée.
C’est le prévenu Philippe Bayoulou, contrôleur financier, qui a succédé à M. Tiégnan. Après avoir reconnu les pratiques non orthodoxes, et à la question du Tribunal, Philippe Bayoulou va estimer que le montant qu’il a perçu de M.Tiegnan « n’excède pas 40 millions FCFA, en tout ». Sur le mode de « partage » des sommes, Amidou Tiegnan affirme que les sommes étaient divisées en deux, à parts égales entre lui et M. Bayoulou. Ce que réfute ce dernier .
« Je ne confirme pas cette répartition. Il y a eu un chèque de 7 millions 500 mille, j’ai pris 3 millions et il (M. Tiégnan) a pris 3 millions 500 mille FCFA. Pour le chèque de 14 millions FCFA, il a pris 9 millions j’ai pris 5 millions FCFA », a, à travers ces exemples, insisté Philippe Bayoulou.
A la question de savoir comment le supérieur qu’il est, a pu se soumettre aux instructions du subalterne Amidou Tiégnan, le prévenu Philippe Bayoulou se défend avec un air embrassé : « Tiégnan m’a dit qu’il allait m’aider à me réaliser ».
Recruté en 2013 en qualité d’adjoint au secrétariat, Salif Ouédraogo va, jusqu’à ce jour, se retrouver régisseur du SP/CONASUR (Secrétariat permanent/Conseil national de Secours d’urgence et de Réhabilitation). Selon le principal prévenu, M. Ouédraogo a joué un rôle dans le dispositif de faux et usage de faux (il lui est ici reproché d’avoir commis un faux par contrefaçon, en établissant des états financiers fictifs pour justifier des dépenses illégales), par la production d’ « actes justificatifs ».
« Dans le cadre de mes fonctions, il y a une activité qu’on appelle manutention. C’est l’une des grandes activités du SP/CONASUR qui a en charge de ravitailler les zones difficiles en vivres. C’est dans le cadre de cette activité que j’ai connu M.Tiegnan en 2021 », a introduit Salif Ouédraogo. Poussé par les questions d’éclaircissement du Tribunal, des extraits de son audition préliminaire à l’appui, Salif Ouédraogo affirme : « J’avais en charge la gestion des frais de manutention. Amidou Tiegnan et moi avons commencé à collaborer. Nous avons commencé à faire des augmentations sur les dépenses réelles de la manutention. A chaque fois on percevait 500 000 F ».
Salif Ouédraogo a également révélé qu’outre ces majorations, Amidou Tiegnan a proposé deux chèques de cinq millions chacun, à toucher. Ces sommes ont été partagées équitablement entre M. Tiégnan et lui.
A la question de savoir à combien peut-il évaluer ce qu’il a reçu de ces pratiques entre lui et M. Tiégnan, le prévenu Salif Ouédraogo avance le chiffre de 75 millions de FCFA. Un montant qu’il va maintes fois confirmer à travers des questions des parties.
Avec Camille Yé, Salif Ouédraogo pense avoir reçu douze millions CFA.« Sur les besoins de la manutention, il me demandait d’augmenter le montant des besoins réels pour les déplacements de la ministre et pour motiver son personnel. Sur 20 millions par exemple, il peut me donner 3 millions CFA maximum. En 2023, j’ai touché 4 chèques de 10 millions CFA chacun où j’ai eu 20 millions CFA avec Amidou Tiegnan. J’ai eu 8 millions dans le partage avec Camille Yé. En 2022, j’ai eu un chèque de 5 millions CFA de Amidou Tiegnan. En ce moment, Camille Yé n’était pas là », relate-t-il.
Le Tribunal, lui, projette les sommes frauduleusement soustraites par les Amidou Tiegnan, Salifou Ouédraogo et Camille Yé, de 2022 à 2024, à 243 millions FCFA
Le dernier prévenu, Pétronille Tarpaga, comptable, s’est également expliquée. « Il (Amidou Tiégnan) est venu me voir avec deux chèques déjà positionnés. Il a dit que c’était pour des activités. C’était des chèques de 3 millions 275 mille et de 8 millions 400 mille. Il m’a demandé d’aller toucher et je suis allée. C’est après qu’il est venu me remettre une partie de l’argent. Il l’a divisé en parts égales. (…). Les chèques ont été tirés en son nom » , explique-t-elle, précisant que c’est par ces chèques que M. Tiégnan lui a payé le véhicule de quatorze millions.
« Comment se fait-il qu’il vous donne la moitié de l’argent censé être utilisé pour des activités ? », charge le Tribunal.
« Franchement, moi-même je ne sais pas. Je me suis dit que c’est vu ma situation matrimoniale qu’il a fait ça », s’est défendue Pétronille Tarpaga.
Une défense que Amidou Tiégnan contrarie. « Il y avait 100 000 000 FCFA dans un compte, on fait des chèques à son nom et souvent, à mon nom. Nous avons tiré environ dix chèques. J’ai bénéficié de 20 000 000 FCFA de ce compte, c’est avec cet argent que j’ai acheté la voiture », a dit M. Tiégnan.
Également contrainte par les questions du Tribunal et des parties, Pétronille Tarpaga va finalement reconnaître les faits à elle reprochés sur cette infraction.
L’audience du jour s’est achevée avec une projection par le Parquet, des biens saisis chez Amidou Tiégnan (une station en construction, une Lexus V8, une ferme, deux camions, une cour, des bus en location dans des sociétés minières, un maquis-restaurant couplé à une chambre de passe situé dans une zone non-lotie de Ouagadougou avec une recette journalière estimée à 700, 800 millions FCFA).
L’audience a été suspendue à 18h20, elle reprend le jeudi, 12 décembre 2024 à partir de 9h.
O.L.
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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