Après avoir reçu la déclaration faite par le prévenu à la gendarmerie de Dori, signifiant qu’il avait été intercepté et dépouillé de tout ce qu’il avait par les terroristes, KN était de nouveau devant la barre du Tribunal correctionnel, ce mercredi 27 novembre 2024. Dans sa plaidoirie, le procureur a estimé que le prévenu n’avait pas pour intention d’aller au Niger avec le véhicule, mais plutôt, livrer la voiture de DA et tout ce qu’elle contenait aux terroristes. Il a requis pour ce faire, une peine d’emprisonnement de 24 mois et une amende de 500.000 francs CFA, le tout ferme. (Lire ici le compte rendu de la première audience).
Le 20 novembre 2024, le Tribunal estimait que les déclarations de KN, qui affirmait avoir été victime d’une attaque terroriste alors qu’il allait pour le Niger, n’était pas vérifiées. En renvoyant le dossier à l’audience de ce mercredi 27 novembre, les juges donnaient l’occasion au parquet de vérifier que le prévenu avait bel et bien signalé à la gendarmerie de Dori ce qui lui était arrivé.
Après vérification, le ministère public affirme qu’il a bel et bien effectué une déclaration entrant dans ce cadre. Seulement, contrairement à la déposition du prévenu qui affirmait que la gendarmerie lui avait dit que la route était empruntable, le parquet dit avoir été informé que défense lui avait été faite de prendre la route car elle était dangereuse.
En se constituant partie civile, la victime a, dans ses réclamations, souhaité que lui soit restitués 5 millions francs CFA, représentant le prix de la voiture ; 700.000 francs CFA, représentant les deux valises et le sac à dos qui étaient dans la voiture ; 170.000 francs CFA, qui représentaient sa paye pour le voyage ; 50.000 francs CFA qui représentaient les frais de carburant.
Le procureur lui, a estimé que l’infraction d’abus de confiance était constitué, ce, conformément à l’article 613-3 du code pénal qui dispose que : « Est puni d’une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à trois millions (3 000 000) de francs CFA, quiconque détourne ou dissipe au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs, des données informatiques ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’il a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».
Selon ses dires, l’élément matériel ici tient en la disparition du véhicule et de tout ce qui le composait. L’élément moral, la volonté manifeste du prévenu de ne pas suivre les consignes qui lui ont été données par le propriétaire du véhicule : suivre impérativement le convoi et arriver au Niger en toute sérénité. Il a ainsi requis, une peine d’emprisonnement de 24 mois et une amende de 500.000 francs CFA, estimant que le prévenu avait livré le véhicule aux terroristes. « C’est un geste grave qui mérite qu’il soit éloigné des honnêtes hommes. On a assez pleuré pour qu’il aille donner de quoi faire souffrir les Burkinabè encore », a-t-il pesté.
Le conseil du prévenu a, lui, souligné que l’infraction n’est pas constituée. Selon ses dires, l’élément matériel manque à la constitution de l’infraction car, aux termes de l’article 613-3, les mots utilisés pour qualifier celui qui se rend coupable d’abus de confiance sont « détourner et dissiper ». Et pour lui, le parquet n’a aucune preuve que le véhicule a été dissipé ou détourné.
Par ailleurs, si le Tribunal a demandé le renvoi pour s’assurer que son client avait bel et bien fait la déclaration selon laquelle il avait été victime d’une attaque, c’est pour s’assurer de sa bonne foi, a-t-il ajouté. Maintenant que cela est avéré et qu’il a même produit au Tribunal une copie de ses frais médicaux, cela prouve bel et bien que ses déclarations ne sont pas erronées.
Toujours selon ces dires, le parquet est allé trop loin dans ses propos, insinuant que son client est allé livrer le véhicule aux terroristes. « Ce n’est pourtant pas la première fois qu’on voit ou entend que les terroristes ont fait cela », a-t-il fait constater. Pour lui, KN a peut-être fait preuve d’imprudence. « Cette affaire peut être réglée autrement avec la victime, mais pas pénalement » a-t-il lancé, plaidant ainsi que le Tribunal déclare l’infraction non constituée ; subsidiairement, que son client soit relaxé au bénéfice du doute ; ou qu’il bénéficie d’un sursis, au cas où le Tribunal estime qu’il mérite d’être maintenu dans les liens de la prévention.
Prenant la parole par la suite pour son dernier mot, le prévenu a formulé des excuses à l’endroit de la victime et souhaité la clémence du Tribunal. Le verdict est attendu pour le 4 décembre 2024.
Erwan Compaoré
Hanifa Koussoubé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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