Rappelé à Dieu le 10 novembre 2024, Mgr Jean-Marie Untaani Compaoré a été inhumé ce 16 novembre 2024 dans le caveau de la paroisse Cathédrale Notre-Dame de l’Immaculée Conception de Ouagadougou.
Pour le journaliste Adjima David Thiombiano, c’était un homme fortement attaché à la région de l’Est, notamment Fada N’Gourma dont il fut l’évêque. C’est d’ailleurs de cette région que lui vient le nom royal et pastoral « Untaani », en référence à son charisme.
Untaani et Fada, c’est une histoire d’amour. Un réflexe qui témoigne de ce fort attachement à la région de l’Est, c’est l’anamnèse chantée en gulmancema, l’acte d’invite à la communion au banquet de l’Agneau. Il lui arrivait de l’entonner partout où il officiait une messe, et même hors du Burkina Faso, peu importe le public qui assistait à l’office :
« Li pamanli ye kelima utienu yinti tin je o deni… », c’est-à-dire : « Heureux les invités au repas du Seigneur… ». La communauté diocésaine de Ouagadougou l’aura sans doute remarqué dans ses célébrations, particulièrement dans les premiers moments qui suivirent son intronisation sur le siège métropolitain de Ouagadougou le 3 septembre 1995.
Depuis ce 9 novembre, avec les yeux de la foi, je l’imagine qui entonne ce bel hymne qui invite l’assemblée des saints au banquet céleste.
S’il faut résumer la vie de l’homme de Dieu, quelques trois mots suffisent : le rassembleur, le bâtisseur, le disciple du Christ qui proclame l’évangile de l’Amour et du Développement.
Le « rassembleur ». Ce charisme est puissamment exprimé en gulmancema. Ça donne le nom royal et pastoral « Untaani ». La communauté diocésaine de Fada l’accueille le 23 septembre 1979 comme son deuxième évêque avec ce nom programme. Mgr Jean Marie COMPAORE l’aura bien porté depuis ce jour et ce jusqu’à sa promotion céleste ce 9 novembre.
Dans un contexte de fortes rivalités et déchirements entre moose et gulmanceba, au sein de l’Eglise diocésaine, mais aussi dans la vie civile ordinaire, le bon Pasteur a su trouver les mots justes et les approches pertinentes pour construire une communauté fraternelle, unie et vivante qui transcende les clivages ethniques : Dans son verbatim, on ne parlait pas de chorale des gulmanceba, de chorale des moose mais plutôt de chorale gulmancephone, de chorale moorephone et de chorale francophone.
Des messes uniques étaient organisées lors de grandes solennités et permettaient aux deux ou trois chorales, et à toute la communauté de célébrer Dieu dans un chœur joyeux. C’est une dimension de l’Eglise-Famille en marche dans le Gulmu. Untaani était donc d’un sens profond : rassembler pour bâtir et l’Eglise, et le Pays et la Nation.
Le bâtisseur. Mgr Untaani avait la passion de bâtir. Evangéliser c’est proclamer la Bonne nouvelle du Salut mais c’est aussi promouvoir le développement de l’homme et de tout homme, et ce conformément à la doctrine sociale de l’Eglise.
Il proclamait ainsi l’évangile de l’Amour et du Développement, à la suite du christ qui sauve les âmes, qui guérit les corps, qui redonne la vue aux aveugles, qui fait marcher les personnes handicapées, qui donne l’eau à boire à ceux qui ont soif, qui opère la multiplication des pains pour nourrir la foule, qui ressuscite les morts et qui annonce l’espérance aux affligés.
Il proclamait la foi avec des œuvres : le Centre Mariam Jualy, la salle de cinéma de la mission, le projet forage, le centre de réhabilitation des personnes handicapées, les centres de couture pour jeunes filles… Il va offrir à la jeunesse une salle de cinéma et d’animation culturelle pour accompagner leur formation humaine et citoyenne, il va créer radio Tamba (la radio qui rassemble) ainsi que le Centre audiovisuel diocésain de Fada (CAVDIFA), et cette passion des médias va se poursuivre à l’archidiocèse de Ouagadougou en 1995 avec la création de TV Maria.
Que de vies n’ont-elles pas été marquées par le ministère épiscopal de Untaani ? Personnellement son intronisation à Fada ont profondément marqué mon enfance : c’était la première grande manifestation à laquelle j’assistais de ma vie avec tant de monde, tant de guitares traditionnels, tant de tam-tams, tant de ferveurs. Président diocésain des cœurs vaillants et âmes vaillantes (CV-AV) de 1991 à 1994, avec comme aumônier l’Ab Théophane TINDANO et Sœur Séraphine NABALOUM, nous n’avons pas manqué auprès de Mgr Untaani de ressources nécessaires et d’impulsions fortes pour faire vivre l’apostolat des enfants et l’apporter à son âge d’or dans la région de l’Est avec comme point d’orgue l’organisation de Arc-en-ciel 92 qui a réuni les enfants de toutes les paroisses du diocèse dans l’émulation créative, dans la manifestation d’une foi vivante, avec des participations du Niger, de Cote d’Ivoire et des diocèses sœurs de Koupéla et de Ouagadougou.
Monseigneur Untaani, maintenant que tu achèves ton pèlerinage terrestre entre dans la félicité céleste.
Li pamanli ye kelima utienu yinti tin je o deni…, ‘N’diero mii naani ke a baa kua n naano ni, die an maadi maayemma ke n’naano baa ba lafia !
Adjima David Thiombiano
Source: LeFaso.net
Commentaires récents