L’agriculture biologique se définit comme une agriculture respectueuse de l’environnement, qui n’est pas compromettante pour la santé des populations et qui ne fait pas appel à l’utilisation des pesticides et engrais chimiques. Elle obéit à une certification et est pratiquée au Burkina Faso depuis maintenant une trentaine d’années. Même si le recours aux pesticides chimiques est une pratique qui a la peau dure, la pratique de l’agriculture biologique gagne de plus en plus le cœur des producteurs et les consommateurs sont de plus en plus friands de produits bio. Dans cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, Wendinso Ouédraogo, secrétaire général du Conseil national de l’agriculture biologique (CNABio), revient sur les enjeux de la pratique de l’agro-écologie aussi bien pour les producteurs que pour les consommateurs.
Lefaso.net : l’agriculture biologique promeut la non utilisation des intrants chimiques, quelles sont donc les perspectives proposées aux producteurs ?
Wendinso Ouédraogo : les alternatives proposées aux producteurs sont multiformes. Lorsque l’on considère les produits de traitement, nous avons mis au point des insecticides naturels qui sont faits à partir des plantes que l’on retrouve dans l’espace de production. Ces insecticides repoussent les insectes des cultures. Pour ce qui est des engrais, nous apprenons aux producteurs comment fabriquer leur propre compost avec des matériaux issus de tout ce que l’on peut retrouver comme débris végétaux comme la déjection animale. Ces engrais sont très propices pour nourrir les sols. L’expérience a montré que ce sont ces engrais organiques seuls, qui ont cette capacité de redonner au sol sa fertilité d’antan, ce que les engrais chimiques ne font pas.
Quels sont les avantages que présente l’agriculture biologique pour les producteurs ?
Les avantages sont sous diverses formes. En ce qui concerne les sols, là où on produit bio, le sol retrouve sa santé. Quand vous prenez un sol où l’on n’a mis que de la déjection animale, ce sol peut produire durant deux à trois ans, sans autre apport d’engrais chimique. Egalement, la biodiversité est préservée grâce à la production biologique. Du point de vue sanitaire, quiconque consomme des produits biologiques, consomme des produits sains. Ce sont des produits issus de nos plantations et qui n’ont pas subi de traitements chimiques. Du point de vue organoleptique de ces produits, le goût est très différent des produits sur lesquels l’on a pulvérisé des insecticides. En plus, lorsque vous consommez les produits biologiques, vous garantissez votre santé. Ce qui vous éloigne de la maladie et vous permet de préserver vos ressources. L’alimentation de qualité joue sur la santé et vous évite les maladies.
Existe-t-il des contraintes ou des difficultés dans la pratique de l’agriculture biologique ?
Il faut souligner qu’une agriculture nouvelle comme celle-là ne peut se faire sans la moindre difficulté. Les difficultés se situent au niveau de la mise à niveau des intrants de fabrication du compost. Mais dans notre conception, un producteur doit aussi être un éleveur. Malheureusement nous constatons que les gens ne veulent pas concilier ces deux activités. Ce qui fait que quand tu demandes à un producteur qui n’élève pas d’avoir de la déjection animale pour produire le compost, il va trouver que c’est plus facile pour lui d’aller payer l’engrais organique qui est au marché peu importe le coût. Parlant des produits de traitement, c’est une difficulté parce que les producteurs sont habitués à la facilité. Quand je parle de facilité, c’est le fait d’utiliser des produits chimiques directement pris sur le marché sans connaître forcément leurs conséquences. Non seulement certains ne savent pas bien utiliser ces produits, ils ne savent pas à quel moment la plante en a besoin et du coup son utilisation incontrôlée va conduire à des difficultés en matière de santé. Voilà autant de difficultés auxquelles nous sommes confrontés sur le terrain. Mais avec la sensibilisation et les formations opérées en milieu paysan, les producteurs arrivent de plus en plus à respecter l’itinéraire technique de l’agriculture biologique sans difficulté et nous rencontrons aujourd’hui des organisations qui produisent bio et qui arrivent même à exporter.
Quelles sont les initiatives que vous prenez pour amener les producteurs à adopter l’agriculture biologique ?
Ces initiatives se situent à différents niveaux. Lorsque je prends par exemple une exploitation où les producteurs sont appelés à commercialiser les produits des champs, il faut bien qu’ils trouvent leur compte. Faire de l’agriculture biologique c’est allier l’économie à l’écologie, il faut que le travail puisse nourrir son homme. Pour cette raison, quand vous voyez les produits bio sur le marché, il y a une plus-value, comparée aux produits déversés sur nos marchés et qui n’obéissent à aucun principe de production. Ceux qui sont dans la production savent que les produits bio, nourrissent leur homme.
Certains consommateurs trouvent les produits bio hors de portée à cause de leurs prix, que répondez-vous à cela ?
Les produits bio sont certes un peu plus chers, mais tout cela est fonction de la manière de produire et de mobiliser les intrants de production. Quand on regarde au finish, c’est le consommateur qui gagne en fin de course. Quand vous prenez quelqu’un qui fait fi de la bonne façon de produire et qu’il se retrouve à l’hôpital, cela sous-entend que tout ce qu’il a passé le temps à amasser comme ressources financières va rentrer dans les ordonnances. Il peut recouvrer la santé dans certains cas mais dans d’autres cas beaucoup de producteurs en fin de course n’échappent pas à la mort. Contrairement à celui qui a produit bio, même s’il a eu une petite quantité, non seulement il va vendre un peu plus « cher « . Il faut dire aussi que dans bien de cas, les gens ne vont pas à l’information, ils restent chez eux pour dire qu’ils entendent dire que les produits bio sont chers. Les prix sont accessibles, comparés aux produits pleins de toxicité.
Est-ce que de votre avis l’agro écologie peut contribuer à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire au Burkina Faso ?
Ce qui est reconnu mondialement c’est que l’agro écologie nourrit son homme, par le fait que si nous réussissons à nourrir suffisamment nos sols, nous avons en retour les retombées. L’un des principes majeurs de l’agro écologie adopté par la stratégie nationale de l’agro écologie, c’est faire en sorte que nous puissions aller à l’autosuffisance alimentaire avec l’agro écologie. Donc tout le paquet technologique que nous allons mettre au point, concourt réellement à aller vers cette autosuffisance.
Un dernier mot ?
Nous invitons la population à se démarquer des produits chimiques pour une question de santé. Ainsi nous travaillerons à protéger notre santé, l’environnement, la biodiversité et en retour nous aurons nos sols qui deviendront productifs avec les intrants organiques.
Armelle Ouédraogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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