Les Jeux Olympiques de Paris 2024 se tiendront du 26 juillet au 11 août 2024, en France. Huit athlètes burkinabè vont défendre les couleurs nationales. Dans cette interview, Gustave Taro, journaliste à la radio nationale, à la retraite depuis six mois, donne son analyse sur les chances des Burkinabè à cette compétition. Actualité oblige, il se prononce aussi sur le tirage au sort des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nation (CAN) 2025. Professeur d’éducation physique et sportive (EPS), devenu journaliste, Gustave Taro, raconte comment il est arrivé dans le métier du journalisme.

Lefaso.net : Vous êtes à la retraite depuis six mois maintenant. Comment se passe votre nouvelle vie de retraité ?

Gustave Taro : Pour l’instant, je ne me sens pas au repos parce que il y a beaucoup d’activités auxquelles je suis associé au niveau du sport. Je suis sollicité pour certaines activités en tant que maître de cérémonie. Sinon elle est paisible parce que j’ai la santé.

Comment êtes-vous arrivé dans le journalisme ?

C’est un situation atypique parce que je ne suis pas journaliste de formation. Je suis professeur d’éducation physique et sportive (EPS) de formation. Lorsque je suis venu à Ouagadougou pour mon concours professionnel, au moment où nous étions en formation, la radio Canal Arc-en-ciel venait d’ouvrir au début des années 1990. A l’ouverture de cette radio, ils ont demandé des volontaires pour l’animation de la plage sportive de la radio. Un ami, aujourd’hui inspecteur de l’enseignement secondaire à Ouahigouya, m’a mis dans le bain. Il était le présentateur titulaire de cette plage sportive qui intervenait tous les lundis, de 12h45 à 13h et les vendredis à la même heure. Un jour il m’a demandé si je pouvais l’appuyer.

En son temps, il n’était pas possible d’avoir l’internet comme aujourd’hui pour préparer le journal. Nous étions obligés d’écouter Radio France internationale (RFI) et d’enregistrer pour compléter l’information internationale. Lorsqu’on a fini l’école, j’ai été affecté au Lycée Vénégré de Ouagadougou comme professeur d’EPS. Comme les cours finissaient aux alentours de 10h, j’avais le temps de préparer le journal de 12h45. En 1998, j’ai été affecté au ministère des Sports comme responsable du service du sport coopératif.

Il se trouvait que le regretté, le ministre Kilimité Hien, qui était au ministère de Sport est passé au ministère de la Communication. Lors d’un conseil des ministres, il a demandé au ministre Réné Emile Kaboré ce que je faisais comme fonction. Il lui dit qu’il a besoin de moi pour donner un souffle nouveau au journalisme sportif. Ayant eu l’avantage d’être formé dans le domaine du sport, c’était encore facile de comprendre et de faire de bon rendu des évènements sportifs. Il a demandé qu’on me détache du ministère pour m’amener à la radio nationale. C’est ainsi que je me suis retrouvé à la radio comme journaliste.

Sans formation académique dans le domaine du journalisme, comment êtes-vous arrivé à vous adapter ?

Là où il y avait la difficulté, c’était la question de technicité journalistique. N’ayant pas fait une école de journalisme, à un moment donné, j’avais des difficultés au niveau des genres journalistiques comme les comptes rendus. Certes, nous avons des termes sportifs mais il fallait savoir les utiliser dans le rendu de façon professionnelle. Mais en côtoyant les aînés comme Daba Kini, Victorien Marie Hien, Siriki Dramé, les regrettés Issaka Ouédraogo, Yannick Laurent Bayala, Gabriel Barrois et autres, nous avons gagné en expérience. Ils nous ont accompagné pour donner le meilleur de nous-mêmes. Ayant la prédisposition de connaître le milieu sportif et les acteurs du sports, la tâche n’a pas été difficile.

A vous entendre, vous n’aviez jamais envisagé de devenir journaliste ?

Je n’ai jamais pensé à être journaliste.

Peut-on dire que vous êtes arrivé par accident alors ?

Je ne pense pas que c’est par accident. Le fait qu’on parlait exclusivement de sport, cela nous a plus ou moins facilité la tâche. Un professeur d’EPS qui parle de sport et un journaliste sportif, je pense qu’il n’y a pas de différence. Nous sommes mêmes plus aisés pour le rendre. Mais il y a la question de la formation qui peut poser problème entre les deux parce que le professeur d’EPS n’a pas les connaissances techniques de la pratique journalistique. Étant sur place, j’ai eu la chance d’avoir des formations pour me permettre d’être au rendez-vous.

Avez-vous des regrets d’avoir abandonné votre profession de professeur d’EPS ?

Pas du tout ! J’ai l’habitude de dire aux gens que je n’ai pas changé de métier, j’ai changé juste la forme de l’exercer. Le journalisme sportif m’a permis de continuer à parler de sport sous une autre forme. Au delà du rendu des évènements sportifs, nous avions la possibilité de traduire le règlement au public, de parler des différents règlements. J’ai juste changé de manière d’enseigner.

Qui sont ceux qui ont été des modèles inspirants pour vous dans le monde des journalistes ?

Avant d’arriver au milieu du sport, il y avait Daba Kini. C’était un aîné qui était aussi professeur d’EPS. Il avait de très bons rendus aussi alors qu’il n’a pas fait une école de journalisme. C’est un exemple qui m’a beaucoup inspiré. L’autre déclic, la RTB avait une équipe de volley-ball en son temps pour se donner de la visibilité. Cette équipe prenait part à des compétitions organisées au niveau national. Il y avait beaucoup d’aînés qui nous ont donné cet amour du métier rien qu’en les écoutant.

En comparaison avec vos confrères des chaînes internationales, il y a une opinion qui tend à dire que vous avez encore beaucoup à apprendre dans les commentaires des matchs. Est-ce que vous comprenez ces critiques ?

Il faut savoir qu’il n’y a pas d’école de journalisme sportif au Burkina Faso. Tous les journalistes qui sont là, ils sont venus par amour. Ils n’ont pas été spécifiquement formés au sport. Vous savez bien que la manière de collecter une information sportive est différente de celle politique. Le sport, il faut de la passion, c’est le plus important. Tout le monde fait pratiquement du journalisme sportif. Le sport est tellement particulier, qu’il faut connaître les B.a-ba. Pour le football, ça va encore mieux. Mais ce n’est pas forcément le cas pour les autres disciplines sportives. Il n’y a pas de journalistes spécialisés dans les différentes disciplines au Burkina Faso. Tout le monde fait du tout. Alors qu’en Europe, cette affaire de spécialisation ne se pose pas. Ils sont dans la boxe, volley-ball, basket-ball, cyclisme et autres. En Europe, les journalistes spécialisés ont les moyens de suivre l’évolution de leurs disciplines.


Quels sont les grands évènements que vous avez eu à couvrir et qui vous marquent encore ?

Les émotions des grands évènements, j’en ai eu. J’ai fait la CAN au Gabon, en Guinée Équatoriale, l’Égypte et le Maroc avec des clubs. On éprouve un sentiment patriotique lorsqu’on accompagne l’équipe nationale surtout si elle avance bien dans la compétition. Je me rappelle qu’en Guinée Équatoriale où les Étalons ont été battus lors de leur premier match, au moment où on sortait du stade, j’ai rencontré un taximan. Il me demande si c’est le Burkina Faso, je lui ai répondu par l’affirmative. Je pensais que c’était pour nous encourager. Il me dit que donc c’est vous qui avez tué Thomas Sankara ? Une situation qui n’a rien à voir avec le football mais il me l’a lâché quand-même. J’ai été beaucoup plus marqué par la seconde place des Étalons à la CAN 2013 en Afrique du Sud. Ce sont des souvenirs qui nous restent pendant toute la vie.

Il y a beaucoup de jeunes qui rêvent de faire carrière dans le journalisme sportif comme vous. Comment ils doivent s’y prendre pour réussir dans ce métier ?

Je leur dirai de ne pas hésiter parce que c’est un métier qui a de l’avenir. Aujourd’hui, il y a un engouement des jeunes vers le journalisme sportif. Le sport est appelé à évoluer et on ne peut pas le faire sans un accompagnement des journalistes, des communicateurs. Nous sommes très heureux qu’il y ait beaucoup de jeunes qui optent pour le journalisme sportif. Il faut qu’au niveau des politiques, des rédactions, des directions des médias, on pense à les former dans le domaine du sport. Cela peut nous amener à la spécialisation. Au delà du compte rendu, il faut savoir qu’on apprécie un journaliste sportif sur la qualité de ce qu’il peut apporter au public à travers ses commentaires. On peut vous suivre dans la critique si vous n’avez pas les mêmes connaissances que celui qui vous suit, écoute ou lit. Si nous sommes au même niveau que le supporteur qui est venu pour applaudir et porter les mêmes critiques qu’il peut porter, cela n’est pas évident que vous soyez très bien apprécié. La formation est vraiment indéniable.

Le tirage au sort des éliminatoires Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025 est connu. Le Burkina Faso est logé dans le groupe L en compagnie du Sénégal, du Malawi et du Burundi ? Quelle est votre appréciation de ce groupe ?

J’aime dire que le football est la discipline qui est difficilement malléable. Toutes les équipes ont cette possibilité d’aller à la CAN. Nous avons vu le comportement du Cap-Vert qui n’était pas annoncé comme une grande formation mais qui a crée des problèmes à des équipes. Dans le groupe du Burkina, il faut savoir aussi que le Malawi nous avait déjà créé des problèmes en qualification de la CAN. Le Burundi, on ne connaît pas très bien, n’ayant pas eu l’occasion de prouver sa qualité de prestation au niveau continental. Dans tous les cas, je ne vois rien d’autre que la qualification du Burkina puisqu’on veut deux équipes. Les deux équipes en forme sont le Sénégal et le Burkina pour ce qui est de la performance sur le papier et la qualité des hommes. Quoiqu’on dise, le Burkina a des joueurs qui jouent dans des clubs assez intéressants qui peuvent faire le travail. Mais il faut qu’on reste solidaires parce que ces dernières années ou mois ne permettent pas à notre football d’évoluer. Comme on ira bientôt pour les élections au niveau de la Fédération burkinabè de football (FBF), je suppose que les nouveaux dirigeants vont prendre en compte cette volonté de l’union sacrée.

Les Jeux olympiques (JO) se tiendront dans quelques jours à Paris, en France. Des athlètes burkinabè seront de la partie. Quelles sont les chances des Burkinabè dans cette compétition qui démarre le 26 juillet ?

Pour le Burkina, nous avons une forte chance de médaille avec Hugues Fabrice Zango. Nous avons peut-être une chance de médaille avec Marthe Koala et éventuellement en taekwondo aussi. Le Burkina va avec huit athlètes pendant qu’il y a une armada d’Américains et d’autres pays qui arrivent. Nous ne sommes pas les mieux lotis en termes de présence mais je pense que le Burkina va se réjouir.

Six moins déjà que vous êtes à la retraite, est-ce que le micro vous manque ?

Pas encore. Je suis toujours dans le micro. Je fait la maîtrise de cérémonie de certains évènement sportifs d’envergure et autres. Pour l’instant, le micro ne me manque pas.

Interview réalisée par Serge Ika Ki

Lefaso.net

Source: LeFaso.net