« Un scientifique ne meurt jamais. Il reste vivant à travers ses oeuvres » dit l’adage populaire. Ce samedi 7 juin 2024, les anciens étudiants du Pr Fernand Sanou ont tenu a lui rendre hommage, en lui dédicaçant à titre posthume, une oeuvre qui retrace l’ensemble de ses écrits. Composé de trois parties, « Sociologie de l’éducation », qui est le titre de l’oeuvre, relate les sciences humaines, l’éducation et le développement. Au delà de la portée scientifique qu’aura ce document, pour les auteurs de ce livre, la rédaction de cette oeuvre peut servir de guide aux autorités pour une bonne gestion de la cité.
« Je suis en train de faire le point de ma vie. J’aimerais savoir où vous en êtes avec le projet du livre. Êtes-vous suffisamment avancés, ou non ? Si entre temps vous avez renoncé, ou si vous n’avez pas progressé, je peux tout à fait comprendre, car cela demande vraiment beaucoup de temps. Je n’ai moi même pas eu ce temps durant toute ma carrière. Si, compte tenu de vos occupations professionnelles, vous aussi manquez de temps, je vous comprends. Je voulais juste prendre de vos nouvelles. Le vieux est fatigué. Il ne voit plus d’utilité sur cette terre. J’ai envie de rejoindre mon épouse décédée en 2011. J’ai besoin de me reposer à ses côtés. »
- Le livre coûte 10 000 francs CFA. Il sera disponible dans les jours à venir dans les presses universitaires et librairies
Ces mots du Pr Fernand Sanou ont été adressés au noyau qui s’était donné pour tâche de lui rendre hommage, en remettant à la lumière du jour, ses différents textes. C’était les 1er et 2 mai 2020. Un mois plus tard, soit le 4 juin 2020, au moment même où ce même noyau se regroupait pour accélérer les choses, un des leurs leur annonçait que « Le vieux », comme l’appellent affectueusement ses anciens étudiants, avait rendu l’âme. « C’était un coup dur parce qu’on s’était réunis pour accélérer le processus de rédaction du livre, qui avait débuté depuis un bon bout de temps. On parle d’une quinzaine d’années » s’est exclamé Dr Abdramane Berthé.
- « Des nombreux témoignages, il ressort qu’une fois en Europe pour les études, les Burkinabè étaient les meilleurs. Et la solidité de notre formation tient en bonne partie grâce au Pr Fernand Sanou », Dr Abdramane Berthé
Après son décès, l’équipe décide de se remettre au travail, en élargissant le nombre de personnes pouvant intervenir pour la concrétisation du projet. C’est ainsi que des anciens étudiants de depuis la promotion 1997 jusqu’à celle de 2013, y ont mis la main à la pâte. Ce samedi 8 juin 2024 marque donc l’aboutissement d’un exercice difficile mais nécessaire, et dont le contenu se résume en un document 515 pages, structuré en trois parties : la première parle des questions épistémologiques en Sciences humaines et sociales (SHS). La deuxième relate l’éducation. La troisième, le développement. La préface a été rédigée par Pr Alkassoum Maïga. La postface, par Pr Ran Christophe Sawadogo.
- « Je suis le premier étudiant du Pr Fernand Sanou, a avoir soutenu entièrement son master à l’Université de Ouagadougou », Pr Alkassoum Maïga
Cette cérémonie a été l’occasion pour ces anciens étudiants de témoigner de ce que le défunt représentait pour eux. Sociable, travailleur, aimant, philosophe, fervent défenseur des sciences humaines, homme engagé pour la culture, bon politique, etc. « ces rejetons scientifiques qui se comptent par centaines voir par milliers » n’ont pas tari d’éloges à l’endroit de leur « maître. » « C’était à la fois un enseignant, mais aussi un papa. Il a su nous transmettre des connaissances et des valeurs. Tout cet héritage nous sert aujourd’hui et nous avons la lourde tâche de le promouvoir » a laissé entendre Dr Abdramane Berthé.
- Une vue du noyau qui a débuté le projet avant de l’élargir aux autres étudiants
« Après ma soutenance, il a demandé à mes parents de venir le voir chez lui, avec moi. Mon père m’a demandé si c’était courant qu’un enseignant fasse ça. Je lui ai répondu que je n’avais jamais vu ça auparavant. Arrivés chez lui, il a dit à mes parents qu’il n’était pas sûr qu’ils avaient les capacités de me faire poursuivre mes études, mais qu’ils avaient l’obligation de le faire. Au sortir de chez lui, mon père m’a dit que « Le vieux » ne lui avait même pas demandé combien d’enfant il avait. Comme si j’étais son seul enfant qu’il devait prendre en charge (rires dans la salle)… Quand je suis passée maître de conférence, il m’a appelée à 21h, pour me féliciter. Il m’a dit combien il était fer qu’une de ses étudiantes atteigne le même grade que lui, et qu’il pouvait partir en paix » s’est remémorée Pr Valérie Rouamba, directrice du laboratoire national genre et développement.
- « Je dois en grande partie, mon parcours au Pr Sanou », Pr Valérie Rouamba
« Au début des années 2000, lorsqu’une amie de l’université de Genève m’a demandé de l’aider pour avoir un membre du Burkina Faso pour son jury de thèse en science de l’éducation, ce fut naturellement vers le Pr Fernand Sanou que je me suis tournée. Il m’a donné séance tenante son accord, quand je suis allée lui soumettre la requête. La soutenance s’est tellement bien passée, que l’amie devenue enseignant chercheur et Pr Sanou sont devenus de grands amis et de grands collaborateurs scientifiques » a témoigné Dr Alexis Kaboré.
- « A quelques exceptions près, le Pr Sanou a formé tous les enseignants chercheurs du département de sociologie », Dr Alexis Kaboré
« Quand je suis arrivé en Egypte pour les études, c’était difficile. J’étais avec son fils, et on lui expliquait tout le temps combien c’était difficile là bas, avec les arabes. Il nous encourageait et nous disait que c’était ainsi qu’on allait bien apprendre la vie… Quand je suis revenu pour mon mariage, il a tenu à envoyer une grosse enveloppe avec beaucoup de bouteilles de vin pour la célébration de mon mariage (rires dans la salle). Ça m’a marqué… Quand j’étais candidat en 2020, il n’était pas là, mais j’ai eu la contribution de ses enfants qui m’ont dit qu’ils étaient convaincus qu’il l’aurait fait, s’il était là » a souligné l’ancien député, Dr Patrice Kouraogo, par ailleurs chercheur au Centre national pour la recherche scientifique et technique.
- Dr Philippe Sanou, fils aîné du Pr Fernand Sanou est médecin et titulaire d’un master en développement option santé internationale de l’Université Senghor d’Alexandrie
Pour son fils, Dr Philippe Sanou, c’est un honneur de voir la communauté scientifique rendre hommage à son père. « Nous vous remercions grandement pour ce qui a été fait. Le lendemain du décès de notre papa, nous avons dit que nous ne savions pas que nous étions autant nombreux, nous qui pensions qu’on n’était que trois. Finalement il va falloir qu’on se cherche et qu’on se retrouve pour faire la photo de famille (rires dans la salle). Vous nous montrez aujourd’hui qu’on n’est pas seuls. Et au nom de la famille Sanou, nous voulons vous dire, merci, merci, merci, mille fois merci » s’est-il exclamé.
Erwan Compaoré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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