Le lupus érythémateux systémique est une maladie chronique auto-immune, c’est-à-dire que le système immunitaire attaque ses propres tissus. Elle peut toucher tous les organes du corps humain : la peau, les articulations, les reins, les poumons, le système nerveux. Au Burkina Faso, environ une centaine de patients de cette maladie handicapante sont enregistrés et suivis dans les formations sanitaires. Avant de découvrir la maladie qu’ils portent, les patients de lupus passent par des mois, voire des années, d’errance médicale, tant la maladie est rare et peu connue sous nos cieux.

Il y a pratiquement 20 ans, Agnès Kiba découvrait qu’elle a le lupus. Mais avant de mettre un nom sur sa maladie, elle est passée par des mois d’errance, une année d’hospitalisation sans savoir de quoi elle souffrait réellement, malgré les différents examens. C’est en 2003, que le Pr Drabo du service de médecine interne du CHU Yalgado Ouédraogo soupçonnera un lupus. Pour confirmer son diagnostic, une prise de sang est réalisée et envoyée en Europe pour analyse. Les résultats confirmeront les doutes du Pr Drabo : Mme Kiba est atteinte de lupus. Elle sera suivie au service de médecine interne en attendant que le premier rhumatologue du Burkina Faso ne termine sa formation en 2006 pour prendre le relais.

Cette difficulté à diagnostiquer le lupus est l’histoire commune à tous les malades. Stéphane Simporé, malade du lupus, affirme qu’un patient de lupus subira généralement beaucoup de tests de sérologie du VIH/SIDA et de tests de diagnostic du paludisme parce que les symptômes du lupus font penser à ces maladies et à bien d’autres. « Une personne qui va passer cinq, six ans à tourner en rond avant qu’on ne diagnostique sa maladie, c’est difficile. Souvent on traite le paludisme, après le VIH/SIDA. Parmi nous, il n’y a pas quelqu’un qui n’a pas fait cinq à six tests de VIH/SIDA dans sa vie avant qu’on ne sache que c’est le lupus. Et ça c’est pour ceux qui sont en ville. Imaginez ceux qui sont en zone rurale. Vous allez faire toutes sortes de thérapies, on va accuser la sorcellerie et tout, avant d’en arriver au diagnostic, si vous avez la chance de ne pas mourir avant », souligne-t-il.

Stéphane Simporé, malade de lupus, plaide pour que le gouvernement rende gratuit l’hydroxychloroquine qui entre dans le traitement du lupus

Les manifestations du lupus sont en effet variées du fait qu’il touche différents organes. Selon Dr Aboubakar Ouédraogo, rhumatologue en service au CHU de Bogodogo, le lupus se manifeste sur la peau par l’apparition de tâches. Il y a également des manifestations rhumatologiques (arthralgies, arthrites…), des manifestations rénales, neuro-psychiatriques (confusion, hallucinations, neuropathie périphérique, convulsion, paralysie, etc.), des manifestations cardiaques et vasculaires, des manifestations respiratoires, hématologiques, digestives (anorexie, vomissements, nausées, pancréatite, perforation intestinale, etc.).

Cette méconnaissance du lupus par les professionnels de la santé, fait que les patients arrivent chez les rhumatologues alors que la maladie est déjà à un stade avancé, comme l’explique Pr Wendlassida Joëlle Zabsonré/Tiendrébéogo, cheffe de service de rhumatologie au CHU de Bogodogo et présidente de la Société burkinabè de rhumatologie. « La maladie n’est pas connue et les symptômes de la maladie ressemblent aux symptômes de beaucoup de maladies. Quand vous voyez quelqu’un qui maigrit, qui fait de la fièvre, qui a mal partout, aux articulations, on ne pense pas au lupus. On va se dire que peut-être c’est de la tuberculose, le paludisme, la dengue ou le VIH. Il y a beaucoup de malades, quand ils arrivent la première fois, on voit qu’il a fait quatre à cinq sérologies VIH, surtout avec les atteintes de la peau. Il y a beaucoup qui arrivent au stade de complications et c’est difficile », relate-t-elle.

Pr Joëlle Zabsonré/Tiendrébéogo, présidente de la Société burkinabè de rhumatologie, remercie le REMAPSEN/BF pour avoir initié la rencontre sur la question du lupus

Causes du lupus…

Le lupus, selon Dr Aboubakar Ouédraogo est dû à un mauvais fonctionnement du système immunitaire. Comme il l’explique, chaque humain possède un système immunitaire qui est comme une armée de soldats qui reconnaissent les microbes dans l’organisme et nous protègent des maladies. Le lupus érythémateux systémique est dû à un mauvais fonctionnement du système immunitaire. « Nos soldats censés nous défendre se rebellent et commencent à attaquer nos différents organes. Cela entraîne la destruction de certains tissus (articulations, peau, reins, etc.) et occasionnent d’importantes réactions inflammatoires.

Jusqu’à présent, on ne connaît pas encore, selon Dr Ouédraogo, les raisons pour lesquelles le système immunitaire se dérègle. Cependant, plusieurs facteurs environnementaux, génétiques et hormonaux seraient probablement en cause. En effet, selon Pr Zabsonré/Tiendrébéogo, des études menées aux Etats-Unis montrent que le lupus est très fréquent surtout chez les noirs. « Donc théoriquement, on s’attendrait à ce qu’en Afrique noire, le lupus soit courant, mais on n’a pas ces chiffres. Donc la question c’est que probablement, en plus de la génétique, il doit avoir l’environnement qui joue beaucoup dans la survenue ou le déclenchement de cette maladie », souligne-t-elle, rappelant que le lupus touche dix fois plus les femmes que les hommes et débute généralement entre 15 et 40 ans.

La douleur, un compagnon de tous les jours

Avoir le lupus, c’est vivre au quotidien avec la douleur qu’elle soit articulaire ou musculaire, les raideurs des mains au lever, la fatigue, etc. « On peut être réveillée à 5h, mais on quitte le lit à 8h. Le lupus est une maladie handicapante. Mais on prend la vie comme elle vient, on essaie de minimiser le mal », laisse entendre Mme Kiba.

Maladie chronique, la prise en charge du lupus se fait à vie. Malheureusement, le traitement n’est pas forcément à la portée du Burkinabè moyen. En effet, à en croire Agnès Kiba, qui est par ailleurs la présidente de l’Association Lupus Burkina, qui compte une vingtaine de membres, le traitement coûte en moyenne 50 000 FCFA par mois comprenant les médicaments et les examens. Avec un suivi régulier et une bonne observance du traitement, le patient entre en rémission et peut vivre correctement sans les symptômes de la maladie.

Agnès Kiba, présidente de l’association Burkina lupus explique que les patients passent par des années d’errance médicale avant de savoir de quoi il souffre réellement

C’est pourquoi, l’Association Lupus Burkina Faso plaide pour une réduction du coût du traitement. L’hydroxychloroquine est l’un des médicaments qui entre dans le traitement du lupus. Pendant la pandémie de covid-19, des patients ont fait des mois sans pouvoir se procurer ce médicament, car réquisitionné pour soigner les malades du covid-19. Il a fallu un fort plaidoyer de l’association pour que les patients puissent s’en procurer. Et plus tard, quand la pandémie perdait du terrain, ce médicament a été donné gratuitement aux malades du lupus. Pour Stéphane Simporé, c’est la preuve qu’avec de la volonté, le gouvernement peut rendre gratuit ce médicament pour les malades du lupus.

« En ce qui concerne la prise en charge du lupus, il faut que les autorités travaillent à rendre gratuit l’accès à l’hydroxychloroquine qui est un médicament de fond pour tous les malades du lupus. On a les moyens de la produire. Pendant le covid-19, on a vu que l’Etat burkinabè a les moyens de produire son hydroxychloroquine. Pourquoi on ne le produirait pas pour le rendre gratuit pour tout le monde ? Pendant le covid-19, quand on a dû taper du poing sur la table parce que l’hydroxychloroquine avait été réquisitionné, c’était devenu gratuit parce que l’Etat avait un stock qu’il fallait écouler. Si on veut rendre ce médicament gratuit, on peut le faire, c’est juste une question de volonté politique », assure Stéphane Simporé.

Communiquer pour mieux faire connaître la maladie

Selon une étude parue en 2023, en 2019, le Burkina Faso comptait 71 patients atteints de lupus érythémateux systémique. Ces chiffres, selon Dr Aboubakar Ouédraogo, sont probablement en dessous de la réalité au regard de la difficulté à diagnostiquer la maladie et de sa méconnaissance, même par les professionnels de la santé. Il convient donc selon la présidente de la Société burkinabè de rhumatologie Pr Joëlle Zabsonré/Tiendrébéogo, de communiquer sur la maladie. C’est pourquoi elle a tenu à féliciter la section Burkina Faso du Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (REMAPSEN/BF) pour avoir initié une rencontre sur le lupus.

Justine Bonkoungou

Lefaso.net


Photo Une : D.R. Planetesante

Source: LeFaso.net