À Djibo (province du Soum, région du Sahel), chaque kilomètre parcouru est synonyme de crainte. Dans cette zone, les terroristes posent des mines antipersonnel. Ceux qui croisent leur chemin sont victimes de leur barbarie. Par contrainte, certains habitants prennent le risque de voyager malgré tout.

Dans le mois d’avril 2024, les populations de Djibo ont pu souffler. Grâce au sacrifice consenti par les forces combattantes, la ville a reçu un important ravitaillement. C’est une opportunité pour certains jeunes. Ils ont été transportés dans des camions et ont profité de l’escorte pour se rendre à Ouagadougou. Après mûre réflexion, Sambo (nom d’emprunt) a décidé de suivre le convoi. Selon ses dires, il n’a pas été effrayé en empruntant la route. « Nous étions de nombreux jeunes dans ce convoi. On a été escortés par l’armée. Cela m’a rassuré », s’est-il remémoré.

Âgé de 32 ans, marié et père de deux enfants, Sambo a pris le risque de venir à Ouagadougou pour « arranger ses papiers », a-t-il confié. Depuis le mois d’août 2023, sa Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) a expiré. La ville étant sous blocus, l’administration est quasiment existante. Impossible donc de renouveler le document. Il a fait savoir que son extrait de naissance (l’un des documents exigés pour renouveler sa carte d’identité) a un problème. Il faut donc le résoudre. Il lui a été conseillé de se rendre à Ouagadougou ou à Ouahigouya pour y remédier. L’expiration de sa carte d’identité lui a causé des torts à plus d’un titre. « Lorsqu’on veut distribuer des vivres, la CNIB est exigée. Je suis obligé d’utiliser celle de mon épouse. J’ai été embauché comme superviseur pour un projet à Djibo. Les responsables du projet ont été dans l’obligation de me renvoyer parce que je n’avais pas de carte d’identité à jour », a dit peiné Sambo.

Sambo a affirmé avoir « déboursé 5 000 FCFA pour être transporté. Il y a des voyageurs qui ont dépensé entre 6 000, 7 000 et 7 500 FCFA » a-t-il révélé

Au nom de la famille

Sambo fonde l’espoir de renouveler au plus vite sa CNIB afin de profiter du prochain convoi en partance pour son Djibo natal. À la question de savoir s’il n’est pas angoissé de reprendre la route, il a répondu par ceci : « Je n’ai pas le choix puisque je ne suis pas venu ici pour rester. Que j’aie peur ou pas, je dois repartir parce que ma femme et mes enfants y vivent. Je suis maraîcher. Mon boulot se trouve là-bas également », a-t-il dit de manière catégorique.

Âgé de 24 ans, Pathé (nom d’emprunt) exerce un métier risqué pour un habitant de la localité. Il est chauffeur de profession. Il est un habitué des convois Djibo-Ouaga. Ce jeune chauffeur de camion transporte des marchandises pour ravitailler sa ville d’origine. Pathé a admis qu’il est angoissé à chaque fois qu’il emprunte cette route à cause des mines. Il dit également avoir échappé à des attaques terroristes. Il ne se laisse pas décourager pour autant et exerce toujours son métier, car « ma famille est toujours là-bas. On doit envoyer des marchandises, sinon elle ne va pas manger », a-t-il dit.

Pathé espère suivre le prochain convoi pour rejoindre sa famille

Une fois à Ouagadougou, Pathé y séjourne entre deux, trois ou quatre mois pour « chercher de l’argent ». Il poursuit son métier de chauffeur sur l’axe Ouaga-Dori. Ce travail périodique lui permet d’envoyer de l’argent à sa famille. Il est marié et père de deux enfants. Sambo et Pathé rêvent que Djibo retrouve sa quiétude d’antan afin que prenne fin la morosité économique.

Samirah Bationo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net