Il est le plus jeune journaliste burkinabè de l’histoire à avoir gagner la prestigieuse distinction des hommes de médias, le Super Galian, en 2019. Hugues Richard Sama, le talentueux journaliste à la plume d’or, de L’Observateur Paalga, est un prodige de l’Institut panafricain d’étude et de recherche sur les médias, l’information et la communication (IPERMIC) qui est passé par une série scientifique. Le journalisme dans l’âme, le rêve du jeune garçon s’est réalisé alors que ses parents souhaitaient le voir ailleurs, loin des scribouillards. Portrait du grand reporter du plus vieux quotidien privé du Burkina.

Orfèvre des mots, son nom figure sans doute dans le chapelet des grandes plumes de « L’Obs » malgré son jeune âge. De tempérament calme, le jeune garçon de 29 ans au teint d’ébène, a fait un parcours scolaire et universitaire sans faille. Bien souvent premier de sa classe ou parmi les meilleurs depuis le primaire, l’enfant de Pilimpikou (dans la province du Passoré) manie aussi bien la langue de Molière que les mathématiques d’Euclide.

Après son Brevet d’études du premier cycle (BEPC) en 2010, il a été contraint par ses parents à faire une série scientifique. Mais Hugues voulait faire une série littéraire dans l’espoir de devenir journaliste comme Laurent Sadoux de Radio France internationale (RFI) dont la voix a bercé son enfance. Mais que vaut sa volonté face à celle de ses parents à qui il voulait à tout prix faire plaisir. Sans rechigner et désobéir, il accepte le choix de ses parents pour faire la seconde ‘’C » au Lycée Marien N’Gouabi.

Polyvalent qu’il est, il est premier de sa classe pendant toute l’année scolaire. Une raison de plus pour le proviseur du lycée et ses parents de l’orienter en première ‘’C » contre son gré. Les chances de faire le journalisme s’amenuisent au regard de l’obstination de ses parents pour les études scientifiques. « J’ai envie de dire que c’était l’année la plus triste de mon cursus scolaire parce que je voyais toutes les portes se refermer devant moi », se souvient-il encore. Mais après cette première ‘’C », l’espoir revit, le fils de la sage-femme demande à.… renaître en série ‘’D ». « J’ai souhaité être réaffecté en Tle D pour me donner plus de chances parce qu’avec un baccalauréat C, on ne m’aurait pas permis de faire le journalisme. Le test du département de communication et journalisme exigeait un bac A ou D », raconte-t-il.

Hugues Richard Sama avec son trophée de WAMECA

Mais alors qu’il pensait être sur un boulevard qui le conduisait au journalisme après l’obtention de son baccalauréat D en 2013, il est une fois de plus confronté à une autre exigence. Il entame des études dans la filière banque et finances d’entreprise dans un institut privé de la place, pour le grand bonheur de ses parents qui souhaitaient le voir évoluer dans ce domaine. Grâce à une bourse obtenue, il commence dans cette école privée à Ouagadougou. Mais la passion du journalisme est irrésistible et forte à tel point qu’il n’arrive pas à s’en départir. Il abandonne les études en banque et finances d’entreprise pour la filière de sa vocation, le journalisme. Mais avant ce véritable « couteau suisse » aura eu le temps de terminer premier sur le plan national des épreuves écrites du BTS d’Etat en banque microfinances en 2015.

S’ouvre enfin la porte de son métier de rêve

La patience est un chemin d’or, dit-on. Hugues Richard Sama, malgré les nombreux bouleversements de calendrier scolaire, a toujours cru à son rêve et a été patient. Comme pour dire avec l’artiste ivoirien, Kérozen, « l’autre nom de Dieu, c’est le temps ». Avec le temps, la voie du journalisme s’ouvre enfin à l’ancien pensionnaire des écoles primaires Nakeb Zanga A et B de Ouagadougou. « Quand le test de recrutement de communication et de journalisme a été lancé, j’ai décidé de renouer avec mon amour premier qu’est le journalisme », nous a-t-il confié.

Sans se préparer, il décide quand-même de passer le test. Mais ses grandes qualités littéraires et sa culture générale sont de véritables atouts. « J’ai fait le test sans être préparé. Mais en réalité, je m’étais préparé pendant de nombreuses années sans m’en rendre compte. Je lisais tout ce qui me tombait entre les mains », soutient le jeune éditorialiste de « L’Obs ».

C’est véritablement en 2016 que son rêve s’est réalisé. En deuxième année au département de communication et journalisme, il décide de faire un stage à L’Observateur Paalga qui sera par la suite concluant pour lui. Tout est parti d’un reportage d’initiative personnelle pour le stagiaire. Son premier jour de stage, il a été envoyé sur le terrain pour couvrir une pénurie d’eau dans la capitale, en compagnie de deux autres journalistes, Ebou Mireille Bayala et Abdou Karim Sawadogo. Le stagiaire qu’il était, n’imaginait pas que ce baptême du feu, lui assurerait une place au soleil au sein du journal du doyen Edouard Ouédraogo.

« Généralement, on envoie les stagiaires dans les ateliers. Et moi par hasard, j’ai été amené à faire un papier d’initiative personnelle. Je me rappelle qu’on avait réparti les tâches, lorsque j’ai écrit ma partie et que j’ai remis à Abdou Karim Sawadogo, j’ai été surpris de voir qu’il n’a quasiment pas fait de corrections sur ce que j’avais envoyé », relate-t-il, derrière ses lunettes qu’il ne quitte jamais. Même le directeur de publication a salué le bon travail abattu par le stagiaire. En plus de ce papier, il a tapé dans l’œil de ses patrons avec des articles aussi bons les uns que les autres. De plus en plus, il gagne en confiance et donne de l’assurance à ses patrons grâce sa grande aisance rédactionnelle. Après le stage, le journal décide de l’embaucher. En octobre 2017, il signe son contrat en tant que journaliste professionnel à L’Observateur Paalga. Depuis ce temps, il pousse des racines dans ce qui a toujours été le creuset de formation de plusieurs icônes des médias.

Un média où l’essentiel n’est pas d’écrire mais de bien écrire

L’Observateur Paalga, ce journal connu pour la qualité de ses titres dont seuls ses journalistes ont le secret, est un nid de belles plumes. C’est l’une des raisons qui a attiré le journaliste Hugues Richard Sama vers ce canard, même s’il dit avoir découvert le journalisme par l’audiovisuel. Parmi ces grandes plumes dont Sama fait partie aujourd’hui, il s’est beaucoup inspiré des anciens du journal. Ousséni Ilboudo, Alain Saint Robespierre, Hyacinthe Sanou, Issa K. Barry sont, entre autres, les journalistes de « L’Obs » qui ont séduit Hugues par leurs merveilleuses plumes. « J’ai la chance d’être tombé dans un média où l’essentiel n’est pas d’écrire mais de bien écrire », affirme-t-il.

Même s’il entend dire qu’il a une belle plume, le journaliste garde toujours la tête sur les épaules. « Je ne me considère pas comme une belle plume. Je ne suis jamais satisfait de ce que j’écris. Je veux toujours m’améliorer. Une plume, c’est une quête permanente », a-t-il laissé entendre, ajoutant que la belle plume ne naît pas du jour au lendemain mais est plutôt la somme des vécus comme les lectures et autres. « Lorsque j’écris, j’essaie généralement de me mettre dans la peau du lecteur. Je me parle seul. Je répète les phrases comme si j’étais en train de lire. Parfois je retrouve certaines sensations et je veux que le lecteur, en lisant, retrouve les mêmes sensations », a-t-il confié.

C’est une astuce qui marche bien puisque les lecteurs se délectent toujours de son style plaisant. En réalité, ce style qui fait aujourd’hui la fierté du doyen des quotidiens privés du Burkina a été forgé pendant de nombreuses années à travers les lectures. En plus de nombreux romans, Hugues Richard Sama lit beaucoup la presse nationale et surtout celle française, qu’il dit adorer. « Dans le contexte actuel, cela ne fait pas bien de le dire, ce sont les médias de l’impérialisme si vous voulez. Mais j’apprends beaucoup en les lisant. J’aime lire Libération, Le Monde, Jeune Afrique, Le Point mais très souvent Le Canard enchaîné », a-t-il soufflé avant de déclarer que s’il y a un seul média où il aimerait travailler, c’est bien au Canard enchaîné dont le style correspond à son idéal de journalisme.

Sept prix remportés en sept ans de pratique

L’adage populaire selon lequel « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années » résume bien l’expérience professionnelle de Hugues Richard Sama. Lauréat du super Galian en 2019, la plus prestigieuse des distinctions des hommes de médias au Burkina Faso, il est le plus jeune journaliste de l’histoire à avoir remporter ce prix. C’était à 24 ans, seulement trois ans après ses débuts dans le journalisme. Dans son tableau de chasse, figurent trois autres prix Galian : ceux du meilleur reportage en catégorie presse écrite, un prix de l’Association des journalistes du Burkina (AJB), un prix du meilleur journaliste de l’Afrique de l’Ouest en catégorie santé et un prix de meilleur journaliste de l’Afrique de l’Ouest toutes catégories confondues.

« Hugues est un garçon humble qui a l’envie d’apprendre » Alain Robespierre, rédacteur en chef de l’Obs

En moins de dix ans de carrière, Hugues Richard Sama a inscrit son nom dans le livre d’or de la presse burkinabè bien que pour lui, la finalité de son travail n’est pas de remporter des prix. C’est une fierté pour son journal. Son rédacteur en chef, celui-là que Sama a remplacé comme grand reporter, est séduit par le talent de son journaliste. Pour Alain Zongo dit Alain Saint Robespierre, L’Observateur Paalga n’a pas eu tort de le nommer comme grand reporter. « On sent en lui l’humilité, l’envie d’apprendre. C’est un jeune qui pose beaucoup de questions, qui cherche à savoir », se réjouit -il. Pour ce grand éditorialiste de « L’Obs », « le jeune garçon » a des aptitudes techniques, intellectuelles et des qualités morales qui le prédisposaient à être grand reporter. « Nous sommes tous contents de ce qu’il a abattu comme travail », a laissé entendre celui qui fut lauréat du prix CNN.

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Malgré ses sept prix engrangés ainsi que d’autres nominations, le reportage de Douré (village situé dans la province de l’Oubritenga) qui n’a pas été primé, lui a valu plus que de l’or. Après avoir appris la pénible corvée des enfants de ce village pour rallier leur école à pirogue, le grand reporter de L’Observateur Paalga décide de vivre une journée avec eux comme il l’a fait avec les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), pour l’un de ses grands reportages, afin de toucher du doigt la réalité. Après la parution de l’article sur « ce chemin de croix » des enfants sur la route du savoir, de bonnes volontés ont décidé de construire une école dans le village pour mettre fin au calvaire des enfants. « Le jour de l’inauguration, le maire m’a invité et il m’a présenté à toute la population. C’était plus qu’un prix pour moi. C’est un reportage qui m’a valu plus que tout l’or du monde », a-t-il dit, avec le sentiment d’avoir été très utile.

« Ildaa, la fille du prisonnier ». C’était le titre d’un portrait réalisé par le journaliste qui lui a valu une volée de bois vert dans l’opinion. Le pêché du journal serait son manque d’humanisme et d’avoir jeté une jeune fille innocente en pâture. « On m’avait demandé de réaliser le portrait d’une fille qui avait été la première au baccalauréat série D. Dès que la Une a été publiée sur les réseaux sociaux, cela a créé un bad buzz à cause du titre de la manchette. Beaucoup ont estimé qu’on a exposé cette demoiselle. Ils ont dit que le journal a manqué d’humanisme en la jetant en pâture », se souvient-il. Au-delà du journal, raconte-t-il, certains s’en sont pris à sa personne. C’est une mésaventure qui lui a permis de comprendre davantage la responsabilité sociale du journaliste. En réalité cette tuile ne devait pas l’être autant mais l’auteur de l’article en a tiré leçon quand-même. « C’était une leçon pour moi. Je n’ai jamais eu l’intention de l’exposer. On a plutôt voulu mettre en avant le courage qu’elle avait pour se battre alors que son père était en prison. Elle a même dit que c’est à cause de cette situation qu’elle a vraiment décidé de se battre », a-t-il poursuivi. Son style est singulier, le personnage aussi.

Les journalistes de « L’Obs » sous le charme de la plume de leur collègue

« Il a une belle plume, son sacre au super Galian 2019 et ses nombreux autres prix, démontrent tout le talent qu’il a », témoigne Roukiétou Soma, journaliste à L’Observateur Paalga. Pour elle, son collègue Hugues Richard Sama fait partie des meilleurs journalistes du Burkina voire d’Afrique. « En lisant ses articles, on ne peut être qu’édifié. C’est avec plaisir que je lis ses articles. Je lui souhaite d’aller au-delà de ce qu’il a fait » .

« Hugues a une très belle plume » témoigne Roukiatou Soma

Aboubacar Dermé est aussi l’un des collègues du super Galian 2019. Tout comme sa collègue Soma, il est aussi sous le charme de la plume de son voisin de bureau. « C’est un collègue que j’apprécie beaucoup. Il s’en sort très bien en édito, compte-rendu et reportage », a-t-il déclaré, ajoutant qu’au-delà de la pratique professionnelle, Hugues est un très bon ami.

« En dehors du cadre professionnel, Hugues est un très bon ami » Aboubacar Dermé

Ashley Oueddouda est une stagiaire arrivée à L’Observateur Paalga au mois de juin 2023. Celle qui a connu Sama sur les réseaux sociaux, partage maintenant le même bureau avec le journaliste qui l’inspire beaucoup. « Avant d’arriver à L’Observateur, je lisais ses écrits. C’est un journaliste que j’apprécie beaucoup. Il est un modèle d’inspiration pour moi », a-t-elle confié. Et l’ancienne étudiante de l’Institut supérieur de la communication et du multimédia (ISCOM) de laisser entendre qu’Hugues est une fierté nationale. Lire la suite

Serge Ika Ki

Lefaso.net

Source: LeFaso.net