L’affaire qui oppose l’écrivain et enseignant de philosophie Adama Siguiré à la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B) et son secrétaire général Moussa Diallo a repris ce mardi 26 mars 2024.
A l’audience de ce jour, toutes les parties sont présentes. Les plaidoiries ont débuté avec la partie civile et les réquisitions ont été faites. Cette dernière réclame la somme de 2.500.000 fcfa au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ainsi que la somme de 10 millions fcfa chacune pour les deux victimes. Au pénal, elle dit s’en tenir à la réquisition que fera le parquet à ce propos. Ce dernier a, lui, plaidé pour une peine d’emprisonnement de 3 mois ainsi qu’une amende de 500.000 fcfa, le tout assorti de sursis.
L’audience de ce jour est exclusivement réservée aux plaidoiries. Dès l’entame du procès, le prévenu a tenu à faire un avant-propos. Il a souhaité que les plaidoiries soient dénuées de toute vulgarité car il se tiendra prêt à rétorquer si toutefois il se sent offensé. « Certaines fois, pendant les plaidoiries, il arrive que les avocats insultent le prévenu. Moi je tiens a dire que je ne voudrais pas que cela arrive parce que si un avocat m’insulte, je vais répondre » a t-il clarifié. Un avant-propos que le tribunal jugera normal, même si le parquet lui, a estimé que ce n’est nullement à lui de leur dire comment les plaidoiries doivent se tenir.
La suite des hostilités débutera avec la plaidoirie avec des avocats de la partie civile qui estime que toutes les infractions dans le cadre de ce procès sont constituées et que Adama Siguiré mérite d’être retenu dans les liens de la prévention. Concernant la diffamation, elle se fondera sur l’article 524-1 du code pénal qui dispose que : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé, est une diffamation. » Pour elle, la CGT-B est clairement indiquée dans les écrits du prévenu. Les preuves en la matière ne souffrent d’aucune ambiguïté car, jusque là, aucune preuve n’a été présentée au tribunal. Ni les éléments de preuves au sujet de la paresse, la médiocrité, etc ni ceux en rapport avec les fonds reçus par Moussa Diallo pour déstabiliser le pouvoir n’ont été présentés au tribunal » a soulevé Olivier Yelkouni
L’infraction d’injure publique elle, est prévue par l’article 524-2 du code penal, qui dispose que « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, est une injure. » Toujours selon Me Yelkouni, il n’y a aucun doute sur le fait qu’il y a injure publique. De ces dires, en écrivant que la CGT-B ne fait référence, « ni à la morale, ni la dignité…quelle est un syndicat excellant dans l’hypocrisie et la malhonnêteté… qu’elle mérite bien une prime pour son immoralité, etc, le prévenu ne fait rien d’autre qu’outrager et invectiver la CGT-B et Moussa Diallo.
Par ailleurs, étant donné que le prévenu place ces déclarations sous couvert du contexte sécuritaire, Me Somé lui, s’appuiera sur d’autres publications, toujours en lien avec le contexte de guerre pour attirer l’attention du juge sur deux faits. D’une part, il soutient que de la démarche du prévenu, personne d’autre ne doit tenir des propos contraires à la démarche de la transition. D’autre part, que la justice ne représente rien à ses yeux car de ces propres dires, « on ne fait pas la guerre avec les lois et la justice. On fait la guerre en violant les lois et la justice. » » Mdme la présidente, vous avez en face de vous un prévenu qui se croit investi d’une mission messianique. Il est venu pour délivrer le Burkina ; un prévenu qui estime qu’il n’est pas normal que quelqu’un puisse avoir un avis contraire à ce qu’il pense. Dans d’autres circonstances, il aurait pu bénéficier d’une liberté provisoire, mais au regard du fait qu’il est un délinquant primaire et qu’il n’y a même pas un début de repentir dans ses propos, je vous demande de ne même pas envisager cela » a-t-il plaidé.
Me Prosper Farama lui, reviendra sur le fondement sur lequel le prévenu se base pour se défendre : la logique. « En matière pénale, on ne déduit pas, on ne suppose pas, on ne conjoncture pas. En venant nous dire que le pays est en guerre, je n’ai plus de village, la CGT-B refuse de cotiser, donc elle est avec l’impérialisme, je ne vois pas en quoi est ce que ce raisonnement est juridiquement logique. Est ce que M. Siguiré sait combien de personnes n’ont plus de village dans ce pays ? » a-t-il questionné.
En outre, Me Farama s’est appesanti sur le combat de la CGT-B depuis sa création. Il estime que plusieurs acquis ont été engrangés par l’institution pour les travailleurs et même pour la bonne marche de la société burkinabè. « En foi de quoi, Adama Siguiré se réclame plus patriote que ces derniers là qui sont là depuis et qui se battent pour les burkinabè ?… Je terminerai en rappelant que nous sommes dans la semaine sainte. Sainte au vu du carême. Sainte au vu du jeûne. Je prie donc que vous (parlant des jurés) soyez inspirés pour rendre une bonne décision.
Pour le préjudice causé à la CGT-B, la partie civile a souhaité le paiement de la somme de 2 500 000 fcfa au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, ainsi que la somme de 10 millions fcfa pour chacun des prévenus. Au pénal, elle a jugé bon de s’en tenir à la peine que le parquet aura décidée.
Le parquet de son côté est revenu sur les mêmes éléments, tout en précisant que Adama Siguiré « a mis la vie des gens en danger ». « Ayez du recul sur les informations que vous recevez pour ne pas que les gens vous manipulent » a conseillé le procureur, avant de requérir à l’encontre du prévenu, 3 mois d’emprisonnement ferme et une âme de 500.000 fcfa, le tout assorti de sursis.
Pour l’heure, l’audience est suspendue.
Erwan Compaoré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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