Dans un communiqué en date du 6 mars 2024, le ministre de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques annonçait qu’un foyer de grippe aviaire a été découvert puis maîtrisé au secteur 23 de l’arrondissement 5 de la ville de Ouagadougou. Dans cet entretien qu’il nous accordé, Dr Rassablaga Dominique Sawadogo, directeur général des services vétérinaires, revient sur la situation actuelle de la grippe aviaire au Burkina Faso et assure qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Lefaso.net : A ce jour, quelle est la situation de la grippe aviaire dans notre pays ?
Il faut remonter en 2006 où nous avons vécu le premier foyer. Par la suite, nous avons vécu en 2015, un deuxième épisode. Le pays a déclaré le 13 janvier 2022, un autre épisode de grippe aviaire qui a occasionné près de 500 000 morts de volaille pour ce dernier épisode. Cet épisode a évolué jusqu’en janvier 2023, précisément le 23 janvier 2023, nous avons enregistré un dernier foyer issu de l’épisode de 2022.
Depuis lors, la situation épidémiologique était calme jusqu’au 1er mars 2024 où un éleveur de dindons s’est présenté à nos services, au laboratoire, avec un dindon malade tout en nous signalant qu’il y avait des mortalités déjà au niveau de son élevage. Une autopsie a été faite sur place. Elle orientait vers deux maladies, la maladie de New Castle et l’Influenza aviaire hautement pathogène que, communément, nous appelons grippe aviaire. Il fallait donc passer aux analyses. Les analyses ont indiqué qu’effectivement, il s’agit de la grippe aviaire, la souche H5N1 qui circule au niveau de nos élevages, particulièrement dans cet élevage.
Les analyses ont été faites trois fois. Notre laboratoire a fait une première fois l’analyse qui était positive. Ensuite on s’est dit qu’il faut encore vérifier, ce qui a été fait et on a trouvé que c’était toujours la grippe aviaire. Nous avons donc par la suite demandé la contribution du laboratoire national grippe du ministère de la Santé, qui nous a également appuyé et le résultat s’est avéré positif à la grippe aviaire. Dès lors, nous avons informé l’autorité qui, après vérification auprès de nos services, a décidé de communiquer sur la maladie. C’est la raison pour laquelle le ministre de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques a annoncé la présence de cette maladie au sein des populations aviaires.
C’est vrai que le communiqué dit que le foyer a été éteint. Mais y a-t-il lieu de s’inquiéter ?
Pour nous techniciens, nous devons nous inquiéter parce que c’est une maladie très grave et qui se propage très rapidement et qui affecte également les oiseaux sauvages. Donc par conséquent, nous devons nous inquiéter sur le plan épidémiologique et être sur nos gardes pour pouvoir déceler s’il y a lieu, de nouveaux cas, de nouveaux foyers et les maîtriser. Voilà en quoi nous devons nous inquiéter parce que lorsqu’il y a la maladie, si vous voulez éviter la mortalité, il faut que vous soyez aux aguets. Mais à la date d’aujourd’hui, il y a eu des alertes, des échantillons sont parvenus au laboratoire, mais nous n’avons pas encore décelé un échantillon positif. C’est pour dire que pour l’instant, le foyer de Wemtenga qui a été maîtrisé demeure le seul foyer que nous vivons et nous avons espoir que ça ne sera pas comme il y a une année où beaucoup de foyers ont été enregistrés.
Maintenant si l’inquiétude fait allusion à la consommation de la viande de poulet, comme on le dit, c’est une maladie zoonotique qui se transmet de l’animal à l’homme et ça peut affecter l’homme et peut même causer la mort. Mais sur le plan alimentaire, il n’y a pas lieu de s’inquiéter parce que les volailles qui sont saines ne portent pas le virus. En plus de cela, le virus ne peut se transmettre à l’homme que lorsque l’homme manipule soit des animaux malades, soit des animaux morts parce que ça se transmet par les voies respiratoires.
Si vous attrapez un poulet, il se débat, il y a la poussière et vous la respirez, dans cette poussière, s’il y a le virus, vous l’inhalez. Pour dire que sur le plan alimentaire, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, d’autant qu’à 70 degrés, le virus meurt. Alors que nous cuisons nos aliments au-delà de 70 degrés. Sauf que les gens doivent éviter de manipuler les animaux malades, les animaux morts, quelle que soit l’origine. Si vous ne savez pas de quoi il s’agit, évitez de manipuler. Les populations doivent être au même niveau d’alerte que nous dans ce sens qu’elles doivent nous informer d’une situation anormale dans un élevage de volaille, autant les éleveurs que les consommateurs.
Du reste, dans le cas de la grippe aviaire, nous avons un accord avec la FAO. Nous avons formé un certain nombre de journalistes sur la communication relative à la grippe aviaire. Tout cela, pour qu’ils puissent nous accompagner dans la diffusion de l’information en vue de pouvoir contrôler cette maladie.
Quelles sont les mesures prises pour assurer la surveillance ?
D’abord pour ce qui concerne le foyer où nous avons découvert la maladie, lorsque les résultats étaient positifs, une équipe est repartie sur le terrain pour dénombrer les animaux. Les cadavres ont été associés aux animaux vivants, abattus, brûlés et enfouis dans un incinérateur ici dans nos services. Quand il n’y a pas de porteur de la maladie, elle peut être circonscrite. C’est pour cela que nous parlons de foyer maîtrisé. A la suite de cela, cette même ferme devait être désinfectée. Les animaux ont été tués, mais il y a eu des déjections, donc la ferme a été nettoyée et désinfectée. En plus de cela, le reste d’aliments, la litière aussi a été désinfectée et enfouie. Toutes ces mesures ont pour but d’éviter la propagation de la maladie.
Il y a ce qu’on appelle un arrêté portant déclaration d’infection qui a été pris par le haut-commissaire de la province du Kadiogo qui détermine les zones où il y a un certain nombre d’actions à mettre en œuvre pour éviter la propagation de la maladie. Au niveau de ces zones, nos agents sont sur le terrain pour aller vers les populations et vérifier si elles ont des élevages de volailles, comment ces élevages se comportent et donner des instructions parce que les élevages qui sont dans ces zones ne doivent pas les quitter. D’autres oiseaux ne doivent pas aussi venir dans ces zones, pour éviter qu’il y ait la propagation de la maladie.
Pour le reste, c’est la surveillance. Nous avons donnée l’information à tous les directeurs régionaux. Cette information a été donnée depuis que nous avons appris que la grippe aviaire était au Niger. Cette fois-ci, une correspondance du secrétariat général de notre ministère est partie vers les directeurs régionaux pour leur demander d’accroître la vigilance et de surveiller. La surveillance consiste à nous alerter lorsqu’il y a des mortalités, à faire des prélèvements lorsqu’il y a des animaux qui sont malades et à envoyer au laboratoire pour examen.
Un appel à lancer ?
Je voudrai exhorter les populations à nous signaler les cas anormaux de mortalité et aussi à ne pas paniquer par rapport à leurs habitudes alimentaires parce que comme je l’ai dit, les oiseaux sains ne portent pas la maladie et jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas eu de cas humain de grippe aviaire au Burkina Faso. J’invite la presse à diffuser la bonne information qui ne va pas paniquer la population et, s’il le faut, à se référer aux services techniques pour avoir la bonne information. Avec les réseaux sociaux, les informations partent et lorsqu’une information est fausse, elle est difficile à récupérer.
Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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