Au lendemain de l’annonce conjointe par le Burkina, le Mali et le Niger de quitter la CEDEAO, l’Initiative pour la coopération économique et financière Burkina-BRICS (ICEF-Burkina/BRICS) a apporté son « soutien indéfectible » à la décision, motivations à l’appui. C’était au cours d’une conférence de presse animée en fin de matinée de ce lundi 29 janvier 2024 à Ouagadougou, sur cette actualité et au cours de laquelle, l’organisation a lancé un appel à l’ensemble des peuples des trois pays à accompagner l’élan.

Les conférenciers disent accueillir avec joie cette « initiative audacieuse et courageuse » des trois présidents burkinabè, malien et nigérien, et appellent les peuples à les soutenir. Ils voient en cette décision, la résultante des agissements de la CEDEAO qui, à sa création, rappellent-ils, s’est pourtant donné pour mission de promouvoir l’intégration économique sous-régionale.

C’est pourquoi ils déplorent la gestion réservée par la CEDEAO aux situations du Burkina, du Mali et du Niger qui, en lieu et place de soutiens de la part de l’organisation commune, écopent de « sanctions illégales », dont la fermeture des frontières. « Une organisation qui ne respecte pas ses propres règles, je ne vois pas ce qu’on fait dedans », se résout donc le chargé de la formation et des questions économiques de l’organisation, Ismaël Cissé.

« Aujourd’hui, la CEDEAO est utilisée par des forces extérieures pour des agendas étrangers à la communauté », affirment les conférenciers, se réjouissant de ce fait que la jeunesse africaine décide par ce retrait de prendre son destin en main pour poursuivre l’œuvre de construction de l’Afrique, telle que pensée par des devanciers comme Thomas Sankara, Modibo Keïta, Hamani Diori, Nelson Mandela, Patrice Lumumba, etc.

Les conférenciers ont observé un instant pieux en la mémoire des victimes du phénomène terroriste et rendu hommage aux forces combattantes.

« La CEDEAO a été créée en 1975 avec des objectifs précis, dont l’intégration des peuples. En 48 ans, le taux d’intégration est de 13%. Quand vous avez l’occasion de voyager, la libre circulation des personnes et des biens n’est pas une réalité. (…). Cette dernière décennie, la CEDEAO est décriée par ses citoyens. Nous avons constaté donc que la CEDEAO n’agit pas pour les peuples, mais plutôt pour les chefs d’Etat », pèse Ismaël Cissé.

Il se souvient d’ailleurs, parlant toujours du hiatus entre la CEDEAO et ses citoyens, de la position de l’organisation communautaire lors du coup d’Etat manqué de septembre 2015 au Burkina ; position à laquelle le peuple burkinabè s’est opposé. « Tous ces éléments étaient déjà une raison pour la CEDEAO de revoir sa copie », renvoie M. Cissé, qui fait ressortir en outre que même des projets qui devaient libérer les peuples de l’espace communautaire, comme la création de la monnaie Eco, sont dans les oubliettes, du fait des agissements par procuration de la puissance colonisatrice.

« Vous ne pouvez pas rester avec des gens qui ne vous aiment pas », soutient le vice-coordonnateur de ICEF-Burkina/BRICS, Nbaye Barry, pour qui, la situation au Niger est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. A ce sujet, il s’insurge que la CEDEAO reçoive, selon lui, des instructions du président français pour prendre des sanctions contre le Niger et au mépris de la souffrance des populations et peuple nigériens. « Le premier partenaire des trois pays en difficultés devait pourtant être la CEDEAO, plus l’ancien partenaire. Mais hélas, aucun n’a pu être une solution pour un de ces trois pays. La CEDEAO devait être solidaire des pays en difficultés. L’Afrique, c’est la solidarité. Les Occidentaux sont très solidaires, quand il s’agit d’aller piller l’Afrique. Mais nous, Africains, sommes incapables d’être solidaires pour nous défendre », regrettent les conférenciers.

Ils relèvent que, pendant que les peuples africains l’ont salué, la CEDEAO n’a produit le moindre communiqué lorsque Bamako a pu récupérer la ville de Kidal, aux mains des groupes armés depuis une décennie.

Les co-animateurs, et de la g. vers la d. : Ismaël Cissé, NBaye Barry, Abdoulaye Lankoandé et Patrick Dioma.

L’AES ne se présentera-t-elle pas par rapport à la Russie, ce que la CEDEAO est pour la France ?

L’AES ne se présentera-t-elle pas par rapport à la Russie, ce que la CEDEAO est pour la France ? A cette préoccupation d’un journaliste, les conférenciers ont simplement souligné que si la Russie venait également à, dans sa coopération avec le Burkina, avoir une posture comme celle de la France, elle se verrait outrepassée pour d’autres partenaires. Ils se disent persuadés de la sincérité du partenariat entre leur pays, le Burkina Faso, et la Russie. « Nous n’avons pas vu un seul pays occidental, en dehors de la Russie, qui a encouragé l’Afrique à s’unir. C’est seule la Russie, à travers son ministre des Affaires étrangères, qui a dit à Bamako, que si l’Afrique veut s’en sortir, il faut qu’elle s’unisse » ont, à titre illustratif, relevé M. Barry et ses co-conférenciers.

C’est pourquoi encouragent-ils les trois présidents, Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et Abdourahamane Tchiani, à poursuivre la construction de l’AES (Alliance des États du Sahel) qui, disent-ils, est une puissance économique qu’il faut assumer, souverainement. « L’AES représente la véritable Union africaine ; elle peut changer de nom par la suite par l’intégration d’autres Etats, mais la base est déjà là. (…). Si nous ne nous battons pas pour notre chose, personne ne le fera à notre place. Les crises précèdent le développement. Nous allons nous développer, parce qu’on veut s’en sortir, on n’a pas le choix », exhortent-ils en substance.

Les responsables de ICEF/Burkina-BRICS, organisation de la société civile, ont tenu à préciser également que se retirer de l’organisation communautaire n’a aucun rapport avec les liens cordiaux, amicaux et fraternels que chaque Etat, Burkina, Mali, Niger, entretient avec chacun des pays membres de la CEDEAO. En clair, ils invitent à faire la part des choses entre l’organisation et les pays qui la composent.

O.L

Lefaso.net

Source: LeFaso.net