Le Burkina Faso débute l’année 2024 avec l’annonce d’un coup d’Etat déjoué, une « énième tentative de déstabilisation », selon le Service d’information du gouvernement qui l’a annoncé sur sa page Facebook le 18 janvier 2024. Auparavant, des personnes avaient été enlevées sans que les autorités politiques et judiciaires ne communiquent sur ces faits. Par contre, sur les réseaux sociaux, des « révélations » sont faites des audios diffusés. Cette nouvelle du coup d’Etat déjoué et tout ce qui tourne autour attristent les Burkinabè. En 2022, nous avons eu deux coups d’Etat en huit mois.

Et si le gouvernement nous annonce par le titre de son communiqué qu’un très grand nombre de tentatives de coups d’Etat ont échoué et que celle-ci intervient après sans que son rang ne soit connu, nous sommes vraiment peinés de cet état de fait. Le pays est en pleine guerre pour la reconquête du territoire que les groupes terroristes nous disputent. Le MPSR1 et 2 sont intervenus sur la scène politique pour résoudre ce problème, mais force est de constater que beaucoup de défis se posent encore au MPSR2 qui est actuellement au pouvoir avant la réalisation de cette mission première qui est le retour de la paix.

Parmi les solutions à ce problème, une introspection de l’armée n’est-elle pas nécessaire à la réussite de sa mission de protéger l’intégrité du territoire ? Beaucoup de pays sont passés par les coups d’Etats, et la leçon que l’on tire de leurs expériences, est que ces pays ont pris le chemin de la stabilité, de la paix et de la prospérité quand leurs armées sont devenues républicaines en abandonnant les coups d’Etat, le désir de diriger le pays par la force des armes. Peut-on faire ce rêve pour notre pays et à quelles conditions ?

Les dernières arrestations de militaires ne sont pas si loin dans la mémoire, elles remontent au 27 septembre 2023. Quatre officiers, dont certains dirigeaient des unités d’élite, avaient été arrêtés pour avoir fomenté un putsch. Nous n’avons rien appris de l’évolution judiciaire de ce dossier que cette nouvelle d’un nouveau coup d’Etat parle d’un « réseau de plusieurs militaires en fonction, militaires radiés et des civils dont l’objectif aurait été de s’attaquer aux institutions de la République. » Quand est-ce que cela cessera ? Sommes-nous condamnés à l’éternel recommencement ?

Les coups d’Etat ne sont pas de la seule responsabilité de l’armée. J’ai entamé cette réflexion sur la nécessité de mettre fin aux coups d’Etat par cet article : https://lefaso.net/spip.php?article120084. Je voudrais ajouter quelques éléments pour la solution en me basant sur un appel qu’a fait l’administrateur civil et brillant analyste, expert en stratégie territoriale, Kalifara Séré, pour des états généraux de notre armée en lien avec la mobilisation générale pour mener la guerre ensemble. Je ne suis pas certain d’avoir bien restitué sa pensée, mais de tête, je retiens un appel à l’unité de l’armée et du peuple.

La division de l’armée burkinabè est de notoriété publique, depuis le coup d’Etat du général Sangoulé Lamizana contre lui-même en 1974. Après ce coup d’Etat, ce seront des juntes qui prendront le pouvoir, c’est-à-dire des fractions de l’armée. Avec la guerre contre le terrorisme, l’armée devrait, puisque c’est sa mission régalienne qui est en cause, celle de la défense de l’intégrité territoriale, rechercher son unité de pensée et d’action pour faire la guerre d’un même cœur. Malheureusement, avec les coups d’Etat des colonels puis des capitaines, elle ne semble pas avoir encore recouvré cela en témoigne les tentatives de coups d’Etat.

Pour retrouver cette unité, une grande messe ouverte à tous les militaires et anciens militaires, les radiés des mutineries pour discuter entre frères d’armes et prendre la résolution de tout faire pour gagner la guerre et mettre fin à se mettre les bâtons dans les roues ne serait pas inutile. Cette rencontre permettrait de situer les responsabilités de tous, de répondre aux griefs contre notre armée, notamment à ceux qui l’accusent des drames comme Inata…

Le refus de faire les critiques et de situer les responsabilités minent toute organisation. Avec cette inflation de tentatives de déstabilisation, ne vaudrait-il pas mieux que l’armée trouve une solution pour s’asseoir et se parler sur son passé et comment elle voit l’avenir, surtout cette guerre qu’elle doit mener, au lieu que ce soit des clans qui se retrouvent pour chercher le pouvoir ? Refuser tous les coups d’Etat et voir ensemble comment faire que ce dernier coup d’Etat soit le dernier et que le pays gagne la guerre.

Si l’armée est unie, aucun entrepreneur politique ne pourra convaincre un militaire de s’engager dans une opération de déstabilisation. L’unité de l’armée emmènera le pouvoir à écarter toute la flopée d’influenceurs, de communicants et d’entrepreneurs politiques qui vivent sur la division du peuple, le commerce de la haine contre tel ou tel corps de métier et le refus d’une gouvernance vertueuse et de respect des droits de l’homme.

Une armée unie et républicaine

Quand notre armée était unie et républicaine, le pays n’a perdu aucun cm2 du territoire, même quand il était attaqué par un pays voisin avec une armée plus forte. Elle a trouvé une force non dans la puissance de son équipement militaire mais dans la force des hommes convaincus et déterminés, leur ingéniosité au plan tactique et leur audace stratégique. Il faut que notre armée retrouve cette stricte neutralité politique, et son unité avec le peuple à travers les Volontaires pour la défense de la patrie et les autres parties qui acceptent de participer à l’effort de paix. Ces multiples tentatives de coup d’Etat donnent une mauvaise image de notre armée dans son ensemble, pas seulement des personnes arrêtées.

Au moment où le pouvoir vient de réviser la constitution, il devrait être prompt à agir en conformité avec les règles de l’Etat de droit qui sont claires pour les arrestations.

Car une arrestation est le fait d’appréhender une personne sous l’autorité de la justice ou de la police. Les motifs juridiques de l’arrestation sont fournis aux proches pour qu’elles sachent que ce n’est pas arbitraire, illégal. Les parents ont le droit de savoir ce qui est reproché à la personne. Au risque de passer pour un aliéné qui a regardé trop de films américains, moi je pense que ce serait juste et bien, qu’aucun de mes compatriotes ne soit arrêté sans qu’on ne lui indique les motifs de son arrestation et qu’on lui dise cette phrase mythique des films policiers américains : « Vous avez le droit de garder le silence. Vous avez le droit d’avoir un avocat et si vous n’avez pas les moyens de payer un avocat, un avocat vous sera nommé. Si vous renoncez à ces droits et que vous parlez pour nous, tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous devant un tribunal. » Je suis prêt à entendre les explications motivées sur la non-conformité de cette pratique avec nos valeurs africaines.

Le but de ce texte c’est d’apporter une pierre à la résolution de nos problèmes et surtout de rappeler à tous ce que le Sénégalais Alioune Tine, fondateur de Afrikajom, a dit après nos coups d’Etat : « L’Armée est le dernier rempart pour l’unité, la sécurité et la stabilité de la nation. Son effondrement serait une grave menace pour la paix et la sécurité de toute la sous-région ouest-africaine … »

Sana Guy

Lefaso.net

Source: LeFaso.net