Depuis l’attaque terroriste survenue le 15 janvier 2016, l’avenue Kwamé N’Krumah de Ouagadougou, autrefois l’une des plus animées et dynamiques de la capitale, semble avoir perdu son éclat. Cet attentat avait ciblé le bar Taxi Brousse, le restaurant Le Cappuccino et l’hôtel Splendid situés au cœur de la capitale burkinabè. Il avait fait une trentaine de morts. Depuis lors, les affaires n’y sont plus aussi florissantes pour certains commerçants. Si certains tiennent tant bien que mal, d’autres ont refermé leurs portes à l’instar du Cappuccino, qui avait pourtant rouvert ses portes 17 mois après la tragédie. C’est le constat que nous avons fait ce mercredi 10 janvier 2024.

Autrefois, le restaurant Le Cappuccino trônait majestieusement sur l’avenue Kwamé N’Krumah, éclairant la rue de son charme et de son aura unique. Avant la funeste attaque terroriste du 15 janvier 2016, cet établissement était bien plus qu’un simple lieu de restauration. Il représentait l’épicentre de la gastronomie et de la convivialité à Ouagadougou. Les tables du Cappuccino étaient le théâtre de rencontres animées, d’affaires florissantes et de célébrations mémorables. Les murs de l’établissement résonnaient des rires joyeux des convives qui partageaient des moments précieux. Ce mercredi 10 janvier 2024, nous constatons malheureusement que Le Cappuccino a dû fermer ses portes.

Certes, l’avènement du terrorisme au Burkina Faso a eu un impact sur le monde des affaires de façon générale, mais le cas de l’avenue Kwamé N’Krumah est particulier pour avoir été directement touchée par ce phénomène. Des entrepreneurs et commerçants essayent tant bien que mal de tenir le coup.

« Cela fait près de trois mois que le restaurant Cappuccino est fermé », fait savoir Abdoulaye Compaoré, commerçant ambulant de chaussures à l’avenue Kwamé N’Krumah

Les difficultés rencontrées

Assis sur sa moto, ce commerçant ambulant de chaussures que nous approchons déplore la fermeture de ce café-restaurant qui a mis au chômage plus d’une personne. « À l’instar du Cappuccino, bien d’autres commerces et entreprises ont été fermés. Parce que la clientèle se fait de plus en plus rare. L’avenue se vide déjà entre 19h et 20h. Mes deux frères qui y travaillaient sont désormais au chômage alors qu’ils ont une famille à nourrir », nous confie Abdoulaye Compaoré.

Ayant compris que nous étions là pour aborder les difficultés rencontrées par ceux qui mènent leurs activités au sein de l’avenue, un autre commerçant de téléphones portables nous interpelle : « Je veux parler ! ». « Vraiment, la vie est devenue très difficile sur l’avenue Kwamé N’Krumah. Nous demandons aux autorités de voir ce qu’elles peuvent faire pour ne pas la laisser mourir », implore-t-il. De grands restaurants ont fermé et le marché n’est plus au rendez-vous parce que les gens ont peur », appelle de tous ses vœux Issa Compaoré.

« L’avenue Kwamé N’Krumah était sur le point de repartir de plus belle, jusqu’à ce survienne l’attaque du Café Aziz Istanbul », regrette Issa Compaoré, vendeur de téléphones portables

L’organisation de foires proposée comme solution

Il faut rappeler que le Café Aziz Istanbul, non loin du Cappuccino, avait lui aussi fait l’objet d’une attaque terroriste meurtrière le 13 août 2017. Face aux difficultés, ils sont plusieurs à avoir choisi de rester pour lutter pour la survie de leurs activités. La résilience dont ils font preuve est remarquable, reflétant la détermination du peuple burkinabè à reconstruire et à avancer malgré l’ombre persistante du terrorisme. Les rues de Kwamé N’Krumah ne font plus preuve du même dynamisme, mais les acteurs économiques locaux refusent de céder à la fatalité.

À travers les riverains qui y circulent, les entreprises qui s’y trouvent encore, l’on perçoit la résistance des Burkinabè qui espèrent, en dépit de l’adversité, un avenir radieux. Mohamed Zongo, vendeur de vêtements et de chaussures, propose que soit organisées assez régulièrement des foires pour captiver l’attention des populations vers l’avenue et faire dissiper au fur à mesure cette peur qui empêche certains de fréquenter l’avenue.

Face à la psychose, Mohamed Zongo, vendeur de vêtements et de chaussures est convaincu que l’organisation d’évènements grand-public peut être une alternative

La morosité des activités sur l’avenue profite aux rues voisines

Pendant ce temps, les rues voisines qui l’entourent semblent être épargnées de cette hantise créée dans les esprits des citoyens, qui porte jusqu’aujourd’hui préjudice à l’avenue Kwamé N’Krumah. Des hôtels, des commerces et des sociétés ont émergé dans ces rues très bien fréquentées, contrastant avec la tristesse qui enveloppe l’avenue touchée par les attentats. Les citoyens préfèrent désormais se tourner vers des zones où la vie reprend son cours, laissant derrière eux les vestiges d’un passé douloureux.

Aujourd’hui, Kwamé N’Krumah semble perdre son lustre d’antan qui faisait d’elle l’une des avenues les plus prestigieuses du pays. Malgré cette atmosphère morose, il existe un espoir palpable de renouveau.

La rue voisine, menant à l’Hôtel administratif qui débouche directement sur l’aéroport international de Ouagadougou, rivalise désormais avec l’avenue Kwamé N’Krumah

Notons que sous le régime de l’ex président du Faso Roch Kaboré, les autorités et la communauté locale avait pris des initiatives pour redonner vie à l’avenue Kwamé N’Krumah. Des journées aérobics et des foires avaient ainsi été organisées pour revitaliser les commerces, rappeler aux citoyens que la résilience peut triompher sur l’ombre du passé.

Le contraste entre les rues voisines animées et l’avenue Kwamé N’Krumah en perte de vitalité souligne la complexité du processus de guérison après de tels événements tragiques. Cependant, le pays des hommes intègres se trouve à la croisée des chemins, prêt à forger un avenir plus fort, malgré les cicatrices qui marquent encore le paysage urbain.

Hamed Nanéma

Lefaso.net

Source: LeFaso.net