Elle figure incontestablement parmi les femmes battantes au Burkina Faso. Evoluant dans l’ombre, l’experte en génie civil et hydraulique, Tégawindé Vanessa Rosette Kaboré, épouse Boro, a un parcours qui mérite d’être connu du grand public.
Influencée depuis son jeune âge par une mère experte en génie rural, Tégawindé Vanessa Rosette Kaboré / Boro, 32 ans, est une passionnée du développement rural. Lauréate de la 5e édition du concours national « Ma thèse en 180 secondes » (MT180), puis 3e place à la phase internationale, cette jeune dame a été sélectionnée en septembre 2023, au sein de la deuxième promotion du programme Gender Responsibe Agriculture Systems Policy (GRASP).
C’est un programme de formation et de mentorat sur le leadership féminin dans la négociation et l’élaboration de politiques agricoles axées sur le genre pour des femmes africaines, financé par United States Agency for International Development (USAID). Le parcours de Vanessa Boro est admirable et mérite d’être mis en exergue dans un Burkina Faso où les jeunes ont besoin de repères.
Ce n’est jamais facile de choisir la même voie professionnelle que ses parents. Mais quand la passion est tenace, il faut suivre son instinct. C’est exactement ce que cette mordue du développement rural a fait. Fille d’une ingénieure en génie rural, elle a commencé à accompagner, dès l’âge de 15 ans, sa mère lors de ses activités professionnelles. « Je me suis rendu compte que ce que maman faisait était d’une grande utilité pour la communauté. Chaque fois qu’il y avait des réceptions de travaux, des agriculteurs très reconnaissants étaient là, et après quelques années, lorsque retournions dans ces villages, nous nous rendions compte que leur niveau de vie avait évolué », raconte Vanessa. Elle était loin d’imaginer qu’elle était en train de prendre rendez-vous avec sa propre histoire.
Du haut de ses 1m 75, Vanessa Boro est issue de la promotion 2003 du collège des jeunes filles de Loumbila. Après l’obtention de son Brevet d’études du premier cycle (BEPC), elle intègre le collège Saint Jean Baptiste de la Salle, où elle obtient le Baccalauréat série D en 2010. En 2011, le très sélectif Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE) lui ouvre ses portes pour son cycle universitaire.
Elle en ressort avec une licence scientifique en ingénierie de l’eau et de l’environnement en 2014, puis un master scientifique en génie civil et hydraulique en 2016. Son amour pour la recherche est né au cours de son parcours universitaire, durant lequel, elle a effectué plusieurs stages de recherche en hydraulique agricole au sein des laboratoires de 2iE. Après 6 années d’expérience professionnelle, elle intègre l’école doctorale de 2iE en juillet 2022 où elle travaille sur le thème « solutions d’imperméabilisations accessibles et durables des bassins de collecte des eaux de ruissellement en zone soudano-sahélienne ».
En mars 2023, elle entend parler du concours national « ma thèse en 180 secondes », qui est un exercice de vulgarisation scientifique pour jeunes chercheurs et décide de se prêter à l’exercice. Elle finit championne nationale à la 5e édition du concours MT180, puis 3e place de la phase internationale. Dotée d’une grande sensibilité, très pieuse, Vanessa Boro ne connaît pas le repos et son envie de faire toujours mieux va la pousser à se lancer dans l’entrepreneuriat.
En 2018 elle crée son bureau d’étude BECHE-BTP SARL et elle officie simultanément en tant que consultante indépendante en génie civil et hydraulique auprès d’autres entreprises et projets de développement rural. C’est le début d’une belle aventure avec le monde rural dans les quatre coins du pays. Cinq ans après l’ouverture de sa structure, Mme Boro ne regrette pas son choix « Pouvoir créer de l’emploi et contribuer à construire sa nation est une grande grâce. De plus, sur le chemin de l’entrepreneuriat, les hauts et les bas font du processus d’apprentissage un cycle continu qui m’aide à progresser. J’aime arriver à faire de ma passion mon quotidien » déclare-t-elle sans rentrer dans les détails de ses réalisations. Mais derrière ce métier combien passionnant, pour elle, se cache des difficultés.
Au-delà de cela,
Une difficulté que rencontrent de nombreuses femmes, c’est pouvoir s’affirmer dans un métier « dit d’hommes ». Notre femme battante relève ce défi même si ce n’est pas aisé. « En tant que femmes, souvent nous sommes face à des hommes beaucoup plus âgés que nous. Et quand nous sommes leur supérieur hiérarchique, au début, c’est compliqué. Parce que se faire diriger par une femme et moins âgé, ce n’est pas toujours évident c’est pourquoi il faut travailler à améliorer son leadership et son influence sur les autres à travers la connaissance de soi. Comme le disait Anne Morrow Lindbergh, « si on n’est pas en contact avec soi-même, on ne peut pas toucher les autres » ajoute dame Boro.
« Mon mari, c’est mon pilier »
Allier foyer et vie professionnelle n’est pas un exercice aisé et être en couple induit un devoir de soutien indéfectible. Pour le cas de notre pépite, son conjoint, lui aussi ingénieur, est son meilleur soutien psychologique, financier et son meilleur coach. Pour la petite histoire, son père a beaucoup soutenu sa mère dans sa carrière. Avec le père de ses enfants, elle essaye de retrouver les mêmes qualités.
Un homme diligent et doté d’un grand sens de positivité, dit-elle, un homme qui comprend que la femme a droit à une vie professionnelle épanouie. « Mon mari, c’est mon pilier. C’est un homme très intelligent et un excellent motivateur. Quand il faut aller en mission, le cadre est trouvé pour que les enfants continuent à aller à l’école. Il assure mes arrières pour que je puisse avancer. Et quand c’est son tour de relever des challenges, je me mets derrière et j’assure le temps qu’il revienne. Vraiment, c’est un travail d’équipe. Je rends grâce à Dieu pour ce compagnon », témoigne-t-elle. Malgré les préjugés sur le secteur du développement rural, dame Boro aime ce qu’elle fait. Partage, progrès, précision, plaisir, passion, tels sont les cinq valeurs qui guident, au quotidien, ses pas.
En septembre 2023, elle a été sélectionnée au sein de la deuxième promotion du GRASP, comme indiqué plus haut. Pour pouvoir postuler à cette bourse, il faut avoir une vision et pouvoir justifier sa pertinence. « Moi je suis allée sur un projet communautaire avec mon intention que 30% de terres agricoles aménagées reviennent systématiquement aux femmes des communes rurales. J’ai défendu mon projet avec brio et j‘ai été retenue parmi 50 femmes de 12 pays d’Afrique. L’objectif de cette bourse est de créer un réseau leader dans le domaine des aménagements, de l’agriculture et de la recherche. J’espère qu’au bout du programme, ils pourront avoir un retour sur investissement pratique et visible sur le terrain », formule-t-elle. Au-delà de la vision du projet, il faut cumuler au moins dix années d’expérience. Vanessa Rosette Kaboré / Boro en a sept. Cette insuffisance ne l’a pas découragé, mais plutôt motivé.
« J’ai décidé de postuler parce que le fait de répondre à un questionnaire, c’est déjà un bel exercice pour moi. Je me suis prêtée à la tache en me disant que même si je ne suis pas retenue, c’est une expérience. J’ai déjà une idée des questions posées. Je réfléchis déjà à trouver des réponses à ces questions. Et je patiente tout simplement », confie-t-elle.
Dieu aidant, son audace a porté des fruits. Cette bourse est une grande opportunité pour cette jeune femme ambitieuse. A travers les formations qui ont déjà commencé, elle acquiert des connaissances aux côtés d’autres femmes ayant plus de 30 ans d’expériences dans les domaines ciblés par cette bourse. « C’est un programme de mentorat. Mon mentor, Dr Aïssata Delphine Nati/Bama est une femme exemplaire et inspirante, spécialiste en irrigation et drainage en poste à de la Banque mondiale. C’est une belle opportunité de pouvoir bénéficier de ses conseils, de son réseau et de son expérience parce qu’elle a un excellent parcours et s’y connaît en matière de politique agricole, de négociation et de genre. Je vais saisir cette opportunité et en profiter pour grandir et m’améliorer », promet-elle, toute ravie et fière d’être boursière.
La petite fille de l’ingénieure en génie rural Suzanne Kaboré est devenue une femme qui force l’admiration et qui a le mérite d’être soutenue. Qui connaît Vanessa Boro parlera de son humanité, mais surtout sa détermination. « Ma femme c’est ma moitié et on se complète. Je suis fier des défis qu’elle relève au quotidien. Elle abat un travail formidable pour pouvoir concilier vie de couple, vie de famille et vie professionnelle. Ce n’est pas du tout aisé, mais elle fait tout avec sérieux et passion ça fait qu’elle se décourage rarement et ça lui permet de tirer son épingle du jeu.
Avec elle j’ai compris qu’avec le travail et l’aide de Dieu, on finit par bouger les montagnes. Vané est tout simplement brillante », nous confie M. Boro qui a connu Vanessa à l’institut 2iE en 2011 lorsqu’elle était en première année d’université. Vanessa Boro a plein de grandes ambitions. Elle entend mettre en place un projet de développement agricole en faveur des personnes déplacées internes, surtout dans le contexte de crise sécuritaire. Aussi pense-t-elle parallèlement à trouver des mécanismes de financement de ces initiatives qui lui sont chères.
Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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