Les populations chrétiennes de Débé, localité située dans la plaine aménagée du Sourou, dans la région de la Boucle du Mouhoun, ont été contraintes par des groupes armés de quitter le village. Elles ont fui, pour la plupart, vers Dédougou. Selon des témoignages recueillis auprès de ces personnes fugitives, les terroristes leur reprochent d’avoir osé braver, pour certains membres du village, l’interdiction de voyager vers la ville de Tougan. Le mercredi 25 octobre 2023, Lefaso.net a échangé avec quelques-uns de ces déplacés.

Il y a environ une semaine, le village de Débé s’est vidé de la quasi-totalité de ses habitants. Les populations ont fui vers plusieurs localités comme Koudougou, Bobo-Dioulasso, Kaya et Dédougou à la recherche d’un asile plus sécurisé. Une importante partie de ces personnes arrivées à Dédougou est essentiellement chrétienne puisque c’est cette communauté religieuse qui a été sommée par les hommes armés de quitter la localité. « Ils (les terroristes, ndlr) sont venus dire que tous les membres de l’église catholique ont 72 heures pour quitter le village. Nous sommes partis avant la fin de l’ultimatum », témoigne un quadragénaire.

Selon les témoignages, les terroristes ont « conquis » la zone depuis belle lurette et la considèrent comme leur chasse gardée. Depuis ce temps, ils n’avaient pas eu maille à partir avec la population jusqu’à la survenue de l’incident ayant conduit au départ de bon nombre de personnes du village. Mais comment en est-on arrivée à cette situation ?

Les déplacés sont accueillis dans des lieux de cultes et dans bien d’autres sites de la ville de Dédougou

A en croire un des habitants du village, tout serait parti de l’action de deux jeunes bien connus de la communauté chrétienne de Débé, qui se sont rendus à Tougan, malgré le blocus instauré par les groupes armés qui ont totalement interdit à toute personne de la localité de voyager en direction de la ville de Tougan. « A l’occasion de la rentrée scolaire, ces deux jeunes ont contourné les axes contrôlés par les hommes armés pour rejoindre Toma en passant par la localité de Yé. De Toma, ils ont fait route vers Tougan en se mettant dans un convoi sécurisé par des FDS (forces de défense et de sécurité : ndlr) », a relaté le paysan. Ces deux jeunes dont notre interlocuteur affirme qu’ils étaient des scouts, ont accompagné, à Tougan, leurs frères pour leur trouver des places dans des établissements d’enseignement, a-t-il poursuivi.

Exécutés sous la statue de la Vierge Marie

Mais au retour, les deux scouts se lancent dans une aventure très risquée : ils ne se sont pas mis à l’abri d’un convoi sécurisé et pire, ils tentent de passer par des raccourcis pour regagner leur village, a fait observer une habitante de Débé. Malheureusement, « ils ont été appréhendés par les terroristes », informe-t-elle. Après les avoir gardés pendant près d’une semaine sur leur base, les ravisseurs des scouts les ont conduits au village, renchérit la femme.

Des populations fugitives sur le point de rallier d’autres localités en passant par Dédougou

« Les terroristes ont exigé que l’on ouvre les portes de l’église. Ce qui a été fait. Ils ont fait entrer les jeunes scouts dans l’église pour les y exécuter, un devant l’autel et l’autre devant la statue de la Vierge Marie », a confié la dame, visiblement traumatisée. Elle explique que depuis la survenue de cette tragédie, la communauté chrétienne s’est abstenue de célébrer la messe dans l’église, « sur instruction des premiers responsables du diocèse de Dédougou ».

« On ne peut pas prier dans le sang », lâche un membre de la communauté. Mais cette fermeture de l’église n’a pas été du goût des assassins, commente le fidèle. « Trois semaines après la tuerie des deux jeunes, les hommes armés sont revenus nous dire de prier dans l’église. Nous ne l’avons pas fait. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Yacouba SAMA

Lefaso.net

Source: LeFaso.net