L’audience de l’affaire ministre des finances contre le journal Le Reporter pour diffamation s’est ouverte ce jeudi 21 septembre 2023 au Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga II.
Après plusieurs renvois, le dossier est enfin retenu pour jugement. Il faut rappeler que le ministre de l’économie, des finances et de la prospective, Aboubakar Nacanabo, a esté en justice contre le bimensuel burkinabè d’enquêtes et de reportages, Le Reporter, pour « diffamation et complicité de diffamation » à travers un article paru dans son N°360 du 15 au 30 juin 2023 sous le titre : « Finances publiques : Le ministre des Finances, les DG et les milliards de FCFA d’Essakane ».
Appelé à la barre ce mercredi 21 octobre 2023, le journaliste Aimé Nabaloum a reconnu être l’auteur de l’article incriminé. Il a planté le décor en indiquant qu’il s’agit d’une affaire qui est survenue en 2021. Et c’est à cette date qu’il a commencé à s’y intéresser. Il s’agit du protocole d’accord transactionnel entre la société minière Essakane et l’Etat burkinabè.
Le 23 mai 2023, le journal Le Reporter a adressé des correspondances au ministre des finances, au directeur général des douanes, au directeur général des impôts et à l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC). Seule l’ASCE-LC a fait un retour, a relaté Aimé Nabaloum.
Le 14 juin, la veille de la parution du journal, le directeur général des douanes, Mathias Kadiogo, toujours selon Aimé Nabaloum, a entrepris plusieurs démarches pour que la parution de l’article soit suspendue afin qu’il rencontre les journalistes et échange avec eux. L’article étant déjà dans le circuit de la parution, rien n’a pu l’empêcher.
20 jours pour donner les informations
A la barre, Aimé Nabaloum a signé et persisté que le protocole d’accord transactionnel entre l’État et la société ESSAKANE a été violé, car la somme normale n’a pas été versée. Les différentes violations des textes et les sommes perdues ont été communiquées au tribunal.
Me Paulin Salambéré, avocat de la partie civile, a souhaité savoir s’il y avait un délai pour répondre aux correspondances adressées le 23 mai 2023. Le journaliste a répondu par la négative. Par la suite, il a été rattrapé par un de ses avocats, qui a cité la loi 051-2015-CNT portant droit d’accès à l’information publique et aux documents administratifs. L’article 16 alinéa 1 de cette loi dit : « Le responsable du service chargé de l’accès à l’information publique et aux documents administratifs dispose d’un délai de vingt jours pour répondre à la demande. »
La partie civile a fait observer au tribunal que les textes en matière de transaction douanières que l’accusé Aimé Nabaloum a cité ne sont pas conformes avec le sujet de l’article qui a incriminé ses clients.
Une deuxième demande refusée
Le deuxième accusé, Boureima Ouédraogo, directeur de publication du journal Le Reporter, est passé à la barre pour la manifestation de la vérité. Il a tenu à préciser certains détails pour la ligne défensive avec son collègue Aimé Nabaloum.
De son témoignage, on peut retenir que sous la demande du directeur général des douanes, le journal a suspendu la parution de l’article afin que les deux parties se rencontrent concernant le sujet. Après la parution du numéro sans l’article, « silence radio de sa part », a-t-il confié. Malgré les appels des journalistes, le patron des douanes n’avait plus réagi.
C’est le 14 juin soir qu’il les a appelé. L’édition étant bouclée, les journalistes ne pouvaient plus « rien faire ». Entre 22h et 23h, Boureima Ouédraogo dit avoir reçu trois appels dont celui du DG des douanes les invitant à sursoir encore à la parution du journal afin de discuter et trouver une solution. Le Reporter a décidé de ne pas sursoir une deuxième fois, a indiqué le directeur de publication. L’article sera publié, quitte à donner suite dans le prochain numéro.
De la nécessité de départager les deux parties…
Répondant aux questions face aux chefs d’accusation de diffamation, les accusés ont montré plusieurs documents pour conforter leur position. Cependant, il y a des pièces qui contredisent celles de la partie civile. Selon le procureur, il faut faire recours à des témoins pour départager les deux parties au procès, car chacune s’est défendue.
Toutefois, le parquet a demandé à savoir si le tribunal peut trancher sur la base des débats du jour. S’en est suivi une autre partie de débat sur la nécessité de la citation des victimes et personnes ressources pour aider à faire la lumière sur le dossier.
Le tribunal a observé une suspension d’une vingtaine minutes afin de décider. Après concertation, le juge a décidé de renvoyer l’audience pour le 12 octobre 2023 avec la citation des victimes et la personne qui a validé la transaction à la banque.
Il faut noter que la défense a souhaité que les directeurs généraux des douanes et des impôts viennent à la barre, à défaut de convoquer le ministre des finances, pour la manifestation de la vérité. Le président du tribunal n’a pas cité nommément les victimes qui seront convoquées. Rendez-vous le jeudi 12 octobre 2023 au TGI Ouaga II.
Cryspin Laoundiki
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
Commentaires récents