Madame Ouédraogo (nom d’emprunt) ne peut contenir son inquiétude. « Je ne suis pas sûre que tous mes enfants iront à l’école cette année », confie-t-elle avec une lueur d’angoisse dans les yeux. Cette mère de sept enfants, rencontrée ce jeudi 24 août 2023 à Ouagadougou, déplore la triste réalité qui frappe de plein fouet de nombreuses familles au Burkina Faso : l’augmentation incessante des frais de scolarité, devenue, selon elle, « une norme ».
Au cours des trois dernières années, les frais de scolarité au Burkina Faso ont connu une hausse constante, plongeant de nombreux parents dans des difficultés financières, en particulier ceux qui ont plusieurs enfants à scolariser. Madame Ouédraogo raconte : « Il y a trois ans de cela, nous payions la somme de 50 000 francs CFA pour la scolarité des enfants inscrits à l’école primaire. L’année suivante, la scolarité est passée à 65 000 francs CFA, et cette année, elle atteint désormais 85 000 francs CFA ».
Cette tendance à la hausse n’épargne pas non plus l’éducation secondaire. Les frais de scolarité pour les classes de 6e et 5e sont tout aussi élevés pour les deux enfants de madame Ouédraogo qui fréquentent ces niveaux. Même la crèche et la maternelle ont vu leurs coûts augmenter de manière significative. Pour garantir la sécurité de son enfant pendant qu’elle travaille, madame Ouédraogo devait auparavant débourser 30 000 francs CFA par mois. Aujourd’hui, elle est confrontée à un montant astronomique de 103 000 francs CFA pour inscrire son enfant à la maternelle, une somme qui devient difficile à réunir compte tenu du coût élevé de la vie, exacerbé par la crise sécuritaire dans le pays et le conflit en Ukraine.
Madame Ouédraogo lance un appel poignant aux autorités pour qu’elles prennent des mesures visant à soulager le fardeau financier des parents d’élèves. Elle regrette également le manque d’établissements publics dans le secteur, laissant ainsi la porte ouverte aux établissements d’enseignement privés.
- « Je ne suis pas encore allé inscrire mes enfants à l’école. Mais j’entends déjà les gens dire que les frais de scolarité ont augmenté », Seydou Ilboudo, couturier de profession
Dans le même quartier, nous avons recueilli l’opinion de Seydou Ilboudou, un couturier et père de quatre enfants, dont trois sont inscrits dans des écoles privées. Tout comme madame Ouédraogo, il implore l’État de construire davantage d’écoles pour rendre l’éducation accessible à tous.
Après une visite dans une école locale, il est apparu que les frais de scolarité pour les classes de CP1 au CM2 sont fixés à 45 000 francs CFA, auxquels s’ajoutent 2 500 francs pour la tenue scolaire et 2 000 francs pour le tee-shirt. Quant à la maternelle, les frais englobant l’inscription, les fournitures, la tenue scolaire, le goûter, la cantine, et d’autres dépenses, se totalisent à environ 100 000 francs CFA dans le même établissement.
Julien Emmanuel Kaboré, élève en classe de 1re D dans un lycée privé de la région, témoigne également de l’augmentation constante des frais de scolarité au sein de son établissement ces trois dernières années.
- « Nous demandons aux autorités de voir comment est-ce qu’elles peuvent aider nos parents à nous scolariser surtout en ces moment où la vie est de plus en plus chère », Julien Emmanuel Kaboré, élève en 1re D d’un lycée privé de la place
Il en appelle à l’État pour qu’il prenne des mesures concrètes afin d’alléger le fardeau des parents d’élèves. « C’est difficile pour nos parents qui peinent à joindre les deux bouts car pendant que les frais de scolarité augmentent chaque année, les salaires restent statiques », déplore-t-il.
La situation est d’autant plus préoccupante lorsque tous les enfants d’une famille sont scolarisés par un seul parent qui travaille. Certains enfants se retrouvent ainsi non scolarisés, contraints de travailler pour subvenir à leurs besoins.
Le ministère de l’Éducation nationale dit avoir élaboré récemment des textes visant à empêcher l’augmentation anarchique des frais de scolarité. Une mesure qui pourrait susciter l’espoir parmi les parents d’élèves éreintés par cette tendance implacable, si son application venait à être effective.
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Source: LeFaso.net
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