La reconversion professionnelle des retraités favorise le transfert de leurs expériences et de leurs compétences vers les générations plus jeunes. Cela contribue à une meilleure transmission des connaissances intergénérationnelles et au développement de la société dans son ensemble. C’est ce que nous explique Dr Amadou Nébila Yaro, directeur général du Cabinet d’études et de recherches en entreprises (CERE), dans cet entretien accordé à Lefaso.net, le vendredi 18 août 2023 à Ouagadougou. Pour l’ancien ministre de l’Économie numérique, il y a au Burkina Faso des financements qui ne demandent que des projets porteurs.

Lefaso.net : Quelles sont les raisons qui peuvent ou qui doivent motiver un retraité à se reconvertir ?

Dr Amadou Nébila Yaro : Je dois dire que la reconversion professionnelle, de manière générale, est une étape importante dans la vie professionnelle du travailleur. Je crois qu’il y a des raisons professionnelles mais aussi personnelles qui peuvent conduire un retraité à se reconvertir. Vous savez que la carrière professionnelle est parfois emprunte de beaucoup de difficultés. Et on est souvent amené à exercer un métier qu’on n’a pas nécessairement aimé. En effet, il nous arrive d’embrasser sans vocation certains métiers aussi bien dans l’administration publique que dans le secteur privé.

Donc, lorsque ces personnes sont admises à la retraite, l’occasion devient propice pour elles de se lancer dans les activités qui les passionnent. Ce, d’autant plus que les retraités sont de nos jours en pleine forme pour être capables d’envisager une nouvelle vie professionnelle. En somme, les raisons personnelles pour le retraité d’entreprendre une reconversion professionnelle, sont notamment l’envie de réaliser ce qu’il voulait réellement faire durant toute sa carrière professionnelle. C’est aussi cette espérance d’avoir toujours voulu exercer un métier dont il possède désormais les moyens et le temps de le faire.

La seconde raison, qui est quant à elle d’ordre professionnel, s’explique par le fait de vouloir partager ses expériences professionnelles après avoir capitalisé une longue carrière dans son domaine. C’est également la vision d’être utile à sa communauté et à sa nation. Car le retraité reconverti participe à la mise en place des politiques publiques, à la réduction du chômage.

Quels conseils donneriez-vous à un retraité pour sa reconversion ?

Les conseils sont individuels. La reconversion professionnelle d’une personne dépend d’abord des aspirations de l’intéressé. Les conseils sont donc spécifiques pour chaque individu en fonction de sa personnalité, son expérience professionnelle, ses diplômes… C’est pourquoi, nous prenons le soin de bien nous renseigner sur ce que la personne qui souhaite se reconvertir, aimerait bien faire.

« Le premier conseil que nous donnons, c’est d’aimer par conséquent ce que l’on veut faire et se tenir prêt à surmonter toutes les épreuves indispensables pour y arriver », Dr Amadou Nébila Yaro, directeur général du CERE

Faire de l’élevage par exemple a des contraintes auxquelles celui qui veut se reconvertir dans cette activité doit se confronter. L’élevage nécessite notamment d’être matinal, de faire parfois des nuits blanches, etc.

Aussi, afin de mieux orienter la reconversion de l’intéressé, nous faisons un bilan des compétences de ce dernier. Ce qui permet de savoir si la personne est outillée et possède les instruments appropriés pour évoluer dans le métier qu’elle aura choisi. L’autre chose importante est de vérifier que l’individu dispose des ressources financières nécessaires pour la réalisation de son activité. En ce sens, nous pouvons l’aider à monter ses dossiers ou l’orienter vers certaines institutions financières compétentes en la matière.

Y a-t-il des secteurs particulièrement conseillés aux retraités du Burkina qui veulent se reconvertir ? Si oui, lesquels ?

Il n’y a pas de secteurs spécifiques pour la reconversion. Il est possible de la faire dans tous les secteurs d’activités. Aujourd’hui, la majorité des personnes qui viennent nous voir disent vouloir s’investir dans l’élevage, la pêche et l’agriculture. Mais nous attirons leur attention sur le fait que ces activités nécessitent notamment d’avoir de l’amour pour la terre, l’eau et les animaux, avant de s’y engager, s’ils veulent réussir dans ces domaines. Tous les secteurs peuvent donc être bénéfiques pour tout retraité y compris ceux de l’environnement, du développement durable et du numérique. Seulement, il faudrait faire en sorte que la personne puisse s’épanouir dans le secteur choisi, qu’elle puisse disposer d’outils appropriés en termes notamment de formation, de financement, de motivation. Pour ce faire, l’intervention de psychologues et de sociologues est souvent indispensable pour booster leur mental.

Faut-il commencer à se préparer pour la reconversion avant la retraite ? Quelle est la bonne période pour y penser ?

La reconversion professionnelle est un peu perçue comme la retraite. On prépare sa reconversion professionnelle dès le premier jour de sa prise de fonction dans une quelconque activité professionnelle.

« Ce que nous recommandons souvent, c’est d’avoir de l’expérience avant de s’y lancer », a souligné l’ancien directeur général de l’École nationale des régies financières (ENAREF)

C’est donc à partir des expériences vécues que l’on peut identifier ses insuffisances de sorte à se positionner dans l’avenir. Ainsi, nous estimons qu’autour de la tranche d’âge de 40 à 45 ans, l’on peut commencer à envisager une reconversion professionnelle.

Le Salon international de la reconversion professionnelle de Ouagadougou (SIRPO) est une des initiatives-clés du CERE pour promouvoir la reconversion. Parlez-nous des objectifs spécifiques de cet événement et de la manière dont il pourrait stimuler les opportunités de reconversion.

Le SIRPO a été imaginé sous forme d’espace à la disposition de tous les acteurs qui interviennent dans la reconversion professionnelle. Aujourd’hui, vous avez au Burkina Faso et dans la sous-région, des structures qui accompagnent les retraités dans leur reconversion professionnelle. Et le SIRPO vient offrir un espace de débats et de partage entre tous les acteurs de ces structures de formation, de financement et de conseils qui apportent leur expertise en matière de reconversion professionnelle. Ce qui permet donc de faire de Ouagadougou, avec l’expérience des autres pays, le centre de réflexion sur des actions nouvelles et innovations liées à la reconversion professionnelle. Parce que nous estimons qu’elle est une nouvelle vie, notre vision est de susciter la réflexion des gouvernements, des pouvoirs publics, des ONG et associations sur la reconversion professionnelle, depuis la capitale burkinabè. Cela est donc une opportunité pour s’interroger sur quels pourraient être les métiers d’avenir à intégrer et les dispositifs à adopter pour une reconversion réussie.

« Il a été recommandé, à l’issue de la 1re édition du SIRPO, à l’État du Burkina Faso de mettre en place un dispositif beaucoup plus institutionnel d’accompagnement des salariés de la fonction publique qui sont proches de la retraite », Dr Amadou Nébila Yaro.

Nous pensons alors qu’il faut une politique beaucoup plus volontariste pour inciter les fonctionnaires du public à se reconvertir plus tôt et à se rendre encore plus utiles pour le développement de notre pays.

En tant qu’ancien ministre de l’Économie numérique du Burkina Faso, comment votre expérience gouvernementale a-t-elle influencé votre vision de la reconversion professionnelle et comment cela se reflète-t-il dans les objectifs du CERE ?

J’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de gens aussi bien sur le plan national qu’international durant mon mandat gouvernemental. J’ai pu voir que des personnes qui étaient pratiquement à la retraite ou des seniors ont entrepris dans le secteur de l’économie numérique. Toute chose qui m’a conforté dans mon idée que l’économie numérique pouvait être un tremplin pour se reconvertir professionnellement. J’ai vu également dans notre pays que les pouvoirs publics continuaient à employer des seniors. Je me suis dit alors que cette expérience gouvernementale devrait pouvoir non seulement servir à la structure que j’ai mise en place mais aussi à l’ensemble des structures du Burkina Faso. Mon passage au gouvernement m’a en effet permis de découvrir des exemples réussis de reconversion. Et je dirai également que je suis un produit de cette reconversion-là. Car j’ai commencé à travailler sur ces aspects bien avant même que je ne parte officiellement à la retraite.

Quel message aimeriez-vous partager avec ceux qui hésitent à franchir le pas de la reconversion professionnelle ?

J’ai un message d’espoir à l’endroit de ces personnes qui hésitent encore à franchir le pas de la reconversion professionnelle. Je crois qu’il faut qu’ils y aillent ! On a les moyens aujourd’hui de les accompagner. Il y a des financements qui ne demandent que des projets porteurs. On a aussi, de nos jours, des opportunités en matière de projets et d’emplois dans les domaines comme l’environnement, le développement durable, le numérique, la finance internationale, etc. En outre, en étant toujours actifs, ils rendent service à leur communauté et leur État. Ils participent au développement de la nation, créent de la valeur ajoutée pour ce pays qui n’a besoin que de la création de richesse pour une économie forte.

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Propos recueillis par Hamed NANEMA

Lefaso.net

Source: LeFaso.net