Le président de la délégation spéciale (PDS) de la commune de Ouagadougou a effectué une visite le vendredi 26 mai 2023 sur le site du marché à bétail de Lanoag-Yiri, situé à la sortie sud de Ouagadougou. Le PDS et sa suite, accompagnés de la presse, ont pu visiter des sites de vente de bovins, d’ovins et de caprins, etc. Lors de cette visite, la délégation y a découvert un abattoir clandestin et avait rassuré que des dispositions seront prises, de concert avec les premiers responsables du marché, pour mettre fin à cette pratique. Environ deux mois après, nous sommes repartis sur les lieux et rien n’est toujours fait ou envisagé. Une situation peu reluisante qui continue d’importuner la vie des riverains qui demandent la délocalisation de cet abattoir à ciel ouvert, sans aucun contrôle de vétérinaires.

Le 15 avril 2023, les commerçants de bétail du site de Ouaga Inter ont été déguerpis de force et réinstallés sur le site de Lanoag-Yiri. Sur ce nouveau site, en plus du commerce du bétail, un abattoir clandestin s’est installé dans l’arrière-cour du marché et des animaux sont abattus à ciel ouvert, sur place et sans aucun agent spécialisé pour le contrôle de la qualité de la viande, accusent des riverains.

Souvent même, selon les explications de quelques-uns d’entre eux, des animaux morts y sont dépecés et d’autres en agonie y sont achevés. Pire, les populations voisines se disent laissées à elles-mêmes, obligées de supporter ces odeurs nauséabondes jour et nuit. Malgré la visite des autorités communales sur les lieux, aucune mesure n’est prise pour non seulement soulager les populations riveraines mais aussi éviter que la viande de mauvaise qualité ne soit distribuée aux Ouagalais.

Voici ce qui se passe sur le site de cet abattoir à ciel ouvert (image prise lors de la visite du PDS de la commune de Ouagadougou le 25 mai 2023)

Au milieu de la viande accrochée sur place, de boyaux et de peaux d’animaux en putréfaction, d’excréments d’animaux, vendeurs et clients se côtoient dans une odeur pestilentielle et dans un bourdonnement infini d’essaims de mouches. C’est le constat qui se dégage à première vue de cet abattoir de fortune installé juste à l’arrière-cour et non loin des maisons d’habitation.

Pour Abdoulaye Déné, sexagénaire et riverain de cet abattoir de fortune, la situation devient insupportable aussi bien pour les enfants que pour les vieux. « Vraiment, les odeurs que dégage cet abattoir sont insupportables pour nous les riverains. Ce sont des odeurs de pourri. Rien que la nuit dernière, nous étions obligés de nous enfermer dans la maison, de tout boucler à cause des odeurs. Nous ne pouvons même pas rester dehors. Ces odeurs entraînent des ballonnements et des maladies. Le gros problème, ce sont les mouches. Tu ne peux pas manger sans que les grosses mouches de cet abattoir ne s’invitent dans ton plat. Tu prends une mangue et dès que tu la coupes, tu vas voir ces grosses mouches rappliquer. Avant l’installation de cet abattoir, nous ne connaissions pas ces désagréments », fulmine-t-il.

Abdoulaye Déné, riverain demande la délocalisation pure et simple de cet abattoir de fortune

« C’est une véritable préoccupation pour nous les riverains. Nous ne pouvons pas déplacer nos cours sinon cela devient vraiment insupportable. Je suis même allé là-bas. Les animaux sont tués sur place, les boyaux et les excréments jetés sur place et de surcroit sans aucun contrôle sanitaire. Cela crée des maladies sûrement et c’est nous les riverains qui sommes les premières victimes », explique-t-il.

Abdoulaye Déné invite donc les autorités compétentes à se pencher véritablement sur cette situation et de trouver une solution satisfaisante pour les deux parties, bouchers et riverains. « Nous ne sommes pas contre ces gens (bouchers), eux aussi ils cherchent leur gagne-pain mais nous n’avons plus un autre endroit pour y aller. Nous demandons donc aux autorités de trouver au plus vite une solution à ce problème. Elles peuvent leur trouver un autre endroit, loin des habitations afin qu’ils puissent exercer leur métier dans les normes », a-t-il souhaité.

Paul Congo, représentant les premiers responsables du marché à bétail de Lanoag-Yiri, reconnaît la situation difficile que vivent les riverains mais la compare à celles des abattoirs frigorifiques. « Concernant les odeurs dégagées par les activités de cet abattoir et les plaintes des riverains, c’est une réalité. Même entre nous ici, si quelqu’un tue un animal et jette les excréments sur place, il y a une odeur nauséabonde qui se dégage. Si tu es dedans, ça ne te dérange pas mais ceux qui n’y travaillent pas, ça les indispose, ils souffrent. Mais même l’abattoir frigorifique de Kossodo, si tu passes à côté, il y a toujours ces odeurs. Donc les odeurs sont les mêmes que celles de Kossodo. Mais si nous avons de l’accompagnement, nous allons travailler à arranger les choses pour le bien de tous, vendeurs, bouchers et riverains », explique-t-il.

Paul Congo, l’un des responsables du marché demande de son côté la construction d’un abattoir sur place

Pour lui, des mesures sont d’ores et déjà prises pour assainir un tant soit peu les lieux. « En ce qui concerne le marché, nous les responsables avons décidé d’ériger un mur pour éviter le désordre. Nous avons aussi décidé de nettoyer afin de rendre l’endroit plus propre et fréquentable et ne pas déranger le voisinage », nous confie-t-il. Un mur est en train d’être érigé pour, selon ses explications, limiter les installations désordonnées.

Paul Congo a profité de ces instants d’échanges pour égrener quelques préoccupations à l’endroit des premiers responsables de la commune de Ouagadougou. « Comme doléances, nous demandons encore aux autorités de revoir le cas du marché. Le marché de Lanoag-Yiri est un grand marché qui refuse toujours du monde, plus que tous les autres marchés à bétail de la ville. Chaque jour, plus de 500 têtes de bétail, de petits ruminants et au moins 100 têtes de gros ruminants sortent de ce marché. Malheureusement, le marché est très loin de l’abattoir frigorifique de Kossodo et de celui de Koubri. Quelqu’un peut venir acheter quelques têtes d’animaux pour se débrouiller et prendre soin de sa famille. Il est donc obligé de se déplacer jusqu’à Kossodo ou Koubri pour les contrôles de qualité. Cela rend leur tâche difficile », lance-t-il.

« Nous demandons donc aux autorités si possible, de construire un vrai abattoir aussi petit soit-il mais répondant aux normes exigées sur le site du marché de Lanoag-Yiri, cela va beaucoup nous soulager. Même avant l’abattoir, si nous pouvons avoir un vétérinaire sur place qui pourrait contrôler la santé des animaux et la qualité de la viande qui sortent de ce marché, ce serait déjà bien. Nous savons que l’abattoir ne peut pas être construit dans un court délai mais si nous avons un vétérinaire sur place, ça va résoudre pas mal de nos problèmes », a-t-il ajouté.

Vue partielle de l’affluence au marché de bétail de Lanoag-Yiri

Tout comme il l’avait fait lors de la visite du PDS, Paul Congo assure une fois de plus que de façon générale, au marché de Lanoag-Yiri, il n’y pas de problèmes. « Les gens s’entendent très bien et ça se passe plutôt bien au niveau des recettes. Il n’y a pas de grandes difficultés. Il y a de l’eau potable, de l’électricité, des toilettes. La seule préoccupation, c’est l’insécurité qui fait qu’on n’arrive pas à écouler le bétail comme avant, notamment vers Dori, Djibo, le Niger, etc. Nous demandons qu’il y ait la cohésion sociale et que la paix revienne au Burkina Faso », assure-t-il.

Pour M. Congo, depuis la visite du PDS, ce sont les responsables du marché qui ont constitué une délégation pour adresser une demande à propos de l’abattoir mais il n’y a pas encore de suite, précisant que les démarches sont toujours en cours.

Toutes nos tentatives pour prendre langue avec les services de la commune de Ouagadougou sont restées infructueuses jusqu’au moment où nous tracions ces lignes.

Aux dernières nouvelles, la police municipale a fait une descente inopinée sur les lieux ce mercredi 19 juillet 2023. « Cette action entre dans le cadre de lutte pour sauvegarder l’hygiène publique, la salubrité et prévenir les citoyens des produits impropres à la consommation publique », explique-t-elle sur sa page Facebook. « Au cours de cette opération, une trentaine de tête d’animaux composées de petits et de gros ruminants ont été saisis et remis au parc animalier Bangr-weogo pour alimenter les animaux qui s’y trouvent », selon la police municipale.

Mamadou ZONGO

Lefaso.net

Source: LeFaso.net