Face à la crise sécuritaire, plusieurs familles ont été contraintes de quitter leurs localités d’origine pour se réfugier dans les zones urbaines qu’elles pensent plus sécurisées. Désormais appelées personnes déplacées internes, certaines d’entre elles ont été accueillies dans les sites, par leurs parents ou par de bonnes volontés. Parmi ces personnes de bonne volonté, figure Dianbendé Madiaga, chef coutumier gourmantché résident au secteur 6 de la ville de Kaya.
Au 31 mars 2023, la seule commune de Kaya, chef-lieu de la région du Centre-nord, enregistrait 122 570 personnes déplacées internes, selon le Secrétariat permanent du Conseil national de secours d’urgences et de réhabilitation (SP/CONASUR). Halimata Sawadogo, Boureima Sawadogo et Kadidiata Sinka, pour ne citer que ceux-là, font partie de ces centaines de milliers de déplacés. Sauf qu’ils n’ont pas vécu les mêmes réalités que les autres. Pour cause, ils sont tombés entre les mains d’une bonne volonté qui leur a ouvert ses portes et même son grenier.
Venue de Bouroum, Halimata Sawadogo, reconnaît l’esprit de cohésion sociale qui règne chez leur hôte, malgré la diversité linguistique et ethnique. « Nous sommes venus chez le chef gourmantché depuis quatre ans, et il n’y a jamais eu de dispute entre nous. Il y a des Mossis, des Peulhs, des Gourmantchés, …. Et lorsque nous nous rencontrons, nous discutons de tout, on se taquine entre nous, grâce à Dieu, nous nous plaisons ici, car même nos enfants s’amusent ensemble, nous échangeons souvent en fulfuldé, gulmancema et même en mooré », s’est-elle réjouie.
- Halimata Sawadogo, déplacée venant de Bouroum
Comme elle, Boureima Sawadogo est déplacé de Arbinda, dans le Sahel. Accueilli par le chef à Kaya, Boureima se souvient toujours de premières heures de son arrivée. « Lorsque que nous avons quitté Arbinda, nous avons imaginé le calvaire qui nous attendait dans notre nouvelle localité, car on ne connaissait personne à Kaya. A notre arrivée à Kaya, nous avons eu la chance d’être reçu par le chef coutumier Madiaga ici au secteur 6, avec qui nous avons bénéficié d’une hospitalité qui nous a soulagé déjà » s’est réjoui Boureima Sawadogo. Pour lui, les problèmes ne manquent pas. Mais grâce à l’accueil et à l’orientation de ce chef qu’il qualifie de bonne volonté, ils ont toujours trouvé solution aux difficultés. A notre arrivée, nous avions pas mal de problèmes de logement et de nourriture mais grâce à l’hospitalité du chef coutumier, nous bénéficions de quoi se partager entre nous. Il n’y a jamais eu de malentendu entre le chef coutumier et nous. Nous passons la journée ensemble et tout va bien entre nous et notre prière est que le bon Dieu accompagne les dirigeants actuels du pays pour que la paix revienne au Faso », souhaite Boureima Sawadogo.
- Boureima Sawadogo déplacé venant d’Arbinda, dans le Sahel
« Nous nous sommes déplacés de Foubé pour venir à Kaya suite à la menace terroriste. A notre arrivée, c’était très difficile puisqu’on ne connaissait personne à Kaya. Nous sommes descendus au secteur 6 et c’est là que le chef gourmantché, nous a accueilli. Et depuis notre arrivée, nous nous sentons bien, tout se passe bien car nous sommes devenus une famille » se souvient Kadidiata Sinka, déplacée originaire de Foubé. Agée de la cinquantaine, dame Sinka reconnaît l’hospitalité du chef coutumier qu’elle qualifie d’unique en son genre. « Accueillir des étrangers chez soi, n’est pas chose facile, mais le chef nous a montré à quel point il voulait nous assister. Nous ne savions pas qu’il existe encore ce genre de personne, soucieuse des douleurs de ses semblables. Sincèrement depuis notre arrivée, nous sentons l’union et la fraternité entre nous et nous le remercions beaucoup. De la nourriture, de l’eau, nous en avons bénéficié venant de lui et nous lui sommes et resterons reconnaissants car la cohésion règne toujours depuis notre arrivée ».
- Kadidiata Sinka, déplacée venant de Foubé
Une cohésion qui se traduit à travers des mots de parenté à plaisanterie que dame Sinka ne perd pas de vue « Le seul problème, est que le chef ne me donne pas de l’argent pour que je vienne l’insulter à travers la parenté à plaisanterie », laisse-t-elle entendre en riant, devant le chef qu’elle qualifie d’esclave à travers la parenté à plaisanterie entre Yadcés et Gourmantchés.
Une cohabitation pacifique qui s’est transformée en vie de famille, à travers le partage sous l’initiative d’une personne de bonne volonté. Ces personnes partagent tout ensemble et souhaitent longue vie à l’homme qui s’occupe de 36 familles.
Ces efforts ont été reconnus par l’Etat et ses partenaires, qui ont fait du chef un ambassadeur de la paix en 2022. Qu’est ce qui a motivé cette hospitalité légendaire, comment est venue cette idée, cette initiative de ce chef coutumier ? Le désormais ambassadeur de la paix qualifie son geste de miséricorde. « Ce qui m’a poussé à accueillir les déplacées, c’est de la pitié que j’avais pour eux », a -t-il répondu. Entre accueil, orientation et recherche de solutions pour subvenir à leurs besoins, Dianbendé Madiaga, n’attendait rien en retour à travers ce geste d’hospitalité. « Je ne me suis pas basé sur quelque chose pour les accueillir, et non plus parce que je suis un chef coutumier, mais pour moi ce qui leur arrive peut aussi nous arriver un jour », explique-t-il.
- Dianbendé Madiaga, chef coutumier, ambassadeur de la paix
Au total, 36 familles ont bénéficié de l’hospitalité du chef coutumier, qui, au-delà de leur ouvrir sa porte, a orienté ses hôtes vers des structures chargées de l’assistance des PDI.
« J’ai accueilli dans ma cour 36 familles au total, et je les ai orientées vers l’action sociale et la mairie, et aussi contacté le HCR pour qu’ils viennent à notre secours. On a recensé mille personnes pendant trois mois dans ma cour ». A l’issue de ce recensement, l’hôte des 36 familles s’est approché des propriétaires terriens pour solliciter des espaces pour l’installation des abris que le UNHCR a promis. Une démarche qui a rencontré l’accord de Zakaria Sawadogo, qui a cédé son espace sans aucune incidence financière.
« Lorsque le chef coutumier Madiaga m’a approché pour m’expliquer son souhait, je n’ai trouvé aucun problème et je lui ai donné mon accord pour exploiter tout l’espace nécessaire pour l’installation des sites pour les déplacés internes qu’il a accueilli chez lui » explique le propriétaire terrien. Il dit avoir accepté de donner son espace pour l’installation des sites par miséricorde. « Ce qui arrive aux déplacées peut nous arriver un jour et comme nous avons hérité cet espace de nos grands-parents, je n’attends aucun franc pour le céder à un semblable en difficulté », a ajouté Zakaria Sawadogo.
- Zakaria Sawadogo, propriétaire terrien
Tout en saluant l’exemple de cohésion sociale et de générosité du chef gourmantché, Zakaria souhaite que d’autres bonnes volontés emboitent ses pas. « Depuis que les familles déplacées se sont installées, il n’y a jamais eu de problèmes de cohésion entre nous, tout se passe bien. Et je demande à tous ceux qui ont des espaces qui peuvent accueillir les déplacés de faire un effort pour les assister car la situation qui leur arrive actuellement nécessite que nous les assistons », va-t-il lancer.
La démarche de cette bonne volonté à l’endroit des 36 familles bénéficiaires de l’hospitalité qui reconnaissent les efforts de ce dernier, lui a prévalu un prix du Haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés (UNHCR), comme ambassadeur de la paix, qu’il dédie à toute la communauté vivant dans son quartier Bollé et à tous ceux qui ont compris et accompagné son geste.
Tibgouda Samuel SAWADOGO
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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