A Ouagadougou, comme partout ailleurs au Burkina Faso, la plupart des usagers des engins à deux roues ont une sainte horreur des rétroviseurs. Ils n’hésitent pas à les arracher dès l’achat de leurs motos. C’est classe, paraît-il, de rouler sans ces équipements. Le plus ahurissant, c’est que même certains agents des forces de l’ordre se sont laissés embarquer par cette mode qui peut coûter des vies.

A 22 ans, Antoine vient de décrocher son baccalauréat série D avec la mention assez-bien. C’est l’euphorie dans la famille Sorgho qui avait presque perdu espoir après les trois fiascos de leur rejeton. Fier de son unique garçon, benjamin d’une fratrie de quatre enfants, le père décide de se saigner pour offrir au nouveau bachelier une monture pimpante, achetée à Rood-Woko à plus d’un million de francs CFA. La moto est livrée à domicile avec un bon de vidange en bonus. Après avoir rangé le casque dans un coin de sa chambre, hop là ! Antoine part en vadrouille.

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Deux semaines se sont écoulées. Antoine est devenu la nouvelle coqueluche des tendrons du quartier. Il se fait désormais appeler Tony le motard. Ça sonne frais, d’après lui. En attendant, l’arrosage prévu fin juillet, le jeune homme compte bien profiter de sa nouvelle bécane. Chill Party les week-end dans les quartiers huppés de la capitale, chicha à gogo, compétition de cascades à la ZAD. Tony le motard se sent pousser des ailes.

Un soir de 10 juillet, de retour d’une soirée arrosée, Tony marque un arrêt à un feu tricolore au quartier Kamsonghin. Pour l’une des rares fois, il était lucide. Deux cent mètres derrière lui, Dagobert, un conducteur de camion, partait décharger une cargaison non loin de la cathédrale. A l’approche du feu tricolore, il perdit le contrôle de son camion en voulant freiner.

Malgré les klaxons, Antoine ne l’entendit pas car il avait monté les décibels de son casque Bluetooth. Malgré les zigzags que faisait le véhicule, à une cinquantaine de mètres, Antoine ne vit pas arriver le camion depuis son rétroviseur droit, car il n’en avait pas. Il les avait fait retirer par le mécano du quartier, car ces équipements donnaient, selon lui, un look efféminé à sa moto. Le choc a été violent, envoyant Antoine et sa moto valser hors de la chaussée.

L’histoire d’Antoine n’est pas réelle, mais aurait pu l’être. Combien sommes-nous à penser – surtout les hommes – que les rétroviseurs sont inutiles ? Cette erreur peut nous coûter cher. Certains accidents auraient pu être évités si les victimes avaient leurs rétroviseurs et les utilisaient. Si les rétroviseurs étaient si inutiles, pourquoi les conducteurs ne les retirent-ils pas de leurs voitures ?

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Les rétroviseurs servent d’extensions de notre vision en circulation. Ne pas les utiliser équivaut à conduire presque aveugle, car les rétroviseurs jouent un rôle crucial en permettant au conducteur d’anticiper les mouvements des véhicules et des motos qui approchent par l’arrière. Grâce à eux, il n’est pas nécessaire de tourner la tête avant de changer de voie ou d’effectuer un dépassement.

Si vous cassez le rétroviseur de votre moto accidentellement, ne perdez pas de temps pour le faire réparer ou le remplacer. Ne soyez pas comme ces personnes qui pensent pouvoir faire quelques virées sans rétroviseur.

Le plus grave dans nos villes, c’est que nos agents de sécurité, chargés de faire régner l’ordre en circulation, se sont laissés embarquer par cette mode du “sans rétroviseur”. Il n’est pas rare de voir des policiers rouler sans rétroviseurs que ce soit sur leurs propres montures ou celles offertes par leur service. Combien coûtent les rétroviseurs ? 2 000, 3 000 F CFA ? Votre vie vaut bien plus que ça : elle n’a pas de prix.

HFB

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Source: LeFaso.net