Après avoir entendu tous les prévenus impliqués dans le procès Vincent Dabilgou, l’heure est à l’audition des témoins pour éclairer le tribunal sur les zones d’ombre de cette affaire. A la barre ce lundi 26 juin 2023, madame Mamou Té, régisseur au ministère des transports au moment des faits et Clément P. Sawadogo, coordonnateur de l’Alliance des parties politiques de la majorité (APMP), ont donné leur part de vérité, respectivement sur ce qui est des questions de détournement de deniers publics et de blanchiment de capitaux.

Suspendue depuis le mardi 20 juin 2023 pour permettre au Nouveau temps pour la démocratie (NTD) de se dépêcher un nouvel avocat, l’audience a repris entre les murs du Tribunal de de grande instance. Le nouveau conseil du parti s’appelle Me Kiéma. D’entrée de jeu, il signale ne pas être au parfum de toutes les pièces versées au dossier, mais pour ne pas ralentir le procès, il estime qu’il s’adaptera au fur et à mesure. « On peut poursuivre les débats » dira t’il.

Après cette étape préalable, le tribunal a procédé à la vérification de l’identité des témoins. Plus d’une dizaine doivent comparaître et pour ouvrir le bal, s’est présentée sous ordre du tribunal, Madame Mamou Té. « Je jure de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. » C’est par cette formule, la main droite levée, qu’ a débuté la témoin avant de poursuivre avec sa version des faits pour ce qui est de ce procès. « J’ai touché en espèces 102 millions en plusieurs tranches puis après 28 millions fcfa. Le déblocage s’est fait pour le compte de la Société de gestion du patrimoine ferroviaire du Burkina. En tout cas, c’est ce qui était écrit sur les papiers. Ces sommes ont été remises au Directeur des affaires financières (DAF), Jean Gabriel Séré. C’était mon patron. A chaque fois que je lui remettais l’argent, je lui faisais signer une décharge. C’est en fin d’année que j’ai reçu les pièces justificatives de cette livraison de carburant et c’est M. Sigué qui m’a remis le contrat. Qui l’a élaboré, je ne sais pas. Je ne savais non plus pas que ces retraits d’argent devaient servir à financer le NTD » a t’elle témoigné.

Mis devant les faits, Jean Gabriel Séré reconnaît que les propos de Mamou Té sont vrais, en tout cas pour ce qui est des ordres qu’elle recevait. Toutefois, il précise que cette dernière était elle aussi au courant du fait que ce retrait d’argent devait servir à financer les activités du parti. « Tous les acteurs étaient informés que la procédure était irrégulière. Même la régisseur le savait et c’est pour ça qu’elle prenait des décharges pour pouvoir justifier plus tard. Pour ce qui est du contrat, ce n’est pas moi qui l’ai élaboré parce que c’est en décembre qu’il a été élaboré, j’étais en campagne en ce moment. »

Toujours selon le prévenu, tous ces retraits ont été faits sous ordre du ministre des transports d’alors, Vincent Dabilgou. Pour les avocats de ce dernier, il est inutile de faire trainer le débat. « On veut juste la preuve » ont ils insisté. De leurs dires, ils n’existent jusque là aucune preuve physique qui montre que leur client aurait ordonné ce retrait ou qu’il aurait reçu de l’argent de M. Séré. On ne peut donc par conséquent vouloir lui imputer des faits de détournement alors que les preuves en la matière sont défaillantes.

Après Mamou Té, a comparu l’ex ministre de l’administration territoriale, Clément Sawadogo. Après avoir juré à son tour, le tribunal l’a interrogé sur le montant affecté au NTD pour sa campagne en 2020, lui qui comparaît en sa qualité de coordonnateur de l’Alliance des partis politiques de la majorité (APMP). « Il y avait environ 66 partis au sein de l’APMP. Chacun a reçu un soutien financier et pour le Nouveau temps pour la démocratie, nous avons remis 80 millions fcfa en espèces au président du NTD. Cette somme a été remise au président du NTD parce que c’est lui qui représente le parti dans ses actes de la vie commune. Cela s’est fait en deux tranches. D’abord 50 millions, puis après 30 millions. Mais je tiens à préciser que tous les partis n’ont pas reçu leur argent au même moment. Ce n’est pas une cantine qui était posée devant moi et dans laquelle je puisais pour remettre aux présidents de partis » a t’il clarifié.

Pour le procureur, les textes en matière de transactions pour ce qui est d’un certain montant ne donne le droit ni au coordonnateur de l’APMP, ni a n’importe qu’elle autre personne, de remettre de l’argent en espèces à l’emporte pièce. « Ce que vous dites est grave. C’est même très grave. Est ce que vous pensez que les politiques peuvent déroger aux règles prévues par nos espaces intégrés qui précisent comment les transactions doivent se faire ?

Vous en tant qu’ancien ministre, vous qui avez occupé tous les postes de responsabilités que l’on connait, est ce que vous pensez qu’on peut déroger à cela ? M. le président, je note simplement que les textes sont clairs pour ce qui est des transactions et on ne peut pas partager de l’argent en espèces comme si on vendait des beignets » a clamé le procureur.

L’audience reprend le mardi 27 juin 2023 à 8h avec le même ordre du jour : l’audience des témoins.

Erwan Compaoré

Lefaso.net

Source: LeFaso.net