Les jeunes du mouvement SENS (Servir et non se servir) ont organisé un café littéraire dans l’après-midi de ce dimanche 25 juin 2023 à Ouagadougou. Objectif, réunir plusieurs jeunes de divers horizons afin de réfléchir sur des solutions endogènes aux crises que traversent plusieurs pays africains dont le Burkina Faso. Et c’est ‘’La lettre ouverte à la jeunesse » de l’écrivain malien Amadou Hampâté Ba qui a fait l’objet de réflexion et d’échanges entre ces jeunes soucieux de l’avenir du continent africain.

Dans le but de jouer leur partition dans la lutte contre le terrorisme, des jeunes se sont réunis afin de s’inspirer des conseils de l’éminent écrivain malien Amadou Hampâté Ba qui de façon ‘’prémonitoire » décrivait la situation actuelle de certains pays africains dont le Burkina Faso à travers une lettre adressée à la jeunesse africaine. Dans cette lettre, l’écrivain y alerte sur les éventuelles crises liées à la mondialisation, la perte des valeurs culturelles qui pourraient survenir dans les contrées africaines et propose des solutions pour prévenir ou y faire face. Ouverture d’esprit, cohésion sociale, paix, diversité, dialogue et compréhension mutuelle, ce sont entre autres les principaux sujets abordés dans cette lettre d’Amadou Hampâté Bâ.

C’est pour découvrir ce contenu et le partager avec d’autres jeunes que se tient ce présent café littéraire initié par les jeunes du mouvement SENS. Militants de partis politiques, d’organisations de la société civile, de mouvements associatifs, du monde estudiantin et professionnel, ces jeunes veulent puiser les solutions endogènes léguées par Amadou Hampâté Ba afin de faire face aux crises sécuritaires, humanitaires et socio-politiques que vivent bon nombre de pays africains dont le Burkina Faso.

Sibila Samiratou Ouédraogo, militante du mouvement SENS a indiqué que cette rencontre se veut être un cadre pour essayer de trouver des solutions endogènes à la crise sécuritaire que vit le Burkina Faso

Sibila Samiratou Ouédraogo, juriste publiciste de formation et militante du mouvement SENS est membre du comité d’organisation de ce café littéraire. Elle fut également la plus jeune candidate aux élections législatives de 2020 au Burkina Faso. Pour elle, l’organisation de ce café littéraire s’inscrit dans un cadre de réflexion sur la crise multidimensionnelle que traverse actuellement le Burkina Faso. « Il s’agit notamment de la question sécuritaire, foncière et celle des déplacés internes où on appelle à la solidarité internationale. Il s’agit ici d’essayer de trouver des solutions endogènes, des solutions dans notre culture qui pourraient nous permettre de venir à bout de ce phénomène parce que la guerre n’est pas que militaire. Nous estimons que pendant que les militaires font leur travail au front, nous civils jeunes, devrons jouer notre partition. Et nous espérons pouvoir trouver des réponses dans cette lette d’Amadou Hampâté Ba. Avec ces jeunes venus de divers horizons, notre vision est de créer une dynamique d’action parce que l’heure n’est pas à la division. Nous sommes convaincus qu’il faut se donner la main pour mener ce combat parce que c’est le Burkina Faso de tous et nous avons intérêt à ce que cette transition réussisse », explique-t-elle.

En termes de perspectives, elle espère qu’après cette activité « chaque participant de retour dans sa communauté, dans sa cellule d’engagement puisse retransmettre le message afin qu’on puisse revenir aux solutions endogènes face à la crise qui mine le Burkina Faso ». Sibila Samiratou Ouédraogo espère décentraliser ces rencontres surtout dans les zones à fort défi sécuritaire afin de renforcer davantage la cohésion sociale.

Cette initiative est fortement appréciée par les participants. Moussa Dicko, étudiant et militant du mouvement SENS ainsi que des associations de défense des droits humains y voit une occasion de partage d’expériences entre jeunes. « J’apprécie cette rencontre de façon positive et la mobilisation des jeunes venus de différents horizons donne un intérêt particulier à cette lettre. Cette lettre écrite depuis le XXe siècle nous parle énormément. Cette lettre nous parle de culture, les conflits meurtriers, d’agriculture, d’économie, de paix, de technologies, etc. Les jeunes doivent essayer de se connaître à travers notamment ces genres de rencontres, il faut aller à l’école des autres car cela permet de partager des expériences, de sensibiliser afin de pouvoir changer positivement les choses en retournant notamment aux valeurs endogènes », a-t-il défendu.

Moussa Dicko, militant du mouvement SENS et participant a invité les jeunes aller à l’école des autres car cela permet de partager des expériences afin de pouvoir changer positivement les choses en retournant notamment aux valeurs endogènes

Sadjata Justine Compaoré, juriste d’affaires, promotrice d’une entreprise spécialisée dans l’agroalimentaire et militante associative est venue participer à ce café littéraire afin de découvrir le contenu de cette lettre dont elle entendait parler depuis. Elle dit sortir satisfaite après ces échanges. « Amadou Hampâté Ba avait déjà vu ce qui venait et avait déjà proposé des solutions endogènes qui pourront venir à bout de ces crises, de faire en sorte qu’on ne soit pas dans cette situation actuelle malheureusement. Et comme nous n’aimons pas lire, nous n’avons pas vu la chose venir et voilà qu’on est en plein dedans », regrette-t-elle.

« Ce qu’on peut faire, c’est vulgariser le contenu de la lettre afin de toucher le maximum de personnes et tirer les leçons qui y sont pour pouvoir venir à bout de ces problèmes et amorcer un véritable développement socio-économique. J’invite donc les jeunes à prendre connaissance de la lettre, la lire profondément et la partager avec les autres pour pouvoir trouver des solutions endogènes à nos problèmes », conseille Sadjata Justine Compaoré.

Sadjata Justine Compaoré, participante a invité les jeunes à s’approprier le contenu de la lettre d’Amadou Hampâté Ba, le partager avec les autres pour pouvoir trouver des solutions endogènes aux problèmes du pays

Dans cette lettre, Amadou Hampâté Ba alertait déjà la jeune génération : « Jeunes gens, derniers-nés du vingtième siècle, vous vivez à une époque à la fois effrayante par les menaces qu’elle fait peser sur l’humanité et passionnante par les possibilités qu’elle ouvre dans le domaine des connaissances et de la communication entre les hommes. La génération du vingt-et-unième siècle connaîtra une fantastique rencontre de races et d’idées. Selon la façon dont elle assimilera ce phénomène, elle assurera sa survie ou provoquera sa destruction par des conflits meurtriers. Dans ce monde moderne, personne ne peut plus se réfugier dans sa tour d’ivoire. Tous les États, qu’ils soient forts ou faibles, riches ou pauvres, sont désormais interdépendants, ne serait-ce que sur le plan économique ou face aux dangers d’une guerre internationale. Qu’ils le veuillent ou non, les hommes sont embarqués sur un même radeau : qu’un ouragan se lève, et tout le monde sera menacé à la fois. Ne vaut-il pas mieux essayer de se comprendre et de s’entraider mutuellement avant qu’il ne soit trop tard ? ».

Il a ensuite encouragé cette jeunesse qui grandit et se forme dans un monde bipolaire où les blocs d’intérêt s’affrontent et se déchirent, à « faire émerger peu à peu un nouvel état d’esprit, davantage orienté vers la complémentarité et la solidarité, tant individuelle qu’internationale ». Car, rappelle-t-il, « à notre époque si grosse de menaces de toutes sortes, les hommes doivent mettre l’accent non plus sur ce qui les sépare, mais sur ce qu’ils ont de commun, dans le respect de l’identité de chacun. La rencontre et l’écoute de l’autre est toujours plus enrichissante, même pour l’épanouissement de sa propre identité, que les conflits ou les discussions stériles pour imposer son propre point de vue ».

Les différents participants à ce café littéraire

Défenseur de la société africaine traditionnelle, qui reconnaît qu’elle avait « ses tares, ses excès et ses faiblesses », Amadou Hampâté Bâ attire l’attention sur le fait qu’elle « était avant tout une civilisation de responsabilité et de solidarité à tous les niveaux, y compris à celui de l’environnement ».

En rappel, né en 1901 à Bandiagara, au Mali, et mort le 15 mai 1991 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, Amadou Hampâté Ba est un écrivain et ethnologue malien, défenseur de la tradition orale, notamment peule et auteur de plusieurs livres à succès comme ‘’L’étrange destin de Wangrin » et bien d’autres. Le 18 novembre 1960, il lance lors de l’assemblée générale de l’UNESCO son appel : « En Afrique, quand un vieillard traditionaliste meurt, c’est une bibliothèque inexploitée qui brûle ». Cette formule devient proverbiale. Il est aussi appelé le « Sage de l’Afrique ».

Mamadou ZONGO

Lefaso.net

Source: LeFaso.net