Dans la dynamique de reconquête du territoire national, les militaires et Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), engagés sur les théâtres des opérations passent par divers moyens pour assurer la sécurité. Tout n’est pas que militaire. En fin de mission, « Pharaon », le chef de détachement de la gendarmerie de Solhan, nous fait la confidence des actions civilo-militaires accomplies par son équipe sous son leadership.

Tout a commencé le 26 décembre 2022. Le lieutenant surnommé « Pharaon » et ses hommes sont déployés à Solhan, dans la région du Sahel. Leur mission a consisté à la sécurisation et la protection des populations.

Avant d’être déployée, cette équipe avait sa petite idée. « La lutte actuelle ne se fait pas seulement par les armes. On ne va pas gagner cette guerre juste par l’usage des armes. Il fallait joindre l’utile à l’agréable ». Telle était la conviction de cet officier.

En plus de la question sécuritaire, la vie est très difficile dans cette zone, située à une centaine de kilomètres de Dori. « Il y avait la famine et les populations souffraient. Quand nous sommes arrivés, nous avons aussi fait des actions civilo-militaires, c’est-à-dire une panoplie d’actions qui vont permettre de rapprocher le militaire de sa population », confie le chef du détachement.

Le Pharaon et ses hommes au contact de la population afin de renforcer leur lien

Les gendarmes ont voulu montrer aux populations de leur zone d’intervention qu’ils sont là pour « leur bien » et pour « lutter pour eux ». Ainsi, en plus des vivres octroyés par l’État aux populations de Solhan, ils leur ont fait un don de vivres à partir de leurs propres moyens. Il s’est agi essentiellement de riz et d’huile pour les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).

En plus des VDP, les gendarmes ont géré des cas sociaux, notamment de femmes sans maris qui se retrouvaient à élever quatre à cinq enfants. « Elles ont également bénéficié de ces vivres », nous raconte Pharaon.

Des zones de pâturage sécurisées

A l’image de toute la région du Sahel, Solhan est une zone où l’élevage est l’une des activités principales. Avec le concours des Forces de défense et de sécurité (FDS), avec la contribution des VDP, des zones de pâturages communautaires ont été créées. L’objectif était d’éviter le rap des animaux. Et ce sont les VDP qui étaient chargés de superviser ces zones. « A cause des attaques terroristes, plusieurs personnes ont perdu leurs animaux. Le peu d’animaux qui restait, il fallait les sécuriser », nous confie le jeune officier.

« Je fais des sensibilisations aux populations. Je les laisse s’exprimer », selon le chef du détachement

Cette action a permis aussi de protéger des bergers qui devaient effectuer de longues distances pour chercher de l’herbe pour leurs animaux. « Pour éviter qu’un berger ne se retrouve isolé avec son troupeau, nous avons mis en place des pâturages communautaires. On a décidé de rassembler tous les animaux dans les zones où il y avait de l’herbe », justifie le chef du détachement.

« Ce sont vous les premiers terroristes ici »

Parmi les actions civilo-militaires, il y a aussi la baisse des prix des produits de grande consommation. Etant arrivés à Solhan, les gendarmes ont trouvé qu’un sac de riz se vendait à 70 000 FCFA, un paquet de cigarettes coûtait 10 000 FCFA. « Les prix étaient vraiment exagérés. On a rassemblé tous les commerçants et on a fait une sensibilisation. Nous avons fait des rencontres pendant trois jours. Le premier jour, c’était des conseils pour une prise de conscience. A partir du deuxième jour, ils ont compris le bien-fondé de l’idée et ils ont vu que ce qu’ils faisaient n’était pas bien et ils ont arrêté. Le paquet de cigarettes qui coûtait 10 000 a été ramené à 2 000 FCFA. On s’est assis et on a revu les prix en vigueur, article par article. Et chaque commerçant était tenu de respecter les prix en vigueur », a expliqué le lieutenant.

De son témoignage, on retient que la tâche n’a pas été facile au début. Pour amener les commerçants à adopter une autre posture, Pharaon et ses éléments ont dû utiliser des mots assez durs pour toucher les sensibilités. « Quand je suis arrivé, j’ai dit aux commerçants : ce sont vous les premiers terroristes ici. Au début, ils n’ont pas compris cela. Quand je leur ai expliqué que c’est par leur faute que la vie était difficile à Solhan et je leur ai montré des exemples, ils ont compris que c’était vrai », relate-t-il.

Pharaon et son équipe ont organisé une journée d’excellence scolaire pour encourager les enfants

Lorsque les prix des produits de grande consommation ont été revus, Solhan a eu un nouveau souffle de vie. « Quand on a baissé les prix, automatiquement, toute la chaîne a baissé ; la vie est devenue plus simple. Le citoyen pouvait s’acheter du riz et manger. Avant, c’était invivable ».

Langue de conversation

Ne parlant pas la langue fulfuldé (langue majoritairement parlée dans la région du Sahel), le lieutenant se fait assister par deux traducteurs. Il fait savoir aussi qu’une partie importante de la population parle le mooré (l’une des langues nationales) et il arrive un moment où même s’il parle le français, la population dit avoir compris et il n’était plus nécessaire de traduire. « Les rencontres étaient animées. On échangeait et chacun apportait son expérience ». Même au sein de la population, lorsque quelqu’un apporte une idée qui est réaliste, les autres décident de l’appliquer, confie-t-il.

« Nous avons une marge d’initiatives »

Au regard de toutes ces initiatives prises par le jeune officier et ses hommes, l’on a le droit de se demander si la hiérarchie est informée de tout ce qui se passe. Au cours des échanges, on réalise que « tous les moyens sont bons, pourvus qu’ils soient efficaces », comme on a coutume de le dire.

Le lieutenant s’est dit très touché par la collaboration durant sa mission.

Actuellement, un officier doit avoir des initiatives, indique le lieutenant. « Quand on t’envoie sur le terrain, c’est à toi de mettre toutes les conditions à profit pour que ta mission se passe bien. Ce que les chefs attendent de nous, ce sont les comptes rendus ». Toutefois, s’il y a des actions qui nécessitent des instructions des supérieurs, ils sont saisis, précise Pharaon. « Nous avons une marge d’initiatives. Nous sommes une structure bien organisée », ajoute-t-il.

Toujours selon le récit de Pharaon, il a gardé le contact avec des gens de Solhan. Etant à Ouagadougou, il continue de recevoir des messages d’enseignants et d’autres personnes qui vivent sur place. C’est un militaire fier de sa mission que nous avons rencontré et avec qui nous avons échangé. Pour sa première expérience sur le terrain, il tire satisfaction de la tâche accomplie. « Tout ce que j’avais prévu faire, très sincèrement, j’ai tout réussi. Dieu m’a aidé ! » se réjouit Pharaon.

Au moment des échanges, l’ancien chef du détachement de Solhan note que ce qui restait, c’était l’arrivée du convoi avec le ravitaillement. Ce convoi en question était arrivé vers le 20 mai 2023, avant le repli de Pharaon et de ses hommes vers Ouagadougou.

Cryspin Laoundiki

Lefaso.net

Source: LeFaso.net