Le 12 juin 2023 à Yaoundé, s’est éteint un lion indomptable. Le lion qui est mort peu avant minuit ce lundi soir s’appelait Ni John Fru Ndi. C’est à l’âge de 81 ans que le leader charismatique du Social Democratic Front (SDF) a livré sa dernière bataille en poussant son dernier souffle. Il devait fêter ses 82 ans le 7 juillet soit dans quelques jours. C’était lui la figure de l’opposant historique à Paul Biya. Il aura été le caillou permanent dans le soulier du dictateur qui règne sur le Cameroun depuis plus de quarante ans.
Pourtant ces deux hommes qui se sont battus l’un contre l’autre lors de trois élections présidentielles n’ont pas toujours été des adversaires politiques. Quand John Fru Ndi commence la politique, c’était au temps du parti unique. Il n’y avait que l’ancêtre du Rassemblement démocratique du peuple du camerounais (RDPC) de Paul Biya : l’Union nationale camerounaise (UNC), et c’est au sein de l’unique formation qu’il s’engage en 1980. Paul Biya prend le pouvoir en 1982, par ce que certains considèrent comme l’un des coups d’Etat les plus originaux au monde. D’abord ce n’est pas un putsch, car ni militaire ni coups de feu ne furent nécessaires au changement politique qui aurait consisté à duper le président Ahidjo que ses jours seraient comptés du fait d’une mystérieuse maladie incurable et celui-ci démissionne et lui cède le pouvoir.
En 1984, il renomme l’UNC en RDPC et John Fru Ndi quitte le RDPC en 1990 ; pour fonder le SDF avec l’instauration du multipartisme. La création du parti d’opposition est vécue comme un casus belli par le RDPC et son gouvernement qui abattent une répression sanglante sur la première manifestation publique du parti. Mais c’est en vain qu’ils agissent, le SDF déclenche les journées villes mortes au long de ces années 1990 jusqu’aux élections présidentielles où Fru Ndi est vu comme l’opposant radical à Biya. L’élection présidentielle de 1992, la première avec Fru Ndi, restera dans les annales comme la première élection présidentielle, avec plusieurs candidats et la plus ouverte du Cameroun depuis l’indépendance.
Anglophone non sécessionniste
John Fru Ndi est originaire de Bamenda, une des provinces anglophones du Cameroun, mais son charisme et sa défense de l’unité nationale vont faire de lui un homme politique national pas d’une région, d’une ethnie ou d’une zone linguistique. Au Cameroun, les anglophones ne sont que 20% de la population du pays, mais c’est 35,97% des suffrages qui se porteront sur lui. Le Cameroun est l’un des rares pays où l’élection a lieu en un seul tour. Et Paul Biya n’a eu que 39,98% des suffrages. Maïgari Bello Bouba, 19,2 %.
Le taux de participation élevé de 72 % montre l’enthousiasme et l’espoir d’alternance qu’a suscité l’élection. Ce résultat est contesté et donne lieu à des émeutes violemment réprimées dans les bastions de l’opposition. John Fru Ndi dénonce les fraudes et revendique la victoire. Il boycottera l’élection de 1997, et se représentera en 2004 et 2011 qui sera sa dernière campagne. John Fru Ndi est partisan d’un Cameroun uni, avec un fédéralisme tout au plus mais pas pour une indépendance. Ce qui va lui coûter très cher de la part des extrémistes indépendantistes qui vont brûler sa maison et l’enlever.
La maladie emporte celui qui a suscité l’espoir de mettre fin au règne de Paul Biya. Il part sans avoir pu se retirer officiellement de la direction de son parti comme c’était prévu pour le congrès à venir. Il laisse le souvenir d’un combattant infatigable qui jamais n’a abandonné la lutte.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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