Les agents de santé du CHU Bogodogo ont manifesté le 12 juin 2023 leur mécontentement à travers un mouvement d’humeur. Ils ont déposé une lettre de protestation à la direction générale de l’hôpital. Le secrétaire général de la sous-section du Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) du CHU Bogodogo donne les raisons de leur manifestation.

Lefaso.net : Hier lundi 12 juin 2023 à l’hôpital de Bogodogo, il y a eu un mouvement d’humeur des infirmiers. Quelles sont les raisons de ce mouvement ?

Sié Hien : Je suis le secrétaire général de la sous-section du SYNTSHA du CHU Bogodogo. Le SYNTSHA ne regroupe pas que les infirmiers. Le SYNTSHA est le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale. Tous ceux qui travaillent dans le domaine de la santé humaine et animale sont concernés par notre syndicat. Ou peuvent être membres de notre syndicat et beaucoup sont membres. Peut-être que dans ce problème particulier que vous avez appelé mouvement d’humeur, les gens ont remarqué que les infirmiers étaient les plus nombreux. Mais le problème ne concerne pas que les infirmiers. Le problème concerne tous les agents de santé qui se reconnaissent dans le SYNTSHA.

Quelles sont les raisons du mouvement d’humeur d’hier ?

L’ensemble des travailleurs de la santé humaine sont soumis depuis 2017-2018, si je ne m’abuse, à une loi qu’on appelle fonction publique hospitalière. C’est une loi qui donne une certaine particularité à ce secteur de la santé humaine. Cette loi avait été proposée par le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré. Et le SYNTSHA avait relevé des problèmes depuis lors, puisque le SYNTSHA n’a pas participé à la finalisation de ce document.

C’est à la dernière minute avec les négociations pour obtenir notre protocole d’accord que le SYNTSHA a participé. Sur tous les points de désaccord dans la loi en son temps, le gouvernement avait rassuré le SYNTSHA que dans le cadre des négociations pour le protocole d’accord, des solutions allaient être trouvées. Parmi les points de désaccord, se trouvent les horaires de travail. Le mouvement d’humeur d’hier c’est dans le cadre des horaires de travail.

Qu’est-ce que vous dénoncez exactement au niveau des horaires de travail ?

La fonction publique hospitalière prévoit 40 à 45 heures de travail hebdomadaire sans la garde. Alors que vous savez que, quand l’agent de santé est de garde, il fait aussi du service. Selon les conventions internationales ratifiées par le Burkina Faso, notamment les conventions de l’Organisation internationale du travail, il doit assurer 40 heures de travail hebdomadaire, pas plus. Nous avons dit qu’il faut que les 40 heures soient respectées, sinon pas de garde obligatoire.

On ne peut pas me demander de faire plus de 40 heures hebdomadaires et m’obliger à faire une garde de 14 à 15 heures. D’abord, quand tu prends 40 heures + 15 heures, ça fait 55 heures de travail. Nous avons appelé ces horaires de travail des horaires esclavagistes. Parce que c’est de l’esclavage moderne. Le SYNTSHA a rejeté au plan national ce décret d’application de ces horaires de travail. Et le gouvernement avait appelé au calme pour les négociations, pour voir si on pouvait faire la relecture de la loi.

Jusqu’à l’heure où nous vous parlons, personne ne nous est revenu pour dire que le décret va être appliqué de force. Ce n’est qu’au CHU Bogodogo que les gens veulent appliquer ce décret. Cette année, ils ont élaboré un manuel de garde qui reprend les horaires de travail de la fonction publique hospitalière. Notamment, si tu descends de garde, tu as 24 heures de repos. Alors que tu quittes l’hôpital autour de 9h-10h. Et le lendemain matin, tu dois reprendre le service. On est en train de nous transformer en agents asociaux. Parce qu’on ne peut pas participer aux activités de la communauté.


Qu’est-ce que vous avez écrit dans votre plateforme revendicative ?

Nous avons déposé une plateforme revendicative en 2022. Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de réponse. Et dans la plateforme, nous avons été clairs dès le préambule. Que nous rejetons, à l’image du bureau national, les horaires de travail de la fonction publique hospitalière que nous traitons d’esclavagiste. Donc dans ce mois, quand ils ont voulu faire passer le manuel de garde qui reprend les horaires de travail de la fonction publique hospitalière de force, nous avons écrit une lettre de protestation à l’endroit du directeur général pour l’informer de notre refus d’application des horaires de travail de la fonction publique hospitalière et du manuel de garde qui est un document non consensuel puisque le document doit être validé avec l’ensemble des partenaires sociaux. Quand nous sommes arrivés à la rencontre, nous leur avons posé le problème des horaires de travail. Ils nous ont dit que ce n’était pas à discuter. Donc nous avons quitté la salle.

Est-ce que vous avez obtenu une réponse à votre lettre de protestation ?

Nous avons tenu une assemblée générale le 9 juin. Et le même le matin du 9 juin, nous avons rencontré le directeur général sur son invitation de la veille. Il nous avait demandé de lui laisser le temps au sortir de notre assemblée générale pour qu’il s’organise avec son administration pour nous revenir. Nous lui avons dit que nous sommes ouverts également au dialogue. Mais nous lui avons signifié clairement que c’est l’assemblée générale qui décide.

Et l’assemblée nous a mandaté de lui écrire une lettre pour lui dire que nous rejetons les horaires de travail de la fonction publique hospitalière, dont le manuel de garde. Comme les programmes sont affichés dans les services, nous avons tout enlevé puis nous sommes allés lui remettre. Et nous lui avons suggéré de faire sortir une note qui met fin à ce programme en attendant les concertations.

Ce qui n’a pas été fait jusqu’à ce que nous marchions pour aller lui remettre le programme hier matin. Hier à 13h10mn, nous avons reçu une correspondance qui nous invite à une discussion aujourd’hui (13 juin 2023, Ndlr) à 14h, sur notre plateforme revendicative et sur notre manuel de garde. Donc vous voyez qu’il a fallu qu’on manifeste pour qu’on nous appelle pour discuter de notre plateforme revendicative et du manuel non consensuel déposé depuis 2022.

Donc si à votre rencontre de ce soir si vous ne trouvez pas d’accord vous allez organiser une manifestation ?

Notre souhait est que nous parvenions à un accord, à partir du moment où tout le monde est unanime que la lutte est légitime. Il s’agit d’une lutte pour protéger l’ensemble des travailleurs. Il s’agit d’une lutte pour plus de résultats dans notre hôpital. Si le travailleur n’est pas esquinté, il produit plus. Mais si vous l’esquintez avec un programme chargé, il ne pourra pas être efficace. Il y a des programmes qui vont de 54 à 64 heures dans la semaine.

Si vous faîtes ça en 5 ans, vous êtes fatigué et vous êtes malade. Alors que nous n’avons pas de médecin de travail. Ça fait partie de notre plateforme de revendications. Donc si nous sommes malades, nous sommes obligés d’aller nous aligner comme tout le monde et payer les frais comme tout le monde. Parce que le système d’exonération négocié et accepté par le gouvernement dont le décret d’application est sorti n’est pas appliqué au CHU Bogodogo.

Quel message avez-vous pour votre mot de fin ?

J’appelle les travailleurs à rester mobilisés pour défendre leurs droits. Nous avons signifié à la direction générale de l’hôpital que le bureau est déterminé à poursuivre ses revendications, si nécessaire. L’évolution de la situation dépendra des réponses que nous aurons. Il faut savoir que nous luttons également pour faciliter l’accès aux soins à la population. Cela fait partie de notre plateforme revendicative. Je remercie Lefaso.net pour l’intérêt accordé à la lutte légitime des travailleurs du CHU Bogodogo.

Interview réalisée par Rama Diallo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net