Si jusque-là le tribunal s’est attelé à écouter les prévenus, notamment les différentes entreprises inculpées sur des questions d’ordre général, l’audience du mardi 21 février 2023 a consisté au début même des hostilités dans le fond et ce, avec des questions qui ont trait directement au drame survenu dans la soirée du 30 décembre 2022. A la barre, Benjamin Yaovi Lokossou, technicien en génie civil de profession par ailleurs chef de chantier, a expliqué les faits tels qu’il les entend.

Les travaux sur le site de l’aéroport de Donsin ont débuté en novembre 2020 et selon les prévisions, la dalle devait être coulée depuis le 20 décembre 2022. « Cette date était un premier pronostic, c’est à dire une évaluation en fonction de ce qui était déjà fait. Mais les ferrailleurs ont pris du retard. Il y a eu des jours fériés où il y a eu des absences aussi. Finalement, nous n’avons pas pu le faire. La deuxième cause est due au fait qu’on n’avait pas de pompe. La pompe était en panne, donc il fallait attendre une autre pompe. C’est l’administration qui a finalement décidé que c’est le 30 qu’on devait faire la dalle. C’est ainsi que la pompe a été louée pour continuer les travaux à cette dernière date » a laissé entendre le prévenu.

Pour mieux apprécier la situation, il est revenu, après demande de Me Ouali, sur les faits au jour même du drame, lui qui a miraculeusement échappé à la mort, vu qu’il était sur le coffrage qui a cédé. « Franchement c’est une histoire. C’est toute une histoire même. Ce jour-là j’étais sur la dalle depuis le matin. Quand les chefs de chantiers sont venus, je leur ai dit de venir me remplacer pour que j’aille manger parce que j’étais là-bas depuis le matin. Normalement si c’était un problème d’étayage comme on veut le faire croire, on devait au moins sentir que la dalle s’écroule au fur et à mesure. Ça nous aurait donné le temps de courir quitte à ce que l’effondrement nous rattrape. Mais il n’y a pas eu de signal. En une fraction de seconde tout s’est effondré », a-t-il rappelé.

Pour en venir à sa mission sur le chantier, il explique qu’il est en effet celui qui assure la lecture des plans, la sécurité de la zone géographique de son travail ainsi que la bonne exécution des travaux. Une fois les travaux finis, APAV fait la réception, émet si besoin est des réserves avant que le tout ne soit soumis à MEMO.

Pour ce qui est de la réalisation des travaux, précisément le coulage du béton, il souligne que la tâche d’APAV consiste à un contrôle technique. « Le laboratoire de APAV est libre de prélever le béton à tout moment. Il peut le faire avant ou pendant même qu’on coule le béton. Mais moi, pour être sûr de la qualité, j’ai demandé à Aziz Kaboré, un des employés, de prélever le béton et de s’assurer de la qualité. Ça s’appelle un prélèvement contradictoire. Ça nous permet de nous défendre au cas où il y a un problème. Toutefois, cela n’exclut pas que APAV le fasse, vu que son contrôle même est souvent inopiné. Le 30 décembre 2022, avant de couler le béton j’ai appelé mon conducteur de travaux, Amoussou Gildas, qui était en partance pour le Benin. Je lui ai dit que je veux couler le béton mais APAV n’est pas là. Dans la pratique, c’est lui qui donne le top départ. Il m’a dit de démarrer et que APAV viendrait. Mais jusqu’à la fin du coulage de béton, APAV n’est pas venu ».

Pour ce qui est des étais, la question lui fut posé par le tribunal de savoir s’ils étaient neufs. A cela il répondra : « je ne sais pas si les étais étaient vieux ou neufs. Dans une partie, on a utilisé des étais métalliques. A ce niveau, c’est difficile de savoir s’ils sont de qualité ou pas, vu qu’il n’y a pas une machine ou une institution chargée de vérifier cela. Il y en a qui paraissent neufs mais qui ont duré dans le magasin. Il y en a qui, dès qu’on les voit on sait qu’on ne peut pas les utiliser. Mais pour les étais en bois, on exigeait une certaine grosseur et on appréciait leur solidité à l’œil nu. Y avait pas d’autres moyens ».

A la question de savoir si des recommandations étaient préalablement formulées par le contrôleur externe qui est le groupement Mémo SARL et EXCEL il précise que tout n’a pas été réceptionné. « Ils ont émis des réserves comme les calles à béton, la dimension des poutres, le renforcement des cavaliers, etc. Mais c’est moi qui devais m’assurer que ces réserves-là soient levées. J’ai veillé à ce que les corrections soient apportées. La preuve, une fois fini, j’avise le conducteur des travaux et on vérifie ensemble ce qui a été fait. A la fin, on met tout dans le procès-verbal de la mission de contrôle ».

Pour finir, le tribunal lui a demandé s’il n’avait rien constaté d’anormal le jour de l’accident et quel pourrait être, selon lui, la cause de l’effondrement du bâtiment. « J’ai remarqué qu’il y avait des étanchéités au niveau du coffrage, j’ai demandé à certains ouvriers d’aller les régler, mais je ne sais pas si ça été fait ou pas. Techniquement, je ne sais pas ce qui a pu provoquer ça » dira-t-il avant d’ajouter : « j’étais dans les décombres quand tout s’est écroulé. Jusqu’aujourd’hui je me pose la question et ça me fatigue. Je n’ai jamais été confronté à une telle situation ».

L’audience reprend le mercredi 22 février 2023 à 9h avec le même prévenu.

Erwan Compaoré

Lefaso.net

Source: LeFaso.net